Dans un arrêt du 7 mars 2024, la cour d’appel de Paris se prononce sur l’information consultation du CSE lors du déploiement du système de classification issu de la nouvelle convention collective de la métallurgie. Alors que le CSE exigeait d’être consulté à chaque étape du processus, la cour considère qu’une seule consultation sur les modalités de mise en œuvre de la classification suffit.

Applicable depuis le 1er janvier 2024, la nouvelle convention collective nationale (CCN) de la métallurgie a réduit 78 conventions collectives à un seul texte de 300 pages, signé par la CFDT, la CFE-CGC, FO et l’organisation patronale UIMM (la CGT n’a pas signé le texte). Après un accord de méthode signé en 2016, les partenaires sociaux de la métallurgie avaient convenu de revoir la totalité du dispositif conventionnel. Signée en février 2022, le nouveau texte s’applique désormais dans les entreprises, les élus du personnel se plaignant parfois de ne pas être associés à la construction du nouveau système de classification.

En effet, le chapitre 2 de la convention collective prévoit une nouvelle méthode de classification des emplois afin d’adapter les entreprises aux nouveaux enjeux et de renforcer l’attractivité des métiers de l’industrie. Les fédérations métallurgie de la CFDT, CFE-CGC, FO et l’UIMM ont édité un guide pédagogique paritaire sur le sujet afin d’aider les représentants du personnel, salariés et employeurs dans la mise en œuvre du nouveau système.

L’objectif est de classifier les emplois et non les salariés, conduisant à une reconnaissance du contenu de l’emploi, une visibilité des parcours professionnels et une structuration de l’organisation de l’entreprise. Selon le guide paritaire, la classification permet également de gérer de manière équitable les salaires minimaux conventionnels pour toutes les entreprises de la branche.

Selon l’article 63.3 de la CCN, la classification nouvelle version doit être déployée dans les entreprises de la métallurgie en associant les représentants du personnel. L’entreprise employant 945 salariés, elle est soumise à l’alinéa 1 de l’article 63.3, selon lequel « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, en prévision de l’entrée en vigueur de la classification résultant de la présente convention, le comité social et économique, s’il existe, est informé et consulté sur les modalités envisagées pour la mise en œuvre de cette classification dans l’entreprise ». Un texte que le CSE de Toyota Material Handling a mis en avant dans sa requête à la cour d’appel de Paris.

Le CSE de Toyota veut être consulté à chaque étape du processus de classification

Après avoir vu ses prétentions rejetées en première instance par le tribunal judiciaire de Meaux en novembre 2023, le CSE demandait à la cour d’appel de Paris de juger que l’employeur n’avait pas respecté le code du travail relatif à la consultation du CSE (article L.2312-8 et L.2312.9) et les articles 63.2 (modalités de classement des emplois) et 63.3 (rôle des représentants du personnel) de la CCN. Les élus avancent également que cette consultation à chaque étape (recensement et description des emplois, formalisation du contenu réel du travail, communication des descriptifs etc.) est prévue par le guide paritaire (1). Ils souhaitent que la cour d’appel ordonne la reprise de la consultation du CSE sur la classification et qu’elle condamne la direction de l’entreprise à lui communiquer l’identification des emplois existants, les descriptifs d’emplois, les fiches d’emplois requises par la CCN, la méthodologie d’évaluation et de cotation des emplois, les critères de classification en cadre ou non-cadre, les conditions des recours des salariés.

Au contraire, l’employeur soutient devant les juges que l’action du CSE est motivée non par un défaut de consultation mais par une information insuffisante. Il relève que les élus ont rendu un avis positif à l’unanimité sur le déploiement de la classification lors de la réunion du 23 mars 2022 pendant laquelle un schéma d’application de la classification avait été transmis. La société conteste avoir annoncé une autre information consultation entre juin et septembre 2023 et indique avoir respecté les étapes diffusées dans le guide paritaire. Elle considère qu’une consultation unique sur les modalités de mise en œuvre de la classification était suffisante et soutient avoir respecté ses obligations en matière de fiches d’emploi.

Le CSE n’a pas à être consulté à chaque étape du processus de classification

La cour d’appel rejette les prétentions du CSE et confirme l’ordonnance de première instance en considérant les éléments suivants :

  • La CCN n’exige pas de consultation sur la mise en œuvre de la classification mais uniquement sur les modalités envisagées pour cette mise en œuvre ;
  • L’employeur justifie avoir convoqué le CSE à la réunion du 23 mars 2022 ;
  • L’ordre du jour mentionnait expressément les modalités envisagées ;
  • La note d’information remise au CSE comportait 3 parties : évolution du dispositif conventionnel, mise en œuvre de la nouvelle classification, calendrier prévisionnel ;
  • Les étapes clés ont été détaillées aux élus du personnel ;
  • Le compte-rendu de la réunion mentionne des réponses précises apportées au CSE sur la description et la cotation des emplois ainsi que l’impact de la classification ;
  • L’employeur a indiqué aux élus qu’ils n’intégreraient pas les groupes de travail relatifs à al classification ;
  • Il n’est pas démontré que les fiches d’emploi ne correspondaient pas aux fonctions réellement exercées ;
  • L’employeur n’était pas tenu, au regard de la CCN, de transmettre les fiches d’emploi au CSE ;
  • Si la direction s’était engagée à réaliser des points d’étape avec les élus, elle n’entendait pas recueillir de nouveau leur avis ;
  • Des points d’information réguliers ont par la suite été réalisés avec les élus ;
  • Les élus ont rendu un avis positif à l’unanimité.

Par conséquent, tranche la cour, « il ne peut être retenu que les informations communiquées par l’employeur en 2022 passaient sous silence la manière dont se déclinerait le processus de classification des emplois (…). Les opérations successives ne s’analysent pas en une prise de décisions échelonnées mais s’inscrivaient dans le cadre de l’avancement du projet ayant déjà été soumis au CSE, sans impliquer de nouvelle consultation par étape du CSE ». Selon l’avocate Elsa Galaup, du cabinet JDS, cette mention d’absence de décisions échelonnées constitue sans doute le noeud de l’arrêt : « Si ces décisions échelonnées avaient été constatées, cela aurait pu justifier de nouvelles consultations du CSE », analyse-t-elle.

Ainsi, le non-respect des dispositions légales et conventionnelles n’est pas établi concernant l’information consultation du CSE.

(1) Ce document de 43 pages (en pièce jointe) mentionne bien « les étapes clés et leur mise en œuvre pratique » de la classification. En revanche, la partie du document relative au rôle des acteurs s’en tient au texte de la CCN sans référence à une consultation du CSE à chaque étape : « Les instances représentatives du personnel sont informées et consultées, dans le cadre de leurs attributions légales, sur les modalités envisagées pour le déploiement de la démarche« .

Marie-Aude Grimont