Comment se déroulent les consultations obligatoires dans l’entreprise depuis le passage au comité social et économique (CSE) ? Témoignages et rappel des dispositions légales.

 

Dans le cadre du nouveau CSE, les principes « classiques » de l’information et de la consultation préalables, connus jusqu’ici dans le cadre du comité d’entreprise, sont conservés (► lire notre encadré ci-dessous). Mais les possibilités nouvelles de négocier le contenu et la périodicité des trois grandes consultations (situation économique, orientations stratégiques et politique sociale), la suppression du CHSCT ou encore la tendance au regroupement des établissements distincts ont-ils des impacts sur la qualité des échanges avec l’employeur ? Telle est la question que nous avons posée le jeudi 10 octobre aux nouveaux élus CSE présents lors du congrès confédéral de la CFE-CGC à Deauville. Voici leurs explications, qui complètent les témoignages ci-dessus recueillis en interview vidéo.

Secrétaire du CSE de l’établissement parisien de la MGEN (mutuelle de 9 500 salariés en France) depuis juillet 2019, Cécile Lothon déplore des marges de manoeuvre réduites au niveau local : « Nous sommes parvenus par accord à conserver nos cinq comités d’établissement et à négocier la création de commissions des représentants de proximité, afin de réduire le nombre de points à traiter lors des réunions plénières du CSE.

Le CSE local n’a pas la capacité de peser sur les décisions 

 

S’agissant des consultations, le CSE central joue un rôle encore plus prédominant. Au niveau local nous n’avons pas véritablement la capacité de peser sur les décisions de la direction de l’entreprise, énonce la DS CFE-CGC et négociatrice pour la branche mutualiste. Notre CSE d’établissement est un garde-fou, nous veillons à ce qu’il n’y ait pas trop d’écart entre le quotidien des salariés et l’image que la direction veut promouvoir auprès de l’extérieur ». Le passage au CSE a également provoqué un large renouvellement des élus : « Pour retarder le passage au CSE, nous avons prorogé les mandats au comité d’entreprise, d’une durée initiale de quatre ans, d’une année supplémentaire. À la sortie de ce long mandat de cinq ans, beaucoup d’anciens élus n’ont pas souhaité se représenter aux élections », regrette Cécile Lothon.

Le constat est identique au sein du CSE d’IBM région Centre, mis en place en novembre 2018 : « Le principal changement qui affecte le contenu des consultations, c’est le passage de sept à seulement trois CSE d’établissement, constate Sylvie Setruk, élue titulaire. Pour mon établissement, chaque mois la réunion plénière se tient dans une ville différente : Nantes, Orléans, Lyon ou Clermont-Ferrand. Cela fait beaucoup de territoire à couvrir !

Notre rôle économique se limite à aider à préparer les réunions du CSE central 

 

Désormais, les grandes consultations se déroulent maintenant au niveau du CSE central, ce qui ne nous laisse aucune liberté au niveau local. Ce fonctionnement centralisé génère de la frustration dans les CSE locaux. Notre rôle économique, c’est uniquement en amont des réunions du CSE central, à travers un travail préparatoire avec nos représentants au CSE central, que nous pouvons le jouer. Les expertises sont aussi décidées par le CSE central ».

« Ce qui change avec le CSE, c’est que notre direction est un peu perdue !, s’amuse enfin un groupe d’élues CFE-CGC du Crédit Agricole. On aborde des sujets en réunion du CSE, puis on se redit la même chose en réunion de la commission SSCT, avant de délibérer dans le cadre d’une nouvelle réunion du CSE. L’autre difficulté, c’est qu’il y a trop de sujets à traiter et que nous ne sommes pas assez nombreux. Il faudrait tout faire, mais la réalité c’est que nous n’avons pas le temps d’assister à toutes les réunions organisées par l’employeur, qui durent en principe une journée. Tout le monde n’assiste donc pas à toutes les réunions », expliquent-elles.

 

Consultations du CSE : les dispositions essentielles (*)
 
À quoi sert la consultation préalable du CSE ?

Comme nous le dit le code du travail, un CSE a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production (article L. 2312-8 du code du travail). Cette mission, le comité va pouvoir la remplir au moment des consultations obligatoires.

D’une manière générale, la consultation doit permettre aux membres du CSE :

  • de disposer d’informations précises et écrites en rapport avec l’objet de la consultation. Par exemple, sur les orientations stratégiques de l’entreprise, sur un projet de restructuration, d’aménagement important impactant les conditions de travail, etc. La qualité de l’information, c’est un point de départ qui est fondamental pour les représentants du personnel ;
  • d’analyser, pour les faire parler, les informations brutes fournies, d’essayer d’anticiper le plus possible les changements et les risques à venir pour les salariés en termes d’emploi, de santé et de sécurité, de conditions de travail, etc., de poser des questions à l’employeur pour comprendre ses motivations et obtenir davantage d’informations, de s’assurer des modalités de mise en oeuvre des changements en termes de moyens, etc. ;
  • d’essayer de provoquer un échange avec la direction, d’exprimer leur point de vue sur les choix de l’entreprise, de faire remonter la réalité du terrain et d’apporter des informations complémentaires, d’émettre des réserves en pointant du doigt certaines insuffisances, contradictions ou incohérences, de faire des contre-propositions et des préconisations, de négocier certains points du projet présenté, etc.
Quand l’employeur doit-il saisir pour avis le CSE ?
Périodiquement, le CSE doit être consulté sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière, ainsi que sur la politique sociale de l’entreprise. S’agissant des projets de l’entreprise, les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du comité social et économique, sauf en cas de lancement d’une offre publique d’acquisition (article L. 2312-14 du code du travail). La consultation du CSE doit donc obligatoirement avoir lieu avant que la décision de l’employeur ne soit définitive ou que le projet ne soit définitivement arrêté. Toute la difficulté est alors de savoir si on est bien en présence d’un projet. A ce titre, il a été jugé qu’un projet ou des orientations, même formulés en des termes généraux, doivent être soumis à consultation lorsque leur objet est assez déterminé pour que leur adoption ait une incidence sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. Il n’est pas nécessaire que ce projet soit accompagné de mesures précises et concrètes d’application dès lors que la discussion ultérieure de ces mesures n’est pas de nature à remettre en cause dans son principe le projet ou les orientations adoptées (lire l’arrêt du 18 juin 2003).
 
De quel délais dispose le CSE pour rendre ses avis ?

Rendre un avis consultatif, c’est émettre une opinion. Or, ce n’est possible que si on a préalablement disposé d’informations, d’explications et de temps. On dit que l’avis doit être émis en pleine connaissance de cause. D’où l’obligation pour l’employeur de (article L. 2312-15 du code du travail) :

  • transmettre aux représentants du personnel ou de mettre à leur disposition dans la BDES des informations précises et écrites en rapport avec l’objet de la consultation ;
  • laisser un délai d’examen suffisant en fonction de la nature et de l’importance des questions soumises aux élus du personnel ;
  • présenter en réunion les informations fournies et de répondre de façon motivée aux questions posées par les membres du comité social et économique.

Si durant la réunion, l’employeur n’est pas en mesure de fournir des réponses motivées, il devra le faire au cours de la réunion suivante.

L’avis du CSE doit-il être motivé ?

Oui. Il est très important de bien comprendre qu’une consultation ne se résume pas à l’avis, positif ou négatif, favorable ou défavorable. Émettre un avis veut dire émettre une opinion. Or, cette opinion n’aura de chance de faire bouger les lignes que si elle est bien expliquée et justifiée. C’est d’autant plus important que l’employeur a l’obligation de rendre compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis et voeux du comité social et économique (article L. 2312-15 du code du travail).

 

(*) Ces lignes sont issues du contenu des fiches pratiques du guide CSE des Editions Législatives rédigées par Frédéric Aouate et Virginie Guillemain.

 

Source – Actuel CE