La question de savoir si le critère de transparence financière doit être respecté, même par un syndicat non représentatif, pour pouvoir désigner un RSS (représentant de section syndicale) fera l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation ayant décidé par un arrêt du 29 janvier de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel.
A l’occasion d’un litige relatif à la désignation d’un représentant de section syndicale (RSS) au sein d’un établissement de la société Transdev, la société fait valoir, pour contester la désignation, que le syndicat à l’origine de celle-ci ne remplit pas le critère de transparence financière. Or, il s’agit là d’un critère exigé par la Cour de cassation depuis une jurisprudence du 22 février 2017 (Cass. soc., 22 févr. 2017, n° 16-60.123, voir notre article du 2 mars 2017). En effet, dans cet arrêt, la Cour avait jugé que « tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière ».
Une méconnaissance de la liberté syndicale ?
C’est précisément au sujet de cette interprétation que le salarié et le syndicat ont décidé de poser une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) : « L’interprétation de la Cour des articles L. 2121-1, L. 2141-1 et L. 2141-1-1 ajoute une condition qui n’est pas dans la loi (1). Ainsi, l’interprétation contra legem (Ndlr : contraire à la loi) de la Cour méconnaît le principe de liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, le principe d’égalité devant la loi et le principe de séparation des pouvoirs ».
L’article L. 2121-1 du code du travail précise les critères de représentativité des organisations syndicales, parmi lesquels figure la transparence financière. L’article L. 2142-1 du code du travail, quant à lui, prévoit que « chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise concernée peut constituer au sein de l’entreprise ou de l’établissement une section syndicale ». Lorsque le syndicat n’est pas représentatif, il peut « désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’entreprise ou de l’établissement » (C. trav., art. L. 2142-1-1). En effet, le code du travail n’impose pas, tel qu’il est rédigé, que le syndicat non représentatif ait l’obligation de satisfaire la condition de la transparence financière pour pouvoir désigner un RSS. Le syndicat et le salarié, à l’occasion de cette QPC, considèrent alors que la Cour de cassation a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne prévoyait pas.
L’innovation apportée par la jurisprudence justifie la QPC
La Cour de cassation, après avoir rappelé que l’article L. 2121-1 du code du travail a déjà été déclaré conforme à la constitution, considère qu’il est intervenu, du fait de la jurisprudence du 22 février 2017 (Cass. soc., 22 févr. 2017, n° 16-60.123), un changement de circonstance de droit. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la Cour de cassation dans cet arrêt exige que le critère de transparence financière soit respecté. Ainsi, si la question n’est, selon la Cour, pas nouvelle pour ce qui concerne l’interprétation de l’article L. 2121-1, elle présente un caractère sérieux et mérite, de ce fait, d’être transmise au Conseil constitutionnel. En effet, précise-t-elle, « la disposition légale ainsi interprétée pourrait être regardée, s’agissant des syndicats non représentatifs, comme portant atteinte au principe de liberté syndicale ».
(1) Il s’agit selon nous des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1, qui concernent la constitution d’une section syndicale et la désignation du RSS, l’article L. 2141-1-1 du code du travail n’existant pas.
Source – Actuel CE