Une obligation de discrétion s’impose, d’une part, aux membres de la délégation du personnel du CSE et aux représentants syndicaux auprès de cette instance (C. trav. art. L 2315-3) et, d’autre part, aux membres du comité d’entreprise européen (C. trav. art. L 2342-10). Le respect de cette obligation s’impose lorsque l’information revêt un caractère confidentiel, et qu’elle est présentée comme telle par l’employeur. Un manquement du représentant du personnel peut justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire par l’employeur (voir par exemple Cass. soc. 6 mars 2012 no 10-24.367).
Quelles sont les informations susceptibles de revêtir un caractère confidentiel ? C’est sur cette question que portait le litige soumis à la Cour de cassation dans un arrêt du 15 juin 2022.
L’affaire concerne un salarié d’une banque titulaire de plusieurs mandats de représentant du personnel, dont celui de membre du comité d’entreprise européen.
Pour préparer une réunion du comité portant sur la situation financière d’une agence située en Grèce, le salarié avait préparé une liste de questions. Il lui était reproché d’avoir rédigé cette liste sur l’ordinateur portable du comité, et non sur le téléphone sécurisé mis à sa disposition par l’employeur. Il avait ensuite transféré le document sur la clé USB du comité et l’avait imprimé sur l’imprimante d’un hôtel, et non sur un ordinateur de l’entreprise permettant une impression sécurisée à distance. Ce faisant, il avait pris le risque que des tiers accèdent à ces informations, présentées comme confidentielles par l’employeur.
Le salarié avait donc fait l’objet d’un avertissement, dont il demandait l’annulation devant le juge. Il soutenait qu’il n’avait pas manqué à son obligation de confidentialité, mais seulement méconnu les règles de sécurité informatique internes à l’entreprise : or, dans l’exercice de son mandat, le salarié protégé ne peut être sanctionné que s’il abuse de ses prérogatives ou manque gravement à ses obligations professionnelles (Cass. soc. 22 novembre 2017 no 16-12.109 ; Cass. soc. 23 octobre 2019 no 17-28.429). Par ailleurs, il estimait que l’information litigieuse n’était pas de nature confidentielle, et donc pas couverte par l’obligation de confidentialité.
Les arguments de l’intéressé ont été rejetés par la cour d’appel comme par la Cour de cassation.
La Cour de cassation pose le principe, inédit, selon lequel revêtent un caractère confidentiel les informations qui sont de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur, en cas de contestation, d’établir. Elle analyse ensuite les éléments de preuve relevés par la cour d’appel et considère que celle-ci a pu légitimement considérer que le caractère confidentiel des informations était établi et le manquement du salarié caractérisé.
En premier lieu, le procès-verbal de la réunion du comité central d’entreprise, qui s’était tenu en présence du salarié une semaine auparavant, mentionnait expressément que les informations litigieuses étaient « encore sous embargo » et que les informations devaient donc « rester strictement confidentielles ».
► Selon la Cour de cassation, l’exigence de présentation par l’employeur du caractère confidentiel des informations, prévue par les articles L 2315-3 et L 2342-10 du Code du travail, est respectée lorsque cette indication est donnée oralement, pendant la réunion, et inscrite dans le procès-verbal (voir en ce sens, a contrario, Cass. soc. 12 juillet 2006 no 04-47.558).
Ensuite, certaines des informations revêtaient « en raison de leur nature et de leur contenu, un caractère confidentiel au regard des intérêts légitimes de l’entreprise » : il s’agissait en effet d’éléments relatifs à la gestion interne de l’entreprise et à ses projets de développement. Pour les juges, la méconnaissance par le salarié des règles de confidentialité et de sécurité informatique caractérise le manquement à son obligation de discrétion : il a en effet pris le risque que des éléments sous embargo et stratégiques pour l’entreprise tombent entre les mains de tiers.
Ainsi, pour la Cour de cassation, le représentant du personnel qui détient des informations reconnues comme confidentielles doit non seulement s’abstenir de les communiquer volontairement aux salariés ou à des tiers à l’entreprise, mais également veiller à ne pas les laisser fuiter, par exemple en les égarant ou, comme en l’espèce, en ne respectant pas les protocoles de sécurité.
► Les décisions relatives à la nature des informations pouvant être qualifiées de confidentielles sont rares. Pour l’administration et la Cour de cassation, une information est confidentielle si sa divulgation est de nature à porter préjudice à l’entreprise, et si elle n’est pas déjà largement connue du public ou des salariés de l’entreprise (Circ. DGT 2014-1 du 18-3-2014 Fiche 1 no 3.3 ; Cass. soc. 11 octobre 1972 no 71-40.509). Par ailleurs, l’employeur ne peut pas se prévaloir de la confidentialité de l’ensemble des documents remis dans le cadre d’une procédure d’information-consultation légalement obligatoire, sauf à la vider de sa substance en privant les élus de toute possibilité de communication avec les salariés (TGI Lyon 9 juillet 2012 no 12/01153; Cass. soc. 5 novembre 2014 no 13-17.270).