La mise en place d’un nouveau logiciel modifiant la façon dont les salariés sont en relation avec l’employeur au plan administratif et de la comptabilisation du temps de travail constitue un projet d’aménagement important.
Comme en avait déjà le droit tout CHSCT, dans les entreprises de 50 salariés et plus, le CSE peut se faire assister par un expert en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article L. 2315-94). Différence importante toutefois : à l’époque du CSHCT, cette instance ne disposait pas de budget propre et l’expertise était à la charge de l’employeur.; désormais, le comité social et économique a l’obligation d’en prendre en charge 20% sur son budget de fonctionnement.
Projet d’aménagement important ou pas projet d’aménagement important ?
Voilà donc la question que les élus du CSE doivent impérativement se poser lorsque l’employeur leur présente un projet et qu’ils souhaitent se faire assister par un expert habilité en qualité de travail et de l’emploi. Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question, tout va dépendre de l’impact que le projet est susceptible d’avoir sur les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés.
Aux élus d’analyser en amont le projet et de lire à travers ses lignes pour essayer d’en faire ressortir les incidences qu’il pourrait avoir pour les salariés. Il semble également important, surtout si l’employeur conteste l’existence du projet important, d’essayer de trouver des cas de jurisprudence se rapprochant le plus possible de la situation à laquelle sont confrontés les élus.
Une récente jurisprudence de la Cour de cassation nous fournit une nouvelle illustration
Estimant que le projet dénommé « Smart Action RH » mis en œuvre par la société Altran constituait un projet d’aménagement, le CHSCT vote une expertise par délibération du 23 octobre 2015 pour se faire « aider à appréhender et évaluer ce projet ».
En désaccord avec cette décision, la direction d’Altran demande au président du tribunal de grande instance d’annuler la délibération en question. Elle obtient gain de cause en appel. Aux yeux des juges, le logiciel « Smart RH » n’induisait pas de « modification des conditions de travail des salariés, que ce soit du point de vue des horaires, des tâches à effectuer, des caractéristiques des postes de travail et de leur environnement ou des moyens mis à leur disposition ». Il n’était donc pas « de nature à affecter leur santé ou leur sécurité » et ne créait pas de « nouveaux modes de contrôle de leur travail ou de leurs horaires ».
Désaccord de la Cour de cassation
La Cour de cassation, saisie par le CHSCT, n’est pas de cet avis. « Ce logiciel concernait tous les salariés de l’entreprise et notamment les consultants exerçant des missions dans les entreprises clientes », souligne la Cour. Il « constituait une modification de la façon dont les salariés sont en relation avec l’employeur au plan administratif à travers l’accès à divers documents concernant l’entreprise ou la situation personnelle du salarié et son contrat de travail et au plan des conditions de comptabilisation de leur temps de travail notamment en ce qui concerne les heures de travail, y compris supplémentaires, les astreintes, les congés, les récupérations ». « Il ne permettait plus à ces derniers d’inscrire les heures qu’ils avaient effectivement réalisées, dès lors que les heures complémentaires et supplémentaires qui n’auraient pas fait l’objet d’une validation préalable du manager ne pourraient y être comptabilisées ».
Compte tenu de ces constats, la cour d’appel aurait dû reconnaître « l’existence d’un projet important modifiant les conditions de travail des salariés » et, par conséquent, rejeter la demande d’annulation de la délibération du CHSCT.
Source – Actuel CE