Nous avons recensé sur la base de Legifrance 16 accords conclus sur le télétravail durant la phase de confinement, du 17 mars au 11 mai. Alors que s’ouvrent aujourd’hui les discussions entre organisations et syndicales sur le sujet, voici un aperçu des dispositions prises dans ces accords.

Organisations patronales et syndicales commencent aujourd’hui leurs discussions au sujet du télétravail (*). Pour le Medef, il s’agit d’abord de dresser un état des lieux sur un mode de travail que la période de confinement a généralisé, le gouvernement ayant exhorté toutes les entreprises qui le pouvaient à faire travailler leurs salariés à leur domicile. A l’issue d’une « phase de diagnostic », l’organisation patronale souhaite vouloir « le cas échéant porter dans le débat public une position paritaire ». Pour les syndicats, qui ont parfois parlé d’un « mode de télétravail dégradé » du fait du caractère contraint de l’expérience de confinement (absence de prise en compte des frais, présence des enfants et de la famille, etc.), il s’agit clairement d’obtenir une négociation interprofessionnelle sur le sujet afin d’aboutir à un accord, le dernier remontant à 2005, d’autant que les syndicats ont critiqué sur cette question le positionnement a minima du ministère du Travail, notamment sur la question de la prise en charge des frais (lire notre article).

Des accords plutôt prudents

Dans ce contexte, il est intéressant de scruter le contenu des accords d’entreprise, et des avenants, passés en matière de télétravail entre le 17 mars et le 11 mai, soit durant la durée du confinement. Pour résumer le tableau ci-dessous, disons que si de nombreux accords prévoient la fourniture d’un matériel professionnel, rares sont les accords très généreux en matière de frais, et l’on voit même des textes posant comme principe que le télétravail se faisant sur la base du volontariat, les salariés ne sauraient prétendre à aucune indemnité, certains textes fixant même des exigences pour le matériel informatique personnel du salarié. 

Certains accords semblent transférer au salarié la responsabilité de veiller à ses temps de repos et au respect des durées maximum de travail, quand d’autres rappellent à cet égard le rôle des managers (entretien annuel) et des IRP, et il faut noter l’insistance de certains accords appelant le salarié à veiller à la confidentialité des documents de l’entreprise, avec parfois la menace d’une sanction allant jusqu’au licenciement. 

Le souci de voir les salariés ne pas se détacher de l’entreprise

Si certains accords actent surtout la situation exceptionnelle liée au Covid-19, d’autres enjambent la crise sanitaire et se montrent toujours prudents à l’égard du télétravail (limitation à 1 jour par semaine dans l’accord Cyclopharma, définition d’un plafond de 20% de l’effectif en télétravail dans l’accord Pierres et Lumières), comme si la peur de voir des salariés se détacher de l’entreprise était toujours forte chez certaines directions. On peut du reste se demander si le contenu de ces accords négociés à chaud restera longtemps pertinent au regard des changements provoqués par le confinement et la crise sanitaire, surtout si les partenaires sociaux s’accordent sur le sujet au niveau interprofessionnel national. 

 

(*) Selon l’article L.1222-9 du code du travail, « le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Au sujet du télétravail, lire notre article du 18 mai 2020 : « Les conseils essentiels pour négocier un accord de reprise et de télétravail »

 
Entreprise Contenu de l’accord

Presscom

► L’avenant Presscom du 11 mai 2020

  • L’avenant exige du salarié en télétravail une attestation d’assurance habitation pour le travail à domicile, un justificatif d’abonnement à un service internet à haut débité, un justificatif de conformité électrique ou une attestation sur l’honneur avec réalisation d’un auto-diagnostic (NB : Presscom est spécialisée dans les systèmes de communication intégrés).

Matmut

► L’avenant Matmut du 6/5/2020

 

(l’avenant Matmut précédent du 9/4/2020)

  • « L’employeur accepte que les salariés organisent leurs horaires et leur charge de travail comme ils le peuvent, en confiance et en concertation avec leur manager ».
  • Frais pris en charge : les surcoûts générés par le télétravail sont indemnisés jusqu’à 50€, et 30€ pour le salarié doté d’un ordinateur financé par l’entreprise. Dans le détail : 20€ par mois pour le salarié dotés par l’entreprise d’un ordinateur et d’un téléphone; 10€ par mois en plus pour l’usage d’un ordinateur personnel; et jusqu’à 25€ en plus par mois pour l’usage d’un téléphone personnel.
  • Les salariés en télétravail bénéficient de tickets-restaurant.

CMA CGM

► L’avenant CMA CGM du 30/4/2020

  • L’avenant reconduit, à partir du 1er mai et pour 5 mois, l’expérimentation menée sur le télétravail, les mesures exceptionnelles liées au Covid-19 n’ayant pas permis à la direction et aux organisations syndicales de dresser un bilan de l’accord d’expérimentation du télétravail.

BTP CFA Poitou-Charentes

► L’avenant du CFA BTP du 30/4/2020

 

  • L’avenant prévoit la mise à disposition de téléphones portables professionnels, d’ordinateurs portables ou fixes.
  • « Il sera demandé à chaque salarié de consulter régulièrement sa boite mail professionnelle pendant ses horaires de travail ».
  • Pour les formateurs, le temps de travail réalisé à distance sera considéré comme du temps de travail effectif et ne générer aucune heure complémentaire ni supplémentaire.
  • ► A noter que cet accord prévoit que l’assiette de calcul de la masse salariale sera inchangée et qu’il n’y aura donc aucune incidence sur le budget fonctionnement et ASC du CSE.

SOFIP

► L’accord de la SOFIP sur le télétravail du 23/4/2020

  • L’activité d’une journée en télétravail « doit correspondre en terme d’activité à une journée normale de travail ».
  • Aucun dépassement de temps ne doit être généré.
  • « Le collaborateur s’engage à participer à toutes les réunions téléphoniques organisées par sa hiérarchie ».
  • Pour l’ensemble des coûts liés au télétravail (internet, électricité, etc.), une allocation forfaitaire est versée sans justificatif d’1€ pour une demi journée travaillée ou de 2€ pour une journée travaillée.

Steam management

► L’avenant de Steam du 20/4/2020

  • Avenant de prorogation à l’accord d’entreprise sur le télétravail conclu en 2028, suite « au succès de cet accord » auprès des salariés constaté lors du bilan de l’accord le 17 février 2020.
  • L’accord est prorogé 3 ans, sans nouvelle disposition.

Redex

► L’accord de Redex du 17/4

  • Cet accord traite uniquement du télétravail occasionnel, le télétravail régulier « étant traité au cas par cas, par un avenant individuel au contrat de travail du salarié ».
  • L’accord ne s’applique ni aux CDD ni aux CDI à temps partiels.
  • « Aucune indemnité, ni prime, ne seront versées dans le cadre du télétravail, dans la mesure où le salarié dispose d’espace de travail dans les locaux de l’entreprise ».
  • « Les frais de connexion internet en adéquation avec les missions professionnelles qui lui sont confiées sont à la charge du salarié ».
  • Délai de prévenance de 48h pour le salarié souhaitant télétravailler.
  • « Les salariés en télétravail veillent à respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, et les temps de repos obligatoire ».
  • « Afin d’évier tout isolement du télétravailleur, celui-ci est tenu d’effectuer tout déplacement professionnel rendu nécessaire par les besoins de son poste (réunion, conférence, visite) ».
  • Le salarié doit autoriser l’audit de conformité, sous délai de prévenance de 10 jours, afin de s’assurer « des bonnes conditions d’hygiène et de sécurité du télétravail », l’audit étant conduit par la direction et/ou un membre du comité hygiène et sécurité.
  • Mise à disposition d’un ordinateur portable ou compatible réseau VPN, casque audio ou téléphone portable, accès à distance au réseau interne de l’entreprise.
  • L’accord prévoit une commission de suivi pour évaluer chaque année la pratique du télétravail

Les Papillons Blancs du Loiret / Adapei 45

► L’accord de l’Adapei du 9/4/2020

 

  • L’accord vise la situation découlant de l’état d’urgence sanitaire.
  • Le télétravail est à l’initiative de l’employeur.
  • Un salarié peut alterner des plages horaires de télétravail (entre 7h30 et 20h), de travail sur site, de disponibilité en attente de mobilisation.
  • L’association fournit un ordinateur portable, une connexion VPN et dans certaines situations un téléphone portable.
  • Aucun défraiement ne sera effectué pour l’utilisation de matéreil personnel.

Gazocean

► L’avenant Gazocean du 2/4/2020

 

  • Le texte concerne la population cadre au forfait.
  • En cas de situation exceptionnelle, la fréquence et le nombre de jours télé travaillés, prévus à l’article 5 de l’accord télétravail, peuvent alors être modifiés unilatéralement par l’employeur en prenant soin d’en informer les IRP. 
  • En cas de maintien en télétravail sur plusieurs semaines consécutives, la somme forfaitaire allouée aux télétravailleurs pour la prise en charge partielle de leur abonnement internet et d’électricité passe de 10 à 20€ par mois, pendant toute la période concernée sous réserve de présentation de justificatifs.

 

Albioma

► L’accord d’Albioma du 31/3/2020

  • L’accord acte la généralisation du télétravail du personnel durant la crise sanitaire.

  • « Les parties constatent que les salariés de l’entreprise ont pu très rapidement être équipés de moyens de travail à distance (ordinateurs et téléphones portables, logiciels de vidéoconférence) et que le réseau interne de l’entreprise se comporte de façon satisfaisante ».

  • « Dans cette période très particulière, les membres du Comité Social et Économique et ceux de la Direction des Ressources Humaines sont convenus d’échanger toute information utile et de traiter sans délai en toute confidentialité, les difficultés de toute nature que rencontrerait tout membre du personnel ».

  • « Il sera graduellement proposé par l’entreprise un ensemble de formations à distance afin que les salariés puissent maintenir, voire accéder à des modules de formation pouvant être certifiant, durant la période de pandémie. Ces formations seront considérées comme du temps de travail effectif dès lors qu’elles seront en lien avec l’activité du salarié et auront reçu l’accord de la hiérarchie ou de la DRH ».

Laboratoires Cyclopharma

► L’accord de Cyclopharma du 30/3/2020

  • L’accord, d’une durée de 3 ans, définit des critères d’éligibilité au télétravail (au moins 6 mois d’ancienneté, autonomie de travail, travailler à temps plein ou au mois à 80%, etc.). Les CDD sont exclus du télétravail.
  • Le télétravail, sur la base du volontariat, est limité à 1 jour par semaine. Il est formalisé par un avenant au contrat de travail (sauf en cas de situations inhabituelles et imprévisibles : intempéries, pollution, problèmes de transport, problèmes médicaux individuels).
  • Respect de la vie privée : le collaborateur en télétravail ne peut pas être joint en dehors des plages de travail et des heures d’ouverture de l’entreprise.
  • La situation de télétravail est résiliable.
  • Un matériel informatique est mis à disposition par l’entreprise.
  • Frais : indemnité forfaitaire de 25 euros par mois.
  • Les services techniques pourront à la demande de la direction être amenés à intervenir en support de l’installation des équipements et les membres du CSSCT pourront venir vérifier, avec l’accord du salarié, la conformité de son environnement de travail.
  • Suivi : une réunion de suivi aura lieu tous les 6 mois avec le CSSCT. Cette réunion permettra de faire un point à la fois sur l’évolution des demandes et le suivi de la charge de travail des salariés concernés.

YNCREA Méditerranée

► L’accord Yncrea du 27/3/2020

 

  • L’accord vise « à accompagner accompagner de manière régulière la réalisation du télétravail en soulignant l’importance de la responsabilisation des acteurs pour établir un rapport de confiance entre le manager et le salarié, condition « sine qua none » de son fonctionnement ».
  • Sont éligibles les salariés en CDI à temps plein ou au moins à 60% : le télétravail est à leur initiative (sauf cas exceptionnel comme une épidémie : dans ce cas, le télétravail est imposé).
  • « La mise en place du télétravail implique obligatoirement un accord réciproque du salarié et de son responsable concerné. En cas de refus du responsable concerné, il devra être motivé ».

  • Le télétravail régulier ne peut excéder 2 jours par semaine.

  • Les conditions d’activité du télétravailleur régulier et l’organisation du travail doivent être abordées lors du passage en télétravail et au moins une fois par an entre le responsable concerné et le télétravailleur dans le cadre des entretiens périodiques.

  • À tout moment, un entretien spécifique pourra être demandé par le télétravailleur ou le responsable concerné.

  • Au même titre que l’ensemble des salariés, le télétravailleur bénéficie notamment de l’accès aux informations syndicales, de la participation aux élections professionnelles, et peut contacter les représentants du personnel.

  • La direction fournit chaque année au CSE des indicateurs pour suivre le télétravail (nombre et âge des salariés, statut, genre, ancienneté, etc.).

  • ► L’accord contient en annexe un schéma et des recommandations ergonomiques pour l’installation d’un bureau à domicile. 

 

La SA HLM Pierres et lumières

► L’accord de Pierres et Lumières du 24/3/2020

  • A noter : c’est un accord voté à la majorité des membres du CSE
  • L’accord pose le principe du volontariat et définit des règles d’égibilité (CDI à temps plein, CDI d’un an, autonomie dans le poste, etc.).
  • Un quota de 20% maximum de l’effectif en télétravail est fixé. 
  • Le télétravailleur doit travailler au moins 4 jours entier par semaine dans l’entreprise.
  • Déconnexion : « il n’y a pas d’obligation pour les télétravailleurs de répondre au téléphone ou aux mails en dehors de leurs heures habituelles de travail et durant leurs périodes de repos, congés et maladie ».
  • L’entreprise fournit l’équipement informatique et un téléphone professionnel.
  • Le télétravailleur s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement s’il ne protége pas l’accès aux documents confidentiels de l’entreprise.
  • Frais pris en charge dans la limite de 30 euros par mois.

DSI-DCF distribution Casino France

► L’accord DSI-DCF de Casino du 23/3/2020

  • Un jour maximum par semaine de télétravail, sur la base du volontariat.
  • Télétravail réservé aux CDI à temps plein ou à 80%.
  • Critères d’éligibilité : maîtrise du poste, autonomie dans l’organisation du travail, etc.
  • Le télétravail fait l’objet d’un avenant au contrat de travail, valable un an.
  • L’établissement fournit un ordinateur et un téléphone portables.
  • « Le télétravailleur devra prendre toutes les précautions nécessaires pour préserver la confidentialité des informations et documents qui lui sont confiés et auxquels il/elle a accès dans le cadre professionnel ».

  • Frais : une indemnité forfaitaire de 16,25 euros par mois. 

  • Lors de l’entretien annuel, le manager devra vérifier « les conditions d’activité » et « la charge de travail » du télétravailleur.
  • Un bilan annuel du télétravail sera fait en CSE en juillet (nombre de salariés volontaires et refus, nombre de changements de choix, etc.).

Tellis Telephone Limousin

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Titre: 
L’accord de Tellis du 17/3/2020

L’accord de Tellis du 17/3/2020

  • Critères d’éligibilité : ancienneté de 3 mois en CDI ou CDD, volontariat, matériel informatique, etc.
  •  Le télétravailleur doit respecter les durées maximales de travail (10 heures par jour, 48 heures sur une semaine  et sur 12 semaines consécutives 44 heures par semaine (ce que l’on appelle « durée maximale hebdomadaire moyenne ») et les temps de repos (11 heures par jour et 35 heures par semaine). Il doit pointer.
  • Le salarié utilise son propre matériel informatique, « d’une configuration windows 8.1 minimum ». Le cas échéant, l’entreprise peut fournir et installer du matériel (connexion ADSL Business, par ex.).
  • Frais pris en charge : 50% de l’abonnement ASDL dans la limite de 20 euros par mois, la consommation électrique (10 centimes par heure travaillée), 1 euro par jour travaillé sur le matériel informatique personnel.
  • Suivi : un bilan de l’accord tous les 5 ans. 

Nordcall

► L’accord de Nordcall du 17/3/2020

  • Critères d’éligibilité : CDI ou CDD d’au moins 3 mois, disposer du matériel informatique et habiter dans une zone ADSL, etc.
  • Le télétravailleur doit respecter temps de repos et durée maximum de travail. 
  • « Les jours et horaires de télétravail seront fixés par le biais du logiciel de gestion du temps de travail selon les modalités de communications de la planification de travail prévues par accord d’entreprise ».

  • « Le télétravailleur reste tenu, même pendant les jours de télétravail, de se rendre dans les locaux de l’entreprise en cas de demande de son manager, pour participer notamment aux réunions ou pour tout autre motif justifié par le bon fonctionnement du service ».

  • Matériel informatique fourni par l’entreprise (PC, casque).
  • Frais : prise en charge de 50% de l’abonnement ADSL ou fibre plafonné à 20 euros par mois, de l’électricité (8 centimes par heure travaillée), indemnisation de 1 euro par jour travaillé sur un matériel informatique personnel. 
  • Un bilan de l’accord sera fait tous les 5 ans.

Source – Actuel CSE