La mise en œuvre du volet social est suspendue et l’employeur condamné à reprendre la consultation du comité à ce sujet, lorsque le comité a été consulté sur le projet de restructuration mais pas sur son volet social, celui-ci résultant de décisions unilatérales de l’employeur après échec des négociations avec les organisations syndicales.

La question de la régularité de la consultation du CE (ou CSE) en cas de projet de restructuration et de ses conséquences traverse le droit des représentants du personnel. Et si elle évolue avec les différentes réformes, ses principes fondamentaux restent les mêmes : il faut consulter le comité loyalement et utilement.

Plan de restructuration avec un volet social négocié

Dans cette affaire, l’entreprise élabore un plan de restructuration et de réorganisation de ses activités sous la dénomination « Prospero ». Elle consulte le CHSCT et le CE sur le projet. Et elle réunit les organisations syndicales pour négocier sur son volet social. Le comité est informé du contenu de l’accord en négociation, mais il n’est pas consulté à ce sujet. Sur le projet lui-même, le comité émet un avis négatif. Seulement la négociation échoue et l’employeur se ressaisit du volet social. Il met en oeuvre immédiatement des mesures d’accompagnement résultant de quatre notes RH, mesures très différentes de celles proposées aux organisations syndicales dans le cadre de la négociation.

Le comité estime devoir être consulté sur ce volet social et saisit le juge des référés du TGI d’une double demande de condamnation sous astreinte de la société à engager le processus d’information et de consultation d’une part, et de suspension de la mise en oeuvre du volet social dans cette attente d’autre part. Les juges font droit à la requête et la Cour de cassation leur donne raison.

Consultation sur le volet social après échec des négociations

Dans ce contexte, la Cour de cassation explique que le comité doit être à nouveau consulté lorsque le projet sur lequel il a été initialement consulté fait l’objet de modifications importantes. Or, dans cette affaire, la consultation du comité s’est faite sur la base d’un volet social soumis parallèlement à une négociation collective, alors que les mesures d’accompagnement finalement mises en oeuvre de façon unilatérale à la suite de l’échec des négociations collective comportaient par rapport au projet ayant donné lieu à consultation des modifications substantielles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail ou de formation professionnelle.

Il en résulte que le défaut de consultation sur le projet modifié constituait un trouble manifestement illicite qui justifiait qu’il soit ordonné à l’employeur de procéder à cette consultation et de suspendre la mise en oeuvre du volet social du projet dans cette attente.

Ainsi, même si le comité n’a pas à être consulté sur le projet d’accord relatif au volet social (et ne l’a d’ailleurs pas été), ses dispositions dont il a été informé font partie intégrante de la consultation sur le projet en lui-même. Dès lors que les mesures d’accompagnement finalement adoptées unilatéralement constituent des modifications substantielles touchant la marche générale de l’entreprise, la consultation doit alors être reprise.

Action en justice pour consultation incomplète et pas pour informations insuffisantes

Un autre point intéressant sous-tend cette décision. Ainsi, un des arguments de l’employeur était que le comité aurait dû utiliser la procédure spécifique de recours auprès du TGI en cas d’informations insuffisantes (articles L. 2323-4 du code du travailpour le CE et L. 2312-15 du code du travail pour le CSE). Rappelons que cette disposition prévoit que le comité peut, s’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du TGI statuant en la forme des référés, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Il est également possible dans ce cadre de demander la prolongation du délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Pour la direction, la consultation est terminée, le CE n’ayant pas agi dans ce cadre en amont.

La Cour de cassation ne répond pas directement à ce moyen mais il est intéressant de l’analyser. En fait, la Cour donne raison aux représentants du personnel et confirme la reprise de la consultation et la suspension de la mise en oeuvre du projet dans cette attente. Elle écarte donc, de fait, l’application de cette procédure spécifique, et c’est logique. En effet, dans le cadre de la consultation sur le projet, le volet social était soumis à négociation : le comité n’avait donc pas à être consulté sur le projet d’accord (article L. 2323-2 pour le CE, article L. 2312-14 pour le CSE). Ce n’est qu’après la fin de la consultation, et l’échec de ces négociations, que l’employeur a mis en oeuvre des mesures d’accompagnement unilatérales, très différentes du projet d’accord. Il est donc parfaitement cohérent de se placer sur le terrain de la consultation incomplète et non pas sur celle de l’information incomplète obligeant le comité à agir en amont.

Cette solution s’applique pleinement au CSE.

Source – Actuel CE