Au regard de la protection spéciale contre le licenciement, la situation des salariés titulaires d’un mandat extérieur à l’entreprise (conseiller prud’homme, conseiller du salarié, défenseur syndical, administrateur de sécurité sociale, etc.) est particulière. Le code du travail n’impose pas à ces salariés d’informer leur employeur de la détention d’un tel mandat. En contrepartie, la Cour de cassation impose dorénavant à ces salariés, s’ils veulent bénéficier du statut protecteur, d’informer leur employeur de l’existence du mandat extérieur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement (lire l’arrêt du 14 septembre 2012). À défaut, le salarié peut aussi prouver que son employeur avait déjà connaissance de l’existence du mandat extérieur (lire l’arrêt du 15 avril 2015). L’illustration à travers une décision du Conseil d’Etat rendue le 24 juillet dernier.
En janvier 2013, l’inspecteur du travail de l’unité territoriale du Puy-de-Dôme est saisi par le liquidateur judiciaire d’une entreprise d’une demande d’autorisation de licenciement économique d’un salarié protégé. Le licenciement est autorisé quelques jours plus tard. Sauf que l’élu licencié, soutenu par l’union départementale CGT du Puy-de-Dôme, conteste cette décision au motif que son mandat extérieur de conseiller prud’hommes n’a pas été pris en considération par l’administration (or l’inspecteur du travail doit prendre en compte l’ensemble des mandats du salarié avant de prendre sa décision, lire la décision du 27 mars 2015).
La question se pose alors de savoir si le liquidateur judiciaire aurait dû mentionner ce mandat de conseiller prud’homme dans sa demande d’autorisation de licenciement. En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle le cadre juridique : « Dans le cas particulier d’une entreprise placée en situation de liquidation judiciaire, l’administration doit, à peine d’illégalité de sa décision d’autorisation de licenciement, tenir compte, quelle que soit la façon dont ils sont portés à sa connaissance, de l’ensemble des mandats extérieurs à l’entreprise détenus par le salarié protégé, à la condition que ceux-ci aient été, postérieurement au placement en liquidation, portés à la connaissance du liquidateur, par le salarié lui-même ou par tout autre moyen, au plus tard à la date de l’entretien préalable au licenciement », énonce-t-il. Or s’il n’est pas contesté que le conseiller prud’homme n’a pas pris l’initiative d’informer lui-même le liquidateur judiciaire de l’existence de ses fonctions de magistrat, il est en revanche établi que le liquidateur a appris dès novembre 2012 (soit trois mois avant de lancer la procédure de licenciement), dans le cadre d’une réunion de comité d’entreprise, que l’élu était aussi conseiller prud’homme.
La demande d’autorisation de licenciement rédigée par le liquidateur judiciaire était donc incomplète en ce qu’elle ne mentionnait pas tous les mandats connus du salarié protégé. Cela justifie l’annulation du licenciement.
Source – Actuel CE