Le cabinet d’avocat Flichy Grangé, conseil auprès des entreprises, organisait mardi matin pour ses clients une conférence à Paris consacrée à la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) du comité social et économique (CSE). « De nombreux accords de mise en place du CSE, principalement ceux conclus en 2018, ont, pour définir le fonctionnement et les missions de la CSSCT, recopié sans recul les règles relatives au CHSCT, constate Grégoire Loiseau, professeur de droit à l’Université Paris 1 Sorbonne et consultant du cabinet Flichy Grangé. Mais il faut avoir en tête que c’est le CSE, et non la CSSCT, qui est le successeur du CHSCT », annonce-t-il immédiatement. L’occasion de rassurer les employeurs sur la disparition définitive, à venir dans moins de trois mois, du CHSCT ?
Premier élément avancé par le cabinet d’avocats pour démontrer l’écart entre la CSSCT et le CHSCT : l’absence de personnalité morale. « Seul le CSE dispose de la personnalité morale, d’un patrimoine et de la faculté d’agir en justice, souligne Frédéric-Guillaume Laprévote, avocat associé. L’effectif de 300 salariés retenu pour la mise en place de la CSSCT est éclairant car c’est aussi le seuil de création des commissions formation, logement et égalité professionnelle. On peut en déduire que la volonté du législateur, c’est donc bien de faire de la CSSCT une simple commission du CSE », soutient-il.

« La CSSCT reste néanmoins la seule commission du CSE, avec la commission des marchés, à bénéficier dans le code du travail de règles d’ordre public, tempère le professeur Grégoire Loiseau. C’est le signe d’une place particulière donnée à cette commission SSCT. En revanche, ce cadre relevant de l’ordre public reste squelettique et l’essentiel doit être défini par accord ». Autre signe que la CSSCT n’est pas l’héritière du CHSCT : la formation à la santé/sécurité bénéficie à tous les membres du CSE, titulaires collectivement des anciennes compétences du CHSCT, et non pas aux seuls membres de la commission SSCT.
Dans les entreprises de plus de 300 salariés, tous les salariés doivent-ils être couverts par une CSSCT, y compris dans les établissements de moins de 300 salariés ? À cette question posée par une DRH, Grégoire Loiseau répond que « toutes les solutions juridiques sont possibles, mais que la couverture des salariés devrait être pensée au regard du CSE ou CSE central, car c’est lui qui dispose des prérogatives relatives à la santé/sécurité ». De son point de vue, donc, rien n’est obligatoire… |
Selon Stéphanie Guedes da Costa, avocate associée du cabinet Flichy Grangé, la règle de composition de la CSSCT n’est pas non plus à la hauteur du CHSCT : « Au sein du CHSCT, le nombre de membres était proportionnel à la taille de l’entreprise. La CSSCT peut quant à elle rester composer du minimum de trois membres élus, y compris dans de grandes entreprises, relève-t-elle. On est donc bien dans une logique de commission ».
Il est à noter que pour les entreprises de moins de 300 salariés, qui décident de mettre en place volontairement une CSSCT, il apparaît interdit de prévoir moins de trois sièges au sein de la commission : « Le TGI d’Evry, le 15 octobre 2018, a décidé que la clause d’un accord collectif fixant à deux le nombre de membres pour une CSSCT facultative doit être annulée. C’est discutable juridiquement, mais ce jugement n’a pas fait l’objet d’un appel », regrette Stéphanie Guedes da Costa. Et pour les accords qui prévoient la faculté de désigner à la CSSCT des personnes non-élues ? « Certains accords le prévoient, concède l’avocate. Nous verrons si ces stipulations feront l’objet de contentieux ».
Sur le terrain des attributions, la CSSCT ne fait pas non plus le poids face au CHSCT, poursuit le cabinet Flichy Grangé : « La CSSCT n’en a tout simplement pas, résume Grégoire Loiseau. En tout cas pas sans délégation préalable décidée par les membres du CSE. Et juridiquement, cette délégation de pouvoirs prévue par l’accord de mise en place du CSE n’en est même pas véritablement une, dans la mesure où la CSSCT n’a pas de personnalité morale. Il s’agit plutôt d’un découpage du travail entre les membres du CSE. On peut même penser que l’accord relatif à la CSSCT ne dépossède pas le CSE de ses attributions en matière de santé/sécurité ».
Et lorsque la loi évoque les prérogatives de la CSSCT, c’est par retranchement. Il est ainsi prévu que la CSSCT ne peut pas recourir à un expert ou exercer les attributions consultatives du CSE.
Le CSE central n’ayant ni pouvoir d’enquête, ni d’inspection, la CSSCT centrale ne devrait pas non plus pouvoir mener des enquêtes et des inspections, souligne le cabinet d’avocats. |
Enfin, les règles de fonctionnement de la nouvelle CSSCT ne sont pas non plus à la hauteur d’une véritable instance, souligne le cabinet Flichy Grangé : « La fréquence des réunions de la CSSCT n’est absolument pas prévue par la loi, énonce Stéphanie Guedes da Costa. Mais la majorité des accords d’entreprise prévoit une périodicité de quatre réunions de la CSSCT par an, pour se caler sur le fonctionnement du CSE, qui doit aborder au moins quatre fois par an ses attributions en matière de santé, sécurité et conditions de travail ». Il n’est pas non plus obligatoire d’établir un ordre du jour, ou de rédiger un compte-rendu des réunions de la CSSCT : « C’est un point décrié par les élus du personnel, ainsi que par le comité d’évaluation des ordonnances Travail. En pratique, on observe une tentation de la part des élus de lire en réunion du CSE le compte-rendu de la CSSCT pour que cela apparaisse au procès-verbal du CSE. Il y a là une problématique pratique », relève l’avocate.