La lecture combinée des articles du code du travail concernant la rupture d’un contrat à durée déterminée (CDD) d’un salarié protégé laisse de nombreuses incertitudes sur la procédure à suivre selon le motif du contrat et celui de sa rupture. Suite à la publication d’un guide de la direction générale du travail (DGT) qui apporte des éléments de réponse, nous vous présentons une synthèse des différents cas de figure.

Les questions portant sur la nécessité ou non de saisir l’inspecteur du travail lors de la rupture d’un contrat à durée déterminée d’un salarié protégé, et sur l’étendue de son contrôle sont complexes. Les réponses sont différentes selon le motif de la rupture et/ou le motif du CDD conclu. Les deux tableaux ci-après recensent les différents cas de figure et illustrent la complexité du sujet.

 

Contrôle de la rupture ou fin de CDD de droit commun
(hors contrat saisonnier)
Type de rupture visé Saisine de l’inspecteur du travail (oui/non) Observations
Rupture anticipée pour faute grave ou inaptitude OUI  (articles L.2412-1 à L.2412-16 du code du travail) Le contrôle de l’inspecteur du travail porte sur le respect de la procédure spéciale, le bien-fondé  du motif de rupture, l’absence de lien avec le mandat, l’absence de motif d’intérêt général s’opposant à ce que la rupture soit accordée( guide DGT, 20 septembre 2019 ; décision du Conseil d’Etat du 6 mai 1996).
Rupture anticipée pour force majeure NON (guide DGT, 20 septembre 2019) Le code du travail ne vise pas ce cas de figure mais la circulaire DGT du 30 juillet 2012 et le guide du 20 septembre 2019 précisent que cette rupture ne nécessite pas d’autorisation administrative.
Rupture anticipée à l’initiative du salarié qui justifie la conclusion d’un contrat à durée indéterminée NON (guide DGT, 20 septembre 2019) Le code du travail ne vise pas ce cas de figure mais la circulaire DGT du 30 juillet 2012 et le guide du 20 septembre 2019 précisent que cette rupture ne nécessite pas d’autorisation administrative.
Rupture anticipée par  accord des parties NON (guide DGT, 20 septembre 2019) Attention ! Le guide DGT du 19 septembre 2019 fait allusion à ce motif de rupture mais dans un arrêt, non infirmé à ce jour, la Cour de cassation interdit la rupture d’un commun accord du CDD d’un salarié protégé (arrêt du 14 novembre 2006). Il faudra suivre l’évolution de la jurisprudence sur ce point.
Arrivée du terme du CDD avec clause de renouvellement que l’employeur n’envisage pas de mettre en œuvre OUI (articles L.2412-1 à L.2412-16 du code du travail)

Le contrôle de l’inspecteur du travail porte sur le respect de la procédure spéciale, la nature réelle du contrat, l’absence de caractère discriminatoire du non-renouvellement du contrat ainsi que sur l’absence d ‘un motif d’intérêt général s’opposant à l’autorisation de ne pas renouveler le contrat  (guide DGT, 20 sept. 2019 ; décision du Conseil d’Etat du 10 juin 1992). 

► Une interprétation littérale de l’article L.2421-8 du code du travail pourrait laisser croire que le contrôle sur le caractère discriminatoire de la rupture du contrat de travail est limité aux CDD saisonniers. Le ministère du travail, dans son guide en date du 20 septembre 2019, fait pourtant référence à cet article pour ce cas de figure et s’appuie sur la jurisprudence antérieure. Cette interprétation reste à confirmer par la Cour de cassation. 

Arrivée du terme du CDD en l’absence de clause de renouvellement (applicable) OUI a priori (guide DGT, 20 septembre 2019)

Le contrôle de l’inspecteur du travail porte sur la nature réelle du contrat, sur l’absence de lien avec le mandat et non sur l’existence d’un motif d’intérêt général s’opposant à ce que la rupture anticipée soit autorisée (Guide DGT, sept 2019). Cette interprétation reste à confirmer par les juges.

► Le fait que ce cas de figure ne soit pas prévu par le code du travail pourrait laisser croire que la saisine de l’inspection du travail n’est plus imposée. Mais à ce jour, le ministère du travail continue d’appliquer la jurisprudence rendue sous la législation antérieure (arrêt du 23 octobre 2012guide DGT du 20 septembre 2019). Il est à noter que le ministère s’appuie sur l’article L.2421-8 qui pourtant ne concerne que les contrats saisonniers. 

Contrôle de la rupture ou fin de CDD  saisonnier
Type de rupture du CDD saisonnier Saisine de l’inspection du travail Observations

Rupture anticipée du CDD saisonnier pour faute grave ou inaptitude

OUI (articles L.2412-2 dernier alinéa et suivants du code du travail)

Le contrôle de l’inspecteur du travail porte sur le respect de la procédure spéciale, le bien fondé du motif, l’absence de lien avec le mandat, l’absence de motif d’intérêt général s’opposant à l’autorisation de rupture (Guide DGT,  20 septembre 2019).

A noter que l’article L. 2421-8 ne vise que l’arrivée du terme et non la rupture anticipée.

Rupture anticipée pour force majeure NON (guide DGT, 20 septembre 2019) Le code du travail ne vise pas ce cas de figure mais la circulaire DGT du 30 juillet 2012 et le guide du 20 septembre 2019 précisent que cette rupture ne nécessite pas d’autorisation administrative.
Rupture anticipée à l’initiative du salarié qui justifie la conclusion d’un contrat à durée indéterminée NON (guide DGT, 20 septembre 2019) Le code du travail ne vise pas ce cas de figure mais la circulaire DGT du 30 juillet 2012 et le guide du 20 septembre 2019 précisent que cette rupture ne nécessite pas d’autorisation administrative.
Rupture anticipée par  accord des parties NON (guide DGT, 20 septembre  2019) Attention! Le guide DGT du 19 septembre 2019 fait allusion à ce motif de rupture mais dans un arrêt, non infirmé à ce jour, la Cour de cassation interdit la rupture d’un commun accord du CDD d’un salarié protégé (arrêt du 14 novembre 2006). Il faudra suivre l’évolution de la jurisprudence sur ce point.

Arrivée du terme du CDD saisonnier dans l’hypothèse où l’employeur n’entend pas le reconduire malgré l’existence d’une clause de reconduction (prévue soit par le contrat soit par accord collectif d’entreprise ou accord de branche ) 1

OUI (articles L.2412-2 dernier alinéa et suivants du code du travail.) L’arrivée du terme du CDD saisonnier n’entraîne sa rupture qu’après constatation par l’inspecteur du travail que le salarié ne fait pas l’objet d’une mesure discriminatoire  (C. trav., art. L. 2421-8) et après avoir vérifié la nature réelle du contrat et l’absence de motif d’intérêt général s’opposant à la rupture(Guide DGT, 20 sept. 2019)

Arrivée du terme du CDD saisonnier dans l’hypothèse où l’employeur entend reconduire le contrat pour la saison suivante en application d’une clause de reconduction prévue par le contrat de travail ou un accord de branche étendu

NON (article L.2421-8-1 du code du travail) On peut noter que l’article L. 2421-8-1 ne vise que l’hypothèse où le droit à reconduction du CDD résulte d’une clause du contrat ou d’un accord de branche étendu.
Arrivée du terme du CDD saisonnier dans l’hypothèse où l’employeur entend reconduire le contrat en application d’un accord d’entreprise ou  d’un accord de branche non étendu ou du droit à reconduction accordé par la loi NON a priori

Ce cas de figure n’est pas visé par le code du travail. Il doit s’agir d’une omission car le ministère du travail précise que, « par analogie »  l’article L. 2421-8-1 s’applique (Guide DGT, 20 sept. 2019). Cette position pourrait également s’appuyer sur le fait que ce cas n’est pas visé par le dernier alinéa des articles L.2412-2 à L.2412-13.

Cette interprétation reste à confirmer par la jurisprudence ou par une rectification législative.

Arrivée du terme du CDD saisonnier en l’absence de clause de renouvellement (applicable) NON a priori

 « L’autorisation n’est plus requise lorsque le CDD saisonnier arrive à terme, en l’absence de clause de renouvellement » (lettre DGT du 13 septembre 2018 ;  guide DGT, 20 septembre 2019) . Cette position pourrait également s’appuyer sur le fait que ce cas n’est pas visé par le dernier alinéa des articles L.2412-2 à L.2412-13.

Cette interprétation reste à confirmer par la jurisprudence

1) il semble que l’article  L.2412-2 et s. ait omis l’hypothèse où le CDD saisonnier comporte un droit à reconduction accordé par la loi dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé et visées à l’article L.1244-2-1 du code du travail . Une rectification législative serait opportune.
 

Source – Actuel CE