L’institution du comité social et économique peut être largement adaptée par accord collectif. Mais une maîtrise imparfaite des nouvelles règles issues des ordonnances Travail peut amener syndicats et employeur à s’entendre sur des clauses non conformes au code du travail. Illustration, à travers trois accords CSE, de mesures à corriger sur la constitution des listes de candidats, le recours à l’expertise-comptable et la composition de la commission santé/sécurité.
Depuis le début d’année, nous scrutons avec attention la mise en place du comité social et économique (CSE) au sein des entreprises. Pendant cette période de transition vers la nouvelle instance unique, nous vous présentons régulièrement le contenu d’accords conclus ainsi que les éclairages des délégués syndicaux qui les ont négocié (voir notre tableau synthétique de 30 accords CSE). Mais parmi les dizaines de textes relatifs à l’institution du CSE que nous avons lus, il apparaît aussi régulièrement des clauses non conformes aux dispositions légales, ou tout au moins dont la rédaction mériterait d’être précisée (notre article consacré le mois dernier aux heures de délégation). Sélection de trois nouvelles clauses issues d’accords CSE récemment conclus, non pas pour jeter l’opprobre sur les négociateurs, mais pour attirer votre attention sur le respect de certains principes.

 

Deux mois pour agir contre la clause illicite
S’il apparaît qu’une clause d’un accord d’entreprise est contraire aux dispositions d’ordre public, ou en retrait par rapport à la loi, une action en nullité peut être engagée devant le juge dans un délai de deux mois. Ce délai court à compter :

– de la notification de l’accord d’entreprise prévue à l’article L. 2231-5 du code du travail pour les organisations disposant d’une section syndicale dans l’entreprise ;

– de la publication de l’accord dans la base de données nationale prévue à l’article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

1/ Représentation équilibrée des listes de candidats au CSE

 

Accord relatif au CSE de l’UES Milan presse-Editions Milan
Article 4 –  Représentation équilibrée des femmes et des hommes

Conformément à l’article. L 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur les listes électorales.

Les parties conviennent que ce nombre pourra être supérieur ou inférieur d’une personne.

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : la première partie de cette clause ne pose pas de problème. Depuis le 1er janvier 2017, la loi exige effectivement une représentation équilibrée des sexes sur chaque liste de candidats aux élections professionnelles.

Rien ne permet en revanche d’assouplir les exigences légales qui prévoient l’annulation par le juge judiciaire de l’élection du ou des élus du sexe surreprésenté (article L. 2314-30 du code du travail). S’autoriser ainsi par accord une surreprésentation d’un homme ou d’une femme au regard de la composition du collège est trompeur. À notre sens, cela n’exclut en rien une action en annulation, par l’employeur ou une liste concurrente, du mandat illégal.

2/ Expertises au CSE

 

Accord relatif au CSE de Polysoude SAS
Article 10 – Nombre d’expertises

Dans le cadre des trois consultations récurrentes du CSE à savoir : les orientations stratégiques de l’entreprise, la situation économique et financière de l’entreprise et la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, le CSE peut se faire assister par un expert.

L’expertise doit être justifiée et motivée par la situation de l’entreprise.

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : par rapport à la première clause (UES Milan presse-Editions Milan), la démarche des partenaires sociaux est en quelque sorte inverse en ce qu’elle impose au CSE une contrainte que le code du travail ne prévoit pas. S’agissant du recours à l’expertise par le comité social et économique, l’accord d’entreprise peut prévoir :

Imposer ainsi que l’expertise soit « justifiée et motivée par la situation de l’entreprise » nous apparaît être une contrainte sur l’exercice par le CSE de ses prérogatives économiques qui outrepasse ce que permettent les ordonnances Travail.

3/ Composition de la commission SSCT
Accord relatif au CSE de l’UES Norauto
2.2 – Composition de la commission santé, sécurité et des conditions de travail

La Commission Santé, Sécurité et des Conditions de Travail est composée de 20 membres du Comité Social et Économique, désignés parmi ses membres titulaires ou suppléants.

Ces membres sont désignés pour la durée de leur mandat de membres du Comité Social et Économique, à la faveur d’une résolution réalisée lors de la première réunion du Comité, à la majorité des membres présents.

Un élu de la CSSCT sera désigné Président de commission par les élus du CSSCT dès la première réunion de la Commission.

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : l’article L. 2315-39 du code du travail prévoit clairement que la commission SSCT « est présidée par l’employeur ou son représentant », et il s’agit d’une mesure d’ordre public à laquelle il n’est pas possible de déroger par accord d’entreprise. La clause qui prévoit qu’un « élu de la CSSCT sera désigné président de la commission » est donc illégale.

Source – Actuel CE