Voter à main levée sur le projet de licenciement d’un élu alors que le code du travail prévoit un vote à bulletin secret ? Auditionner en CE l’élu menacé de licenciement alors qu’il sort tout juste de son entretien préalable ? Pour le Conseil d’Etat, tout semble envisageable, dès lors le comité d’entreprise n’a pas émis son avis dans des conditions ayant faussé la consultation.

C’est une phase incontournable de la procédure spéciale de licenciement des salariés protégés : le projet d’éviction d’un élu DP, CE, CHSCT ou représentant syndical au CE « est obligatoirement soumis au comité d’entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement » (article L. 2421-3 du code du travail). À travers deux décisions du 4 juillet, le Conseil d’Etat retient une appréciation souple des règles à respecter côté employeur.

Cette règle est préservée dans le cadre du comité social et économique (article L. 2421-3 du code du travail). Sauf pour les délégués syndicaux et les représentants de la section syndicale, le CSE doit être consulté sur tout licenciement d’un représentant du personnel. Il s’agit notamment :

– des membres élus ou désignés du CSE ;
– des anciens représentants du personnel ;
– des candidats aux élections professionnelles ;
– des salariés ayant demandé l’organisation des élections

Un simple vote à main levée pour l’avis du CE

Dans la première affaire, un délégué du personnel, également membre du CE de l’association des Cités du secours catholique, est visé par un projet de licenciement pour faute. En réunion plénière, l’avis du comité d’entreprise est exprimé par un vote à main levée unanimement défavorable à la sanction disciplinaire. La validité de cet avis fait immédiatement débat car l’article R. 2421-9 du code du travail prévoit clairement que « l’avis du comité d’entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l’intéressé ».

Pour le Conseil d’Etat, cette violation manifeste du secret des urnes n’affecte pas nécessairement la validité de la consultation du CE sur le projet de licenciement. Il revient au juge de « rechercher si le vice affectant la tenue du vote a été, en l’espèce, compte tenu notamment du caractère unanimement défavorable de l’avis émis par le comité d’entreprise, susceptible de fausser sa consultation », déclare la Haute juridiction administrative. Sans répondre formellement sur le fond, on saisit bien le raisonnement, que l’on pourra qualifier de pragmatique, du Conseil d’Etat : si tous les votes sont défavorables (ou favorables) au licenciement, scrutin secret ou non le sens du vote de chaque élu est in fine connu de tous (cette position est conforme à celle déjà retenue dans une décision du 22 mars 1991).

En entretien préalable le matin, auditionnée par le CE l’après-midi
La seconde décision concerne une élue de la délégation unique du personnel d’une entreprise de découpage et d’emboutissage. La salariée est convoquée le 22 mars 2013 au matin à son entretien préalable à un licenciement pour faute grave, avant d’être auditionnée l’après-midi du même jour par la DUP réunie en tant que comité d’entreprise. L’élue menacé de licenciement, qui ignorait tout des fautes reprochées avant cet entretien préalable, se plaint de ne pas avoir disposé d’un délai suffisant pour préparer utilement son audition devant le CE.
Une telle pratique de la part de la direction est-elle admise ? À défaut de répondre directement à cette question, le Conseil d’Etat dicte à l’administration la méthode à suivre : il faut « rechercher si la brièveté du délai dans lequel (l’élue) a préparé son audition a été, en l’espèce, soit de nature à empêcher que le comité d’entreprise se prononce en toute connaissance de cause, soit de nature à faire regarder son avis (…) comme émis dans des conditions ayant faussé cette consultation ». Autrement dit, il faut uniquement adopter le point de vue du comité d’entreprise. S’il ressort qu’en pratique l’instance s’est prononcé sur le projet de licenciement avec toutes les informations en main, la procédure d’éviction doit être regardée comme valide.
Source – Actuel CE