L’expert-comptable mandaté par le comité de groupe ne peut pas exiger la communication de documents ayant trait à une procédure de désignation d’un mandataire ad hoc chargé d’aider le dirigeant de l’entreprise à trouver un repreneur.
« On dit qu’il vaut mieux prévenir que guérir » : c’est vrai en matière de risques professionnels auxquels sont susceptibles d’être exposés les salariés. D’où l’existence des 9 principes généraux de prévention que l’on trouve dans le code du travail. Mais c’est également vrai lorsqu’une entreprise est confrontée à des difficultés dans ses affaires.
C’est justement pour éviter que ces difficultés (perte d’un client important, impayés, baisse du chiffre d’affaires, endettement trop important) ne s’aggravent et ne finissent en cessation des paiements, tant destructrice d’emplois notamment, que le code de commerce prévoit une procédure particulière de prévention. Celle-ci permet au dirigeant de l’entreprise de se faire accompagner pendant un temps déterminé par un mandataire ad hoc désigné, à sa demande, par le tribunal de commerce (article L. 611-3). A charge pour ce mandataire d’aider le dirigeant à résoudre les difficultés rencontrées par l’entreprise, ce qui peut l’amener à négocier un accord avec ses principaux créanciers afin d’obtenir des rééchelonnements de dettes ou à aider le dirigeant à trouver un repreneur.
Tout ceci est archi-confidentiel, au point d’ailleurs que le code de commerce prévoit noir sur blanc que le débiteur, c’est-à-dire le dirigeant, n’est pas tenu d’informer le comité d’entreprise, et donc le CSE s’il est déjà en place, de la désignation d’un mandataire ad hoc (article L. 611-3). Un autre article du code de commerce prévoit que toute personne appelée à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité (article L. 611-15).
Et, comme nous l’apprend une récente jurisprudence, la discrétion est tellement nécessaire que même l’expert-comptable chargé d’assister le comité de groupe pour l’examen des comptes annuels ne peut pas accéder aux documents ayant trait à la procédure de désignation d’un mandataire ad hoc.
Un comité de groupe recourt à une expertise
A l’occasion d’une réunion du 8 juin 2016, le comité de groupe du groupe Flo décide de recourir à l’assistance d’un cabinet d’expertise comptable pour l’examen des comptes annuels 2015 de la société Groupe Flo. Par décision du 26 janvier 2017, la mission de l’expert est étendue à l’examen des comptes 2016. Se heurtant à un refus de la direction de communication des documents ayant trait à la désignation du mandataire ad hoc, à la recherche de possibles repreneurs du groupe et aux cessions d’actifs envisagées, le comité de groupe et le cabinet d’expertise saisissent le juge des référés du tribunal de grande instance en février 2017.
Devant les juges, le cabinet d’expertise s’insurge de ce refus qu’il estime injustifié. Il fait notamment valoir :
- que la confidentialité prévue par le code de commerce concerne seulement la désignation d’un mandataire ad hoc, qui avait d’ailleurs été rendue publique par la société elle-même ;
- qu’il a accès aux mêmes documents que les commissaires aux comptes des entreprises constitutives du groupe et qu’il est seul juge des documents utiles à sa mission ;
- qu’il est lui-même tenu à des obligations de secret et de discrétion, et qu’il ne peut donc pas se voir opposer le caractère confidentiel des documents qu’il demande.
L’obligation de confidentialité est jugée justifiée
Pour les juges, l’obligation de confidentialité instituée par le code de commerce est « justifiée par la discrétion nécessaire sur la situation de l’entreprise concernée et sur les éventuelles négociations entre dirigeants, actionnaires, créanciers et garants de celle-ci ». Aussi, la confidentialité s’étend non seulement à la désignation du mandataire ad hoc « mais également aux documents ayant trait à la procédure mise en œuvre et notamment à la cession envisagée, qui ne mettent pas en cause seulement la société mais également les créanciers et les repreneurs éventuels nécessairement impliqués ».
De surcroît, l’expert avait bien eu communication des informations comptables et financières et des informations sociales du groupe pour lui permettre de remplir sa mission et ne détaillaient pas les éléments qui auraient pu lui manquer.
Conclusion : les différents documents qui avaient trait au mandat ad hoc (marques d’intérêts ou lettre d’intention des acquéreurs potentiels, offres fermes éventuelles, calendrier du processus de cession, Vendor Due Diligence éventuels) n’avaient pas à lui être communiqués. Ajoutons pour finir que dans cette affaire, l’expert-comptable a été mandaté par le comité du groupe mais que la solution des juges aurait été identique si l’expert avait été mandaté par le comité social et économique.
Source – Actuel CE