Depuis la loi Travail du 8 août 2016 notamment, une place primordiale est donnée au dialogue social et aux accords collectifs. Or, pour que ces accords soient légitimes, les négociateurs doivent l’être aussi. Et c’est là toute l’importance de la représentativité syndicale, puisqu’elle permet de mesurer le poids des syndicats pour la signature des accords collectifs. Afin de stabiliser cette représentativité, et de garantir le dialogue social, la Cour de cassation a jugé, en 2013, que la représentativité des syndicats était établie durant toute la durée du cycle électoral (Cass. soc., 13 févr. 2013, n° 12-18.098). Elle est donc figée pendant 4 ans, un syndicat non représentatif en début de cycle électoral ne peut donc devenir représentatif en cours de cycle, et ce, quand bien même un changement de périmètre interviendrait dans l’entreprise. Cela résulte d’une jurisprudence établie par divers arrêts du 19 février 2014, remise en cause ici dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Les termes de la question
La représentativité des syndicats est établie pour toute la durée du cycle électoral (Cass. soc., 13 févr. 2013, n° 12-18.098). Cela implique diverses conséquences en cas de modification du périmètre de l’entreprise, que la Cour de cassation a détaillées par une série d’arrêts du 19 février 2014. Ainsi :
- lorsqu’un syndicat n’est pas représentatif dans l’entreprise absorbante car il n’y a pas obtenu au moins 10 % des suffrages aux dernières élections, il ne peut pas désigner de représentants syndicaux, et ce même s’il était représentatif dans les établissements absorbés (Cass. soc., 19 févr. 2014, n° 13-17.445 ; Cass. soc., 19 févr. 2014, n° 13-16.750) ;
- dès lors qu’un syndicat est représentatif dans une entreprise à l’issue des élections qui se sont déroulées dans différents établissements de la société, sa représentativité ne peut être contestée au motif tiré du transfert des contrats de travail des salariés résultant de la cession de l’un de ses établissements (Cass. soc., 19 févr. 2014, n° 13-20.069 ; Cass. soc., 19 févr. 2014, n° 12-29.354).
C’est cette ligne de jurisprudence qui fait l’objet ici d’une question prioritaire de constitutionnalité, transmise à la Cour de cassation. La question posée est la suivante :
« Les articles L. 2143-3 [relatif à la désignation des délégués syndicaux], L. 2314-2 [relatif à la désignation du représentant syndical au CSE] et L. 2121-1 [qui énumère les critères de représentativité] du code du travail, tels qu’interprétés de façon constante depuis le 19 février 2014 par la Cour de cassation qui en déduit que la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral, même lorsque le périmètre électoral varie, portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par les alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946 […] ? ».
La Cour de cassation qui agit ici comme un filtre, doit analyser la question pour déterminer si elle est suffisamment sérieuse et nouvelle pour être transmise au Conseil Constitutionnel.
La question n’est pas nouvelle
Bien qu’elle admette que la jurisprudence en cause confère une portée nouvelle aux articles L. 2143-3, L. 2314-2 et L. 2121-1 du code du travail, la Cour de cassation estime que la question ici posée ne porte pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application. La question n’est donc pas nouvelle.
La question n’est pas sérieuse : la jurisprudence en cause est justifiée par un objectif de stabilité de la mesure de la représentativité syndicale
La Cour de cassation estime que la question ne présente pas de caractère sérieux. En effet, les dispositions légales telles qu’interprétées par la jurisprudence en cause, selon laquelle la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral, y compris en cas de modification du périmètre de l’entreprise, sont justifiées par un objectif de stabilité de la mesure de la représentativité syndicale pour toute la durée du cycle électoral. Elles permettent ainsi l’effectivité de la négociation collective. Par ailleurs, ces dispositions sont similaires à celles retenues par le législateur pour la représentativité syndicale au niveau de la branche professionnelle et au niveau national interprofessionnel. Pour toutes ces raisons, elles ne méconnaissent ni la liberté syndicale, ni le principe de participation des travailleurs garantis par le Préambule de la Constitution de 1946. La question ne sera donc pas renvoyée au Conseil constitutionnel.
Source : Actuel-CE