L’illégalité de la décision autorisant le licenciement d’un salarié protégé constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique à l’égard de l’employeur, pour autant qu’il en soit résulté pour celui-ci un préjudice direct et certain. Si cette irrégularité résulte d’un vice de procédure, le juge doit toutefois rechercher si la même décision aurait pu être prise dans le cadre d’une procédure régulière.

Le licenciement d’un salarié protégé nécessite une autorisation administrative, et l’illégalité de cette décision peut impliquer de lourdes conséquences financières pour l’employeur. A ce titre, il est possible d’engager la responsabilité de l’Etat. Cette responsabilité, autrefois très limitée, s’est vue renforcée ces dernières années. Le Conseil d’Etat se prononce sur les contours de cette responsabilité lorsque celle-ci résulte d’un vice de procédure.

Dans cette affaire, l’administration a refusé d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé pour inaptitude physique au motif que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de recherche sérieuse de reclassement. Un jugement du tribunal administratif, devenu définitif, annule ces décisions (inspecteur du travail et ministre) au motif qu’elles étaient entachées d’un vice de procédure. L’employeur recherche alors la responsabilité de l’Etat pour obtenir réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’illégalité du refus d’autorisation de licenciement. Le tribunal administratif et la cour administrative d’appel rejettent sa demande.

Illégalité de la décision de l’administration

Le Conseil d’Etat, saisi en cassation, pose d’abord le principe de la responsabilité de l’Etat : « Le refus illégal d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard de l’employeur, pour autant qu’il en soit résulté pour celui-ci un préjudice direct et certain ».

Soulignons ici que le même principe s’applique qu’il s’agisse d’un refus ou d’une autorisation illégale de licenciement (CE, 4 nov. 2020, n° 428741). A noter que le Conseil d’Etat ne se prononce pas sur l’existence d’un « préjudice direct et certain », mais que celui-ci fait peu de doutes notamment en raison des indemnités versées par l’employeur en cas de licenciement irrégulier d’un salarié protégé (autorisation illégale), ou d’impossibilité de licencier le salarié protégé et des conséquences pécuniaires qui en découlent (refus d’autorisation illégal).

Illégalité pour vice de procédure : ce que doit vérifier le juge

Puis le juge décline la règle dans le cas d’une illégalité pour un vice de procédure. Il explique que « lorsqu’un employeur sollicite le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité d’un refus d’autorisation de licenciement entaché d’un vice de procédure, il appartient au juge de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d’une procédure régulière. »

Ainsi conclut le Conseil d’Etat il appartenait au juge administratif « rechercher si en l’espèce l’autorité administrative aurait pu légalement, en suivant une procédure régulière, rejeter la demande d’autorisation qui lui était soumise ». Et l’affaire est renvoyée auprès de la cour administrative d’appel pour ce faire.

En d’autres termes, l’illégalité de la décision pour vice de procédure n’implique pas automatiquement la responsabilité de l’Etat dès lors qu’il en a résulté pour le demandeur un préjudice direct et certain. Le juge administratif doit se prononcer sur le fond de l’affaire et déterminer si l’autorisation aurait été accordée ou non, hors vice de procédure.

Il nous semble que la même solution devrait s’appliquer en cas d’autorisation de licenciement illégale pour vice de procédure. A noter, concernant l’action en responsabilité de l’Etat intentée par un représentant du personnel, qu’un arrêt du Conseil d’Etat de 1995 avait décidé que même si l’illégalité entachant la décision autorisant le licenciement d’un salarié protégé est imputable à une simple erreur d’appréciation, cela constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Il en avait été déduit, outre la responsabilité encourue par l’employeur à l’égard de l’intéressé, que le salarié protégé était en droit d’obtenir la condamnation de l’Etat à la réparation du préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale (CE, 9 juin 1995 n° 90504).

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