Mardi 24 septembre, dans le cadre de la quatrième édition de son « Observatoire » à Angers (Maine-et-Loire), le réseau Cezam Val-de-Loire organisait à destination de ses adhérents élus du personnel un atelier sur le pouvoir d’achat. Après un portrait de la situation économique des actifs français dressé par le Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), les échanges se sont poursuivis par une table ronde animée par la rédaction d’actuEL-CE.fr. Compte-rendu.
Un pouvoir d’achat en hausse, mais pas pour tout le monde
« On pourrait se demander s’il est aujourd’hui pertinent de débattre du pouvoir d’achat des salariés, alors même que l’économie française se porte bien, souligne en introduction Franck Lehuédé, chef de projet senior au sein du département consommation du Credoc. Après la crise économique de 2008/2009, nous connaissons sept années consécutives de croissance. En 2019, on attend encore une augmentation du PIB français de 1,3%. Et comparativement, la France s’en sort mieux que l’Allemagne et les pays émergents ». Parallèlement, le chômage se réduit et le pouvoir d’achat est en hausse : « On est sur une projection à 8,5% de chômage pour fin 2019 et +2,3% de pouvoir d’achat (contre +1,2% en 2018) grâce aux mesures du gouvernement prises en réponse au mouvement des gilets jaunes, explique Franck Lehuédé. La période est définitivement positive ».
Seule ombre au tableau : cette période faste ne profite pas à tous. « Le taux de pauvreté reste de 15% chez les ouvriers et de 12,6% pour les employés, contre seulement 3,4% pour les cadres, indique Franck Lehuédé. Un tiers des familles monoparentales sont en situation de pauvreté ». Autre chiffre qui démontre l’actualité de la problématique du pouvoir d’achat : 39% des Français déclarent boucler de justesse la fin de mois (un chiffre en progression de 4 points par rapport à 2018). « Ceci est lié à l’augmentation des tarifs sur l’énergie et l’alimentation », justifie le chef de projet du Credoc. Ce dernier observe également une fracture selon les générations et les catégories socioprofessionnelles : « 69% des français, principalement les cadres, seniors et populations rurales, aspirent à consommer moins. Alors que les jeunes, les urbains et ouvriers/employés voudraient consommer davantage mais n’en ont pas toujours les moyens ».
Construire une autre politique de gestion des ASC
En réponse à ce constat, quel peut être le rôle du comité social et économique, le CSE ? « On associe immédiatement la question du pouvoir d’achat des salariés aux NAO (négociations annuelles obligatoires), relève Juliette Chelle, directrice adjointe de la Direccte des Pays de la Loire. Le point positif des ordonnances Travail, c’est qu’en l’absence de délégué syndical, il est maintenant presque toujours possible d’ouvrir des négociations dans l’entreprise, avec les élus du personnel en particulier. Mais dans le sens inverse, l’employeur peut aussi proposer de revoir la périodicité de la négociation sur les salaires à seulement une fois tous les quatre ans », prévient-elle. Et la fonctionnaire de mentionner également la possibilité de négocier, à l’occasion du passage du CE au CSE, les ressources budgétaires de l’instance pour l’action sociale et culturelle (*).
« Ce que je retiens des chiffres présentés par le Credoc, c’est que les CSE doivent concevoir des offres différentes pour les différentes populations de l’entreprise, réagit Catherine Bouillard, consultante et ancienne déléguée générale du réseau Cezam. Vous pouvez jouer un rôle important d’information auprès des salariés sur l’accès à l’action logement, qui pèse considérablement sur le pouvoir d’achat. J’ai aussi en tête l’initiative d’élus qui présentent régulièrement aux salariés, pour favoriser l’accès à la culture, des expositions d’art au sein du local CE ».
Reste la question du temps, qui manque souvent aux élus, et l’impossibilité de tout gérer : « Quels que soient vos moyens, vous ne pourrez jamais couvrir tous les champs des activités sociales et culturelles, relativise Catherine Bouillard. Il faut donc raisonner par publics prioritaires ». Un point de vue que partage pleinement Inès Minin, en charge de la consommation et du pouvoir d’achat à la CFDT : « Le rôle des élus n’est pas juste de gérer des ASC. Il faut se poser la question de ce que l’on veut construire pour accompagner les salariés, leur permettre de mieux articuler vie professionnelle et vie personnelle. Par exemple l’aide aux devoirs et l’aide au logement sont des points importants, notamment pour les familles monoparentales », illustre la responsable syndicale, dont la confédération a entamé une réflexion sur le sujet (**).
Vers une taxation renforcée des ASC ?
Cette volonté de développer des actions à destination des populations les plus fragiles dans l’entreprise pourrait toutefois être freinée par un prévisible encadrement renforcé des ASC (notre article) : « Si le Parlement décide de fixer un plafond uniforme d’aides du CSE pour chaque salarié, avec une seule souplesse en fonction du nombre d’enfants, vous serez privés de votre capacité de mettre en place des ASC véritablement sociales, en fonction des véritables besoins des salariés en difficulté », anticipe Catherine Bouillard. Reste qu’aujourd’hui 30% des CE/CSE ne disposent d’aucune subvention de l’employeur pour des activités sociales et culturelles : « Avant de taxer les ASC des CSE, peut-être la ministre du Travail devrait-elle déjà garantir un budget minimum pour tous les nouveaux CSE constitués », souligne l’ancienne responsable du réseau Cezam.
(*) Certains accords abordent cette question, notamment pour sécuriser des enveloppes budgétaires prévues par d’anciens accords collectifs, voir notre article
(**) Voir également sur ce sujet les réflexions et propositions du Cercle Maurice Cohen
Source – Actuel CE