La question, parfois essentielle pour les moyens de la représentation du personnel, du nombre et du périmètre d’éventuels établissements distincts du CSE doit faire l’objet d’une tentative loyale de négociation. Ainsi l’employeur ne peut pas imposer, sans échange sérieux préalable avec les organisations syndicales, la création d’un CSE unique.
Bien préparer le passage au comité social et économique (CSE) exige de se poser la question d’un potentiel découpage de la représentation du personnel en établissements distincts. Si la structure de l’entreprise le permet, la création de CSE d’établissement et d’un CSE central est l’opportunité de préserver un rapport de proximité avec les salariés, mais aussi le plus souvent d’obtenir davantage d’élus et d’heures de délégation (voir ici nos cas pratiques). Mais les ordonnances Macron renforcent le pouvoir de l’employeur et lui donnent le dernier mot pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts (notre infographie). Que faire alors si l’employeur décide seul, sans négociation préalable avec les syndicats, qu’il y aura un CSE unique ? La réponse, favorable au dialogue social, de la Cour de cassation.Un CSE unique, et pas de négociationLe 2 janvier 2018, la direction d’une société de transports invite les organisations syndicales à négocier le protocole préélectoral de mise en place du CSE, sur la base d’un CSE unique. La CGT-transports, la CFDT-route et la fédération nationale des chauffeurs routiers (FNCR) refusent de négocier cet accord préélectoral tant qu’ils n’auront pas d’abord négocié le nombre de CSE d’établissement à mettre en place au sein de l’entreprise. Les syndicats ne tardent pas à saisir la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) pour imposer à l’employeur de négocier sur le nombre et le périmètre des établissements distincts. L’administration fait droit à cette demande le 29 mai 2018. Mais entre temps, les 27 avril et 18 mai, l’employeur a organisé les élections professionnelles au CSE unique. La validité de ces mandats est contestée après la décision de la Direccte. Une « tentative loyale de négociation » s’impose à l’employeur
Tout d’abord, l’employeur peut-il valablement décider unilatéralement l’élection d’un CSE unique, sans même ouvrir une négociation ? Non, répond sans ambages la Cour de cassation. L’article L. 2313-2 du code du travail prévoit que le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques est déterminé par un accord d’entreprise. Selon l’article L. 2313-4, en l’absence d’accord, le nombre et le périmètre de ces établissements sont fixés par décision de l’employeur. « Il résulte de ces dispositions que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts », retient la Haute Cour. Il en résulte que la décision unilatérale de l’employeur doit être annulée, sans que le Direccte n’ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n’auront pas été préalablement engagées, et il est fait injonction à l’employeur d’ouvrir ces négociations.Le délai de 15 jours pour contester est suspendu jusqu’à la décision du Direccte
Qu’en est-il alors des élections professionnelles organisées sur la base de ce CSE unique ? Elles doivent être annulées. Et ce, même si elles n’ont pas été contestées dans le délai légal de 15 jours prévu par la loi. La Cour de cassation justifie cette solution au motif que l’article L. 2313-5 du code du travail dispose expressément qu’en cas de saisine du direccte sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, le processus électoral est suspendu jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin. « Dès lors, pendant cette période, les délais de contestation du processus électoral sont également suspendus, et ne recommencent à courir qu’à compter de la notification de la décision du Direccte », en déduisent les juges. Autrement dit, dans un tel cas, le délai de 15 jours pour contester les résultats des élections ne court qu’à compter de la décision de l’administration sur le recours des organisations syndicales.
Source – Actuel CE