Dans une note du 2 avril 2021, la RATP, la régie autonome des transports parisiens, pose une nouvelle règle pour les congés et l’activité partielle dans l’entreprise. La régie s’adresse notamment à ceux de ses agents qui ne peuvent pas télétravailler et qui sont parents d’un enfant de moins de 16 ans ne bénéficiant d’aucune solution d’accueil. L’entreprise les invite à poser des congés pendant les vacances scolaires. C’est seulement si le salarié n’a pas pu obtenir ou décaler ses congés, autrement dit si sa demande de congés s’est heurtée à un refus « pour raison de service », et seulement s’il ne dispose pas d’un mode de garde et qu’il est donc dans l’incapacité de télétravailler, qu’il pourra être placé en activité partielle. Ce faisant, l’entreprise s’aligne en grande partie sur le dispositif annoncé par le gouvernement (lire notre article). Pour le syndicat Solidaires, néanmoins, cette décision de l’entreprise doit être annulée dans la mesure où elle modifie les droits aux congés et au chômage partiel durant les vacances scolaires, ce qui crée une situation d’urgence. Le syndicat agit donc en justice (devant le tribunal administratif de Paris car la note de la RATP est considérée comme une décision administrative) pour obtenir la suspension de cette décision.
La question du refus de congés
Dans une ordonnance rendue le 20 avril 2021, le tribunal administratif de Paris décide de faire droit à la demande syndicale. Il suspend « l’exécution de la décision de la Régie (..) en tant qu’elle impose aux agents souhaitant bénéficier du dispositif d’activité partielle un refus préalable à une demande de congés ». Certes, remarque le juge, la note ne fait globalement que reprendre les recommandations de la ministre du Travail. Mais elle ajoute cependant, comme condition au bénéfice de l’activité partielle, le fait d’avoir essuyé un refus de demande de congés « pour raison de service ». Sur ce point, observe le tribunal, « la note de la RATP ajoute à la réglementation et aux recommandations de la ministre du Travail ». Cet ajout est pour le juge de nature à « faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée », et, compte-tenu de l’urgence lié au calendrier scolaire, il faut donc suspendre cette décision « en tant qu’elle impose aux agents souhaitant bénéficier du dispositif d’activité partielle un refus préalable à une demande de congés ».
Une insécurité juridique
Ce critère ne figure pas, en effet, dans l’article 20 de la loi du 25 avril 2020. Cet article prévoit que sont placés en activité partielle « les salariés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des motifs suivants : le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 (..); le salarié est parent d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’ojet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile ». Les consignes récemment données par le ministère du Travail l’ont été dans un document questions-réponses actualisé le 13 avril (lire notre article), dont le jugement du tribunal administratif ne fait d’ailleurs pas mention, ce type de document de « droit mou » n’ayant pas une valeur juridique certaine.
A la lumière de ce jugement, et faute de texte réglementaire actualisé, on ne peut donc que souligner la fragilité juridique des recommandations et des conditions posées par le ministre du Travail à l’octroi de l’activité partielle pour certains salariés (lire ci-dessous). Rappelons que, sauf accord collectif, l’employeur ne peut pas imposer la modification des dates de congés sans respecter un délai de prévenance d’un mois. Le projet de loi de sortie de l’état de crise sanitaire devrait toutefois permettre à l’employeur d’imposer à ses salariés, par accord d’entreprise ou à défaut par accord de branche, la prise de 8 jours de congés payés, de jours de repos ou de déplacer les congés posés, sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc, et ce jusqu’au 31 octobre 2021.
La RATP, qui a fait appel de l’ordonnance, conteste avoir imposé à ses salariés de prendre des congés. Elle nous indique qu’elle « continuera d’appliquer les règles prévues par la loi du 25 avril 2020 relatives au dispositif de chômage partiel qui n’intègre pas les périodes de vacances scolaires », règles qui ne sont nullement remises en question par la suspension de sa note, ajoute la Régie. « Les salariés remplissant les conditions prévues par la loi bénéficient bien de ce dispositif de chômage partiel pour garde d’enfant », conclut-elle.
► Voir aussi notre article sur la décision de la cour d’appel de Paris du 1er avril qui a remis en cause la possibilité pour un employeur d’imposer unilatéralement des jours de repos, comme le prévoit l’ordonnance du 25 mars 2020.
Activité partielle et garde d’enfant : la consigne du ministère du Travail
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A compter du 26 avril, date de la reprise de la scolarité après les vacances scolaires unifiées du printemps, les salariés de droit privé qui sont contraints de garder leur enfant de mions de 16 ans (soit parce que la classe ou l’établissement d’accueil de l’enfant est fermé pour raison sanitaire, ou parce que l’enfant est cas contact) peuvent bénéficier de l’activité partielle s’ils ne peuvent pas télétravailler, explique le ministère du Travail dans son questions-réponses actualisé le 13 avril. Pour cela, le salarié doit remettre à son employeur un justificatif :
Les documents justificatifs, précise le ministère, devront être conservés par l’employeur et pourront être demandés par l’administration en cas de contrôle. Le salarié remettra également à son employeur une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est le seul des deux parents demandant à bénéficier d’un arrêt de travail au titre de la garde de son enfant contraint de demeurer à domicile pour les jours concernés. |