L’institution du comité social et économique peut être largement adaptée par accord collectif. Mais une maîtrise imparfaite des nouvelles règles issues des ordonnances Travail peut amener syndicats et employeur à s’entendre sur des clauses non conformes au code du travail. Illustration, à travers trois accords CSE, de mesures à corriger sur la périodicité des consultations obligatoires, l’enveloppe d’heures de délégation et le traitement des conditions de travail en réunion plénière.

Depuis début 2018, nous scrutons avec attention la mise en place du comité social et économique (CSE) au sein des entreprises. Pendant cette période de transition vers la nouvelle instance unique, qui doit s’achever le 31 décembre 2019, nous vous présentons régulièrement le contenu d’accords conclus (lire notre récent article sur la commmission SSCT ou encore celui sur les premiers accords de création du conseil d’entreprise). Mais parmi les dizaines de textes relatifs à l’institution du CSE que nous avons lus, il apparaît aussi régulièrement des clauses non conformes aux dispositions légales, ou tout au moins dont la rédaction mériterait d’être précisée. Sélection de trois clauses issues d’accords CSE conclus ce dernier trimestre, non pas pour jeter l’opprobre sur les négociateurs, mais pour attirer votre attention sur le respect de certains principes.

 

Deux mois pour agir contre la clause illicite

S’il apparaît qu’une clause d’un accord d’entreprise est contraire aux dispositions d’ordre public, ou en retrait par rapport à la loi, une action en nullité peut être engagée devant le juge dans un délai de deux mois. Ce délai court à compter :

– de la notification de l’accord d’entreprise prévue à l’article L. 2231-5 du code du travail pour les organisations disposant d’une section syndicale dans l’entreprise ;

– de la publication de l’accord dans la base de données nationale prévue à l’article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

 
1/ Chaque titulaire est privé d’une heure de délégation au profit du bureau du CSE
Accord AlterEos du 9 septembre 2019

 

« 7. Crédits d’heure

Les membres titulaires du comité CSE disposent chacun pour l’exercice de leurs missions d’un crédit d’heures mensuel de délégation.

Seuls les élus titulaires (11 salariés) de la délégation du personnel au CSE bénéficient d’un crédit de  22 heures.

Les parties ont convenu d’augmenter les heures de délégations du secrétaire et du trésorier afin d’exercer au mieux leur mission.

Pour se faire, il est convenu de répartir différemment les 242 heures mensuelles de la délégation.

En conséquence, le crédit d’heures mensuelles de la délégation sera attribué comme suit :

  • 26 h 50  pour les titulaires dépositaires des missions de secrétaire et du trésorier.
  • 21 heures pour les 9 autres membres titulaires.

Les 5h50 supplémentaires attribuées au secrétaire et au trésorier pourront être transférées à leur adjoint respectif sur demande écrite desdits secrétaire et trésorier pour une durée d’un mois.

Ces heures de délégation s’entendent hors projet spécifique, hors temps de réunion avec l’employeur. Le nombre d’heures de délégation peut être augmenté en cas de circonstances exceptionnelles (art. R.2314-1). (…) »

 

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : même s’il est désormais possible au sein du CSE de partager des heures avec d’autres élus, le crédit d’heures est et reste individuel. Il n’appartient qu’au titulaire. Lui seul peut prendre la décision de donner ses heures à un autre élu, membre du bureau de l’instance ou non. Une clause d’un accord collectif, ou du règlement intérieur, ne peut pas selon nous imposer aux titulaires ce don d’heures de délégation.

À savoir : le protocole préélectoral relatif à l’institution du CSE peut modifier le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l’effectif de l’entreprise (article L. 2314-7 du code du travail). Mais ce texte, à notre sens, ne s’applique pas aux stipulations prévues par l’accord d’entreprise ci-dessus.

 
2/ Une consultation sur les orientations stratégiques tous les quatre ans
Accord Galloo France du 9 septembre 2019

 

« Article 4. Organisation des consultations obligatoires et bdes

Il est rappelé que, conformément à l’article L. 2312-17 du Code du Travail, sont notamment réunies dans la BDES, les informations nécessaires aux trois grandes consultations récurrentes du CSE.

La BDES doit contribuer à donner une vision claire et globale de la formation et de la répartition de la valeur créée par l’activité de l’entreprise.

Elle doit également permettre aux élus d’exercer utilement leurs compétences.

Les données de la BDES se limitent aux années N-2 et N-1.

  •  La consultation sur les orientations stratégiques

Les parties conviennent d’une périodicité quadriennale, sauf en cas d’évolution majeure des orientations stratégiques de l’entreprise. Un point d’information sera toutefois effectué chaque année.

La première consultation du CSE menée au cours de l’année 2019 constituera le début de ce cycle de consultation quadriennale (…) ».

 

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : les trois grandes consultations récurrentes (orientations stratégiques, situation économique et financière et politique sociale) demeurent obligatoires dans le cadre du CSE, elles sont d’ordre public (article L. 2312-17 du code du travail). Un accord d’entreprise peut :

  • définir le contenu, la périodicité et les modalités de ces trois consultations récurrentes ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations ;
  • prévoir la possibilité pour le CSE d’émettre un avis unique portant sur tout ou partie des thèmes des trois grandes consultations.
Mais attention, la périodicité des consultations prévue par l’accord ne peut être supérieure à trois ans (article L. 2312-19 du code du travail). Ainsi, retenir que la consultation sur les orientations stratégiques a lieu tous les quatre ans, même si des gardes-fous sont par ailleurs prévus, apparaît contestable.
 
3/ La santé/sécurité n’est abordée que deux fois par an en réunions du CSE
Accord Vacances Léo Lagrange du 1er août 2019

 

« Article 6 – Réunions plénières

Les membres de la délégation du personnel au CSE sont reçus collectivement par l’employeur ou son représentant selon la périodicité suivante : à défaut d’accord, le nombre de réunions est fixé au minimum de 6 réunions par an.

Au moins 2 réunions du CSE portent annuellement en tout ou partie sur les attributions du comité en matière de santé, sécurité et conditions de travail, plus fréquemment en cas de besoin.

En outre, conformément à l’article L. 2315-27, le CSE est réuni :

– à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves

– ainsi qu’en cas d’événement grave lié à l’activité de l’entreprise, ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement. (…) »

 

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : afin de limiter les conséquences de la suppression du CHSCT, le législateur impose qu’au moins « quatre réunions du CSE portent annuellement en tout ou partie sur les attributions du comité en matière de santé, sécurité et conditions de travail, plus fréquemment en cas de besoin, notamment dans les branches d’activité présentant des risques particuliers » (article L. 2315-17 du code du travail). Cette règle est d’ordre public, les partenaires sociaux en entreprise ne peuvent pas y déroger défavorablement.

Source – Actuel CE