La fixation du lieu des réunions du comité d’entreprise (ou du CSE) relève des prérogatives de l’employeur, sauf en cas d’abus dans leur exercice.
L’organisation des réunions du CE (ou du CSE) relève de l’employeur. C’est lui qui en choisit le lieu, la date et l’heure et c’est encore lui qui convoque les représentants du personnel. Cette liberté est-elle absolue ? Bien sûr que non, et l’abus en est sa limite.Relocalisation des réunions en région parisienne suite au rachat de deux cliniques de Haute-Savoie
Dans cette affaire, un important groupe au siège social parisien rachète deux cliniques situées en Haute-Savoie. A la suite de quoi, le lieu des réunions du comité d’entreprise, auparavant situé sur le site haut-savoyard du Plateau d’Assy, est relocalisé à Puteaux, en région parisienne.
Après plusieurs réunions, dont l’une n’a même pas pu avoir lieu, les autres s’étant tenues avec peu de présents, le CE saisit le président du TGI qui condamne l’employeur à reprendre les réunions sur le site du Plateau d’Assy à compter du premier jour du mois suivant la publication du jugement sous astreinte de 20 000 euros par mois de retard. Il octroie en outre 500 euros de dommages et intérêts au CE.
La cour d’appel confirme entièrement cette décision, ainsi que la Cour de cassation.Fixation du lieu des réunions des IRP : une prérogative de l’employeur
L’employeur a des arguments, il met en avant le principe selon lequel le pouvoir de convoquer, pouvoir de l’employeur, inclut nécessairement le pouvoir de fixer la date de la réunion du comité d’entreprise. Il ajoute qu’il est procédé de la même façon pour toutes les entreprises du groupe, dont les sites sont disséminés sur tout le territoire français. Le choix de la réunion parisienne s’est imposé, ajoute-t-il, en raison du caractère central de Paris et de sa bonne desserte par les transports. En outre, le groupe affecte des effectifs spécialement dédiés aux relations avec les instances représentatives du personnel, et souhaite donc dans le cadre d’une bonne gestion, éviter le maximum de déplacement de ses cadres et leur permettre d’enchaîner les réunions avec les autres CE des autres entités du groupe.Limite de la liberté de l’employeur : l’abus
La Cour de cassation commence par poser le principe : « la fixation du lieu des réunions du comité d’entreprise relève des prérogatives de l’employeur, sauf pour celui-ci à répondre d’un éventuel abus dans leur exercice ».
Puis, la Cour passe en revue les arguments justifiant l’existence d’un tel abus. Elle explique que la relocalisation des réunions s’était opérée malgré l’opposition des élus et alors qu’aucun salarié de la société ne travaille à Paris. Il est souligné que le temps de transport pour s’y rendre est particulièrement élevé et de nature à décourager les vocations des candidats à l’élection. Il est ensuite analysé que ce choix de la région parisienne est de nature à avoir des incidences sur la qualité des délibérations à prendre par le comité d’entreprise alors que les enjeux sont particulièrement importants, notamment en terme de conditions de travail, dans le domaine du médico-social. Enfin, l’attitude de l’employeur face à la situation est mise en cause puisque « les solutions alternatives n’avaient pas été véritablement recherchées » (une alternance des séances entre Puteaux et le plateau d’Assy, la visioconférence, etc.).
Les hauts magistrats en déduisent un abus dans le choix du lieu de réunions et confirment en tout point la décision du TGI et de la cour d’appel. Le lieu des réunions doit donc se fixer sur l’ancien site dans l’attente d’une meilleure décision.
Cette précision de la Cour de cassation autorise l’employeur à trouver d’autres solutions qui ne seraient pas constitutives d’un tel abus. Un échange avec les représentants du personnel afin, par exemple, de mettre en place la visioconférence, ou d’alterner les lieux de réunions, permettrait de ne pas forcément s’astreindre à des réunions systématiques en Haute-Savoie. A l’instar de la décision du 15 janvier 2013 relative aux dates des réunions, et qui réservait également le cas de l’abus de l’employeur, c’est bien celui-ci qui reste maître de l’organisation des réunions ; et si ce n’est pas au règlement intérieur du CE de déterminer date ou lieu des réunions (Cass. soc., 15 janv. 2013, n° 11-28.324), une conciliation avec les représentants du personnel peut s’avérer utile voire nécessaire, en particulier dans les cas problématiques en raison de l’éloignement ou de la spécificité de l’activité par exemple. |
Cette décision s’applique bien sûr pleinement au CSE.
Source – Actuel CE