En cas de licenciement reconnu injustifié ou nul, Pôle emploi peut délivrer, selon les modalités définies par un décret du 27 mars 2019, une contrainte pour le remboursement par l’employeur de tout ou partie des allocations de chômage versées à son ex-salarié. Si l’employeur s’oppose à cette contrainte, le tribunal d’instance est compétent.

Le licenciement prononcé « sans motif réel et sérieux » par le juge entraîne deux sortes de sanctions pour l’employeur :

  1. la réintégration du salarié, ou à défaut d’accord des deux parties, le versement d’une indemnité (article L. 1235-3 du code du travail) ;
  2. le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage touchées par le travailleur licencié, dans la limite de six mois d’allocations (article L. 1235-4 du code du travail).
Les règles relatives au remboursement des allocations chômage ne s’appliquent pas au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés (article L. 1235-5 du code du travail).

La loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a ajouté la faculté pour Pôle emploi, après mise en demeure de remboursement des indemnités chômage versées au salarié, de délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement et confère le bénéfice de l’hypothèque judiciaire (article L. 1235-4 alinéa 3 du code du travail). Un décret du 27 mars, qui s’applique aux jugements des conseils de prud’hommes rendus à compter du 1er avril 2019, détaille les modalités de cette contrainte.D’abord une mise en demeure de rembourserLorsque le juge judiciaire ordonne d’office le remboursement des allocations chômage, il adresse à Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement aux prud’hommes ou de l’arrêt d’appel. Si le jugement ordonnant d’office le remboursement des allocations chômage est exécutoire, Pôle emploi peut mettre en demeure l’employeur de payer. La mise en demeure comporte :

  1. la dénomination et l’adresse de Pôle emploi ;
  2. la dénomination et l’adresse de l’employeur et, le cas échéant, de l’organe qui le représente légalement, mentionnées dans le jugement ordonnant d’office le remboursement par l’employeur fautif de tout ou partie des allocations de chômage;
  3. le motif, la nature et le montant des sommes dont le remboursement a été ordonné;
  4. les périodes couvertes par les versements donnant lieu à recouvrement ;
  5. la copie du jugement ordonnant d’office le remboursement par l’employeur fautif de tout ou partie des allocations de chômage.

Puis une contrainteUn mois après la notification, si cette mise en demeure reste sans effet, le directeur général de Pôle emploi peut alors délivrer une contrainte. La nouvelle rédaction de l’article R. 1235-3 du code du travail prévoit que « la contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen donnant date certaine à sa réception ou est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ». « À peine de nullité », prévient le texte réglementaire, cette notification comprend :

  1. la référence de la contrainte ;
  2. la référence du jugement ordonnant d’office le remboursement par l’employeur fautif de tout ou partie des allocations de chômage ;
  3. la preuve de la réception de la notification de la mise en demeure mentionnée à l’article R. 1235-2 ;
  4. le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et les périodes couvertes par les versements donnant lieu à recouvrement ;
  5. le délai dans lequel l’opposition doit être formée ;
  6. l’adresse de la juridiction compétente pour statuer sur l’opposition et les formes requises pour sa saisine ;
  7. le fait qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué à l’article R. 1235-4, le débiteur ne peut plus contester la créance et peut être contraint de la payer par toutes voies de droit.

L’huissier doit pour sa part aviser dans les huit jours l’organisme créancier de la date de signification.L’opposition est possible dans un délai de 15 joursLe décret du 27 mars 2019 ouvre à l’employeur le droit, dans les quinze jours à compter de la notification de la contrainte, de former opposition auprès du greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle est domicilié son siège social, s’il s’agit d’une personne morale, ou lui-même, s’il s’agit d’une personne physique :

  1. par déclaration ;
  2. par tout moyen donnant date certaine à la réception de cette opposition.

« L’opposition est motivée, précise l’article R. 1235-4 du code du travail. Une copie de la contrainte contestée y est jointe ». L’opposition suspend la mise en œuvre de la contrainte.Le juge d’instance statue sur l’opposition de l’employeurQuel que soit le montant des allocations dont le remboursement est réclamé, c’est le tribunal d’instance qui statue sur l’opposition formée contre la contrainte de Pôle emploi. Le greffier doit convoquer l’employeur et Pôle emploi quinze jours au moins avant la date de l’audience. Sauf si le juge ordonne aux parties de se présenter devant lui, « les parties sont autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience » (article R. 1235-7 du code du travail).Le jugement du tribunal d’instance se substitue à la contrainte délivrée par Pôle emploi. Ce jugement peut faire l’objet d’un appel lorsque le montant de la demande en remboursement excède le taux de compétence du tribunal d’instance en dernier ressort (soit 4 000 euros).Pas de remise en cause du caractère injustifié du licenciementSi, dans son opposition, l’employeur prétend que le remboursement des allocations de chômage a été ordonné dans un cas où cette mesure est exclue par la loi, le tribunal d’instance renvoie l’affaire à la juridiction qui a statué aux fins d’une rétractation éventuelle du jugement sur ce point, indique le décret. Mais il est aussitôt précisé que « la rétractation ne peut en aucun cas remettre en question la chose jugée entre l’employeur et le travailleur licencié, ni l’appréciation portée par la juridiction sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ou de sa nullité ». Autrement dit, le contentieux relatif à la contestation de la contrainte délivrée par Pôle emploi reste strictement distinct du contentieux entre l’employeur et son salarié.En revanche, en cas de pourvoi en cassation dirigé contre une décision qui a condamné un employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou licenciement nul, « la cassation du chef de la décision précitée emporte cassation du chef de la décision qui ordonne d’office le remboursement des indemnités de chômage » (article R. 1235-10 du code du travail). En d’autres termes, si la Cour de cassation revient sur la décision principale qui a condamné l’employeur au titre du licenciement injustifié, la décision qui ordonne le remboursement des indemnités chômage est également remise en cause.

Source – Actuel CE