Le fait d’imposer aux représentants du personnel souhaitant accéder à certaines zones de respecter les règles et procédures prévues pour la sécurité dans l’entreprise ne porte pas en soi atteinte à leur liberté de déplacement.
Les représentants du personnel disposent d’une liberté de déplacement qui leur permet de circuler librement dans l’entreprise (article L. 2315-14 du code du travail). Ils peuvent aller où bon leur semble. Il n’en demeure pas moins que l’employeur peut, essentiellement pour des raisons de sécurité dans l’entreprise ou de confidentialité de certaines zones, réglementer certains accès. Il n’interdit pas l’accès, ce qui constituerait une atteinte à la libre circulation et une entrave, il le réglemente. Si c’est fait sans discrimination à l’égard des représentants du personnel, si les conditions d’accès prévues par l’employeur se limitent au strict nécessaire, alors, il ne sera pas possible de faire valoir une atteinte à la liberté de déplacement. Une récente jurisprudence illustre ce propos.
Des déplacements encadrés dans l’enceinte de l’aéroport Charles de Gaulle
L’affaire se déroule dans l’enceinte de l’aéroport Charles de Gaulle et met en cause la société Servair, spécialisée dans la restauration aérienne. Un élu du CE de l’établissement Servair 2 et membre du comité central d’entreprise (CCE) fait valoir qu’il ne dispose pas, pour l’exercice de son mandat au CCE, de la même liberté de circulation que d’autres élus dans les trois autres établissements que sont Servair 1, Servair Réunion et Servair Siège.

 

Les établissements Servair 1, Servair 2 et Servair Réunion sont situés en zone de sûreté à accès réglementé (ZSAR). Pour pouvoir y accéder, il faut à la fois posséder un badge rouge, délivré pour un aéroport particulier par le Préfet sur demande de l’employeur et un badge professionnel magnétisé donné par l’entreprise pour un établissement précis. Pour l’accès à Servair Siège, non situé en ZSAR, seule la possession d’un badge magnétisé est nécessaire. Ici, l’élu à l’origine de ce contentieux possédait seulement un badge rouge pour l’aéroport Charles de Gaulle et un badge magnétisé pour l’accès au bâtiment de Servair

 

Se heurtant à un refus de la direction de lui délivrer les badges lui permettant d’accéder librement à ces 3 autres établissements, l’intéressé saisit le juge des référés pour qu’il soit ordonné à l’employeur de lui fournir les badges en question.
Les mesures de sécurité imposées à l’élu sont justifiées et proportionnées
Plus de 3 ans après son décollage, l’affaire atterrit … devant la Cour de cassation. Cette dernière légitime sur toute la ligne le refus de la direction de Servair. Voici ce que disent les juges :
  • pour Servair Siège : les précautions prévues au titre de la sécurité dans cet établissement concernent toute personne étrangère à celui-ci sans distinction. Une fois entré, l’intéressé était totalement libre de ses mouvements. En conséquence, il n’y a pas d’atteinte disproportionnée à sa liberté d’aller et venir, pas plus que de rupture d’égalité avec les personnes dans la même situation que lui ;
  • pour Servair Réunion et Servair 1 : l’enregistrement préalable au poste de sécurité, le port d’un badge et le déplacement sous escorte le temps de la visite ne sont pas la marque d’une discrimination à l’égard du salarié ni l’instrument d’une entrave à ses activités syndicales, mais constituent l’application des dispositions d’un arrêté relatif aux mesures de police applicables sur l’aéroport de La Réunion – Rolland Garros.
Il a déjà été jugé que le contrôle prévu par un accord d’entreprise pour permettre l’accès aux zones confidentielles de l’entreprise était valable et ne portait pas atteinte à la liberté de circulation, dès lors qu’il avait pour seul objet de s’assurer de l’appartenance du salarié à l’établissement et de son statut de représentant du personnel (lire l’arrêt du 9 juillet 2014). Pour pouvoir accéder à la zone confidentielle, les représentants du personnel devaient utiliser le téléphone se trouvant à l’entrée, décliner leur identité et leur qualité de représentant du personnel. Après vérification, ils pouvaient pénétrer dans la zone en question et se déplacer seuls ou accompagnés selon leur demande.
 
Source – Actuel CE