D’après plusieurs jurisprudences de la chambre sociale de la Cour de cassation (par exemple, Cass. soc., 27 mai 2021, n° 19-24.344, lire notre article), un CSE ne peut valablement délibérer que sur les questions régulièrement inscrites à l’ordre du jour ou ayant un lien avec l’un des points de l’ordre du jour. Principe de loyauté des débats oblige !
En effet, les débats susceptibles d’avoir lieu lors de l’adoption d’une délibération ne peuvent être loyaux que si tous les participants à la réunion du CSE, y compris le président, ont eu la possibilité de s’informer au préalable et d’exposer leur point de vue en pleine connaissance de cause. Or, ils seront forcément privés de cette possibilité si l’ordre du jour est muet sur le point que les élus souhaitent aborder et si rien ne laisse supposer que telle délibération est susceptible d’être adoptée.
Notons que ce sujet implique particulièrement le secrétaire du CSE, chargé d’élaborer avec l’employeur l’ordre du jour. A lui de vérifier en amont que les délibérations pouvant être adoptées en réunion sont bien rattachable s à l’un des points de l’ordre du jour et qu’elles ne vont pas tomber du ciel. Cette vérification est importante surtout en cas de délibération qui pourrait être contestée en justice par l’employeur. Illustration avec un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 16 décembre 2021.
Par délibération du 27 août 2021, à l’occasion de la présentation d’un bilan de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), l’un des CSE d’établissement de la société Lidl vote une expertise pour risque grave. L’employeur conteste car il estime « qu’en l’absence de lien avec l’ordre du jour, l’expertise risque grave a été votée sans base légale et est donc irrecevable, nulle et non avenue ».
A la question de savoir si la délibération litigieuse avait ou non un lien avec l’ordre du jour de la réunion du comité d’établissement, le tribunal judiciaire apporte une réponse positive et rejette la demande d’annulation formée par l’employeur.
Pour les juges, l’appellation du point 4 de l’ordre du jour « Bilan de la CSSCT » n’était pas exempt de tout lien avec la décision de recourir à une expertise pour risque grave. En effet, si le bilan de la CSSCT « vient mettre en lumière des faits caractérisant l’existence d’un risque grave », la décision du CSE de recourir à une expertise risque grave « s’inscrit dans un lien nécessaire avec ce bilan ».
De plus, il n’a pas échappé au tribunal judiciaire que le point 4 de l’ordre du jour visait à l’origine « l’organisation et les conditions de travail, dont les RPS (risques psychosociaux) et les troubles musculo-squelettiques (TMS) suite aux départs de salariés en inaptitude » et avait été reformulé par l’employeur en « bilan de la CSSCT ». Celui-ci ne pouvait donc pas « ignorer la réelle portée de ce point de l’ordre du jour » et prétendre que la décision du CSE d’enclencher une expertise pour risque grave n’avait aucun lien avec le point 4.
► Remarque : sur le fond, même si les indicateurs fournis par l’employeur démontraient une amélioration des conditions de travail, le tribunal judiciaire a admis l’existence d’un risque grave « justifiant le recours à une expertise… portant sur l’analyse objective et approfondie des différents facteurs de risques à l’origine des TMS et de risques psychosociaux responsables de départs de salariés ».