Les délais d’expertise ordinaires fixés à l’article R. 2315-45 sont valides, mais un tel délai n’a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que l’expert demande à l’employeur, en cours d’expertise, d’autres informations complémentaires nécessaires à l’exercice de sa mission.

Plusieurs fédérations CGT, ainsi qu’une association et une société d’experts agréés, ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 relatif au CSE. Sont visés en particulier les délais de consultation du CSE, ainsi que les délais d’expertises. Le Conseil d’Etat rejette ces demandes et ainsi valide le décret, mais il apporte une précision intéressante sur les demandes d’informations des experts du CSE.

Demande d’informations complémentaires en cours d’expertise

Rappelons que l’article R. 2315-45 précise que, dans le cadre de ses expertises pour le CSE, l’expert demande à l’employeur, au plus tard dans les trois jours de sa désignation, toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L’employeur répond à cette demande dans les cinq jours.

Ces délais, très courts, ont donné lieu à de grandes inquiétudes pour les CSE et leurs experts.

Le Conseil d’Etat valide ces dispositions en précisant que  le pouvoir réglementaire n’a pas excédé sa compétence, ni méconnu les dispositions de l’article L. 2315-83 du même code, aux termes desquelles  » l’employeur fournit à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission ». Mais il ajoute une précision inédite et importante : « un tel délai n’a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que l’expert demande à l’employeur, en cours d’expertise, d’autres informations complémentaires nécessaires à l’exercice de sa mission ».

Aussi l’expert n’est pas limité à ces 3 jours imposés par l’article R. 2315-45 et peut demander des compléments d’information. Cette précision semble logique : l’expert, en tirant les fils de sa mission aux vues des documents demandés et fournis, peut voir apparaître d’autres problématiques pour lesquelles un tel complément d’information s’avère nécessaire à l’exercice de sa mission. Or fournir à l’expert « les informations nécessaires à l’exercice de sa mission » est une obligation de l’employeur résultant de l’article L. 2315-83.

Le respect du délai de 3 jours pour demander le principal de ces informations s’impose toutefois toujours, l’article R. 2315-45 étant validé par le Conseil d’Etat. Il nous semble donc que ces demandes supplémentaires ne peuvent s’entendre de toutes nouvelles informations, mais bien de « compléments », de précisions. La nature et l’étendue de ce droit restent donc à préciser mais il ouvre un appel d’air à l’expert afin d’exercer sa mission dans de bonnes conditions.

► Remarque : en outre, concernant les délais de remise du rapport de l’expert (au plus tard 15 jours avant l’expiration des délais de consultation), le Conseil d’Etat valide également l’article R. 2315-47. Pour les juges, lorsque l’expert est saisi dans le cadre des attributions consultatives du CSE, ces délais varient en fonction du nombre de comités consultés et ils sont susceptibles d’être prolongés par le président du tribunal judiciaire, ce qui sous-tend une prolongation par ricochet du délai octroyé à l’expert. Il est ajouté qu’en cas d’expertise hors du cadre des consultations légales du CSE par l’employeur (expertise en cas de risque grave ou de droit d’alerte économique), le rapport de l’expert doit être remis dans un délai de 2 mois à compter de sa désignation mais que ce délai est susceptible d’être renouvelé par accord entre l’employeur et le comité et peut être allongé par accord. Ainsi, le pouvoir réglementaire a adapté les délais dans lesquels l’expert désigné par le CSE lui remet son rapport en fonction de la nature et de l’importance des questions qui lui sont soumises.

Validation des délais de consultation et d’expertise

La décision du Conseil d’Etat valide également les délais de consultation remis en cause comme ne respectant pas les dispositions du droit européen garantissant le droit à l’information des travailleurs. Pour le Conseil d’Etat, l’article R. 2312-5 issu du décret contesté, ne pose pas de problèmes, les articles L. 2312-15 et L. 2312-16 garantissant bien que le CSE dispose, afin d’émettre un avis dans l’exercice de ses attributions consultatives, d’un délai d’examen suffisant et d’informations précises et écrites transmises ou mise à disposition par l’employeur, les délais devant lui permettre d’exercer utilement sa compétence.

Les juges rappellent également que le délai de consultation court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail (ou de leur mise à disposition dans la BDES, la base de données économiques et sociales), et ils précisent que ces dispositions « doivent être entendues comme faisant courir ce délai à compter de la date à laquelle le CSE compétent a reçu des informations précises le mettant en mesure d’apprécier la portée du projet qui lui est soumis et d’exercer utilement sa compétence ».

Il est enfin rappelé que « si le CSE estime ne pas disposer d’éléments d’informations suffisants, il peut saisir, avant l’expiration du délai dans lequel il doit rendre son avis, le président du tribunal judiciaire en référé pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments d’information manquants ». Or, même si cette saisine n’a pas à elle seule, pour effet de prolonger le délai de consultation du CSE, le législateur a « prévu que le juge, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité, peut en outre décider de prolonger le délai de consultation du CSE à compter de la communication de ces informations afin que le comité puisse exercer utilement sa compétence ».

Séverine Baudouin, Dictionnaire permanent Social