De quelle marge de manœuvre disposent le président et/ou le secrétaire du CSE pour l’élaboration de l’ordre du jour par rapport aux questions transmises par les élus ? L’un ou l’autre ont-ils le droit de reformuler, de regrouper ou doivent-ils retranscrire fidèlement les questions que les élus souhaiteraient aborder en réunion ?
La réponse, très intéressante, est donnée dans un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2023. Les juges nous disent, en substance, ceci : les élus du CSE ne peuvent pas exiger de l’employeur, et donc du secrétaire, que leurs questions soient inscrites à l’ordre du jour telles qu’elles ont été formulées et transmises dans le cadre de la préparation en amont de cet ordre du jour.
Quelques mois après leur élection, les élus d’un CSE d’établissement d’une grande enseigne du discount expriment en réunion « leur désaccord sur les modalités de choix des questions à inscrire à l’ordre du jour ». Par la voix de leur secrétaire, ils exigent « la transcription fidèle » des questions formulées … accompagnées de la précision de l’identité de l’organisation syndicales dont elles émanaient ». L’employeur s’oppose ! Il se retranche derrière une clause du règlement intérieur du comité lui « confiant la mission d’établir conjointement avec le secrétaire l’ordre du jour dans les conditions légales ». A l’initiative du CSE, l’affaire est portée en justice.
► Rappelons-le : l’ordre du jour de chaque réunion du comité social et économique est établi par le président et le secrétaire. Les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord collectif de travail sont inscrites de plein droit à l’ordre du jour par le président ou le secrétaire (art. L. 2315-29 du code du travail). |
Pour les élus, la liberté d’expression dont bénéficient les représentants du personnel dans le cadre de leur mandat « fait obstacle à toute reformulation, anonymisation et tout regroupement des questions par l’employeur « . En conséquence, le président ne pouvait pas « se transformer en un organe de censure, en reformulant les questions sans se limiter à des corrections de coquilles ». Aux yeux du CSE, en refusant l’usage de certains mots tels que le « stress » ou la « dépression » et « accident du travail » ou « surcharge de travail », il faisait obstacle à toute rédaction conjointe de l’ordre du jour prévue par les dispositions légales et le règlement intérieur.
Dans un arrêt du 9 novembre 2021, la cour d’appel de Rennes donne largement gain de cause au CSE et condamne l’employeur à retranscrire fidèlement sans aucune reformulation les questions transmises au secrétaire par les élus dans les conditions fixées par le règlement intérieur du CSE. En revanche, elle laisse à l’employeur le droit d’anonymiser les questions tant au regard de l’identité des élus que de leur appartenance syndicale.
La Cour de cassation ne partage pas ce point de vue et place au-dessus de tout la règle selon laquelle l’ordre du jour résulte du « seul accord commun entre l’employeur et le secrétaire du comité » (art. L. 2315-29). Aussi, pour les juges, une « injonction de retranscrire fidèlement et sans aucune reformulation à l’ordre du jour les questions adressées par les membres du comité d’établissement au secrétaire du comité » porterait atteinte aux prérogatives légales du président et du secrétaire du CSE.
Remarquons au passage que la règle selon laquelle l’ordre du jour résulte « du seul accord commun entre l’employeur et le secrétaire du comité » a déjà utilisée par la Cour de cassation pour décider qu’il n’était pas possible d’imposer, via le règlement intérieur du comité, l’obligation d’indiquer dans l’ordre du jour l’origine, à savoir la direction ou les élus, des questions inscrites (Cass. soc., 22 oct. 2014, n° 13-19.427).
Au secrétaire donc du CSE de se montrer particulièrement vigilant s’il trouve que l’employeur a la main un peu lourde sur les reformulations et/ou regroupements et cherche à vouloir faire du politiquement correct, ou carrément à évincer certaines questions de l’ordre du jour. Il pourrait alors refuser de signer l’ordre du jour mais cela obligerait à intenter une action en justice devant le juge des référés pour faire débloquer la situation. Une autre possibilité, beaucoup plus efficace, consisterait à demander l’organisation d’une réunion extraordinaire sur le ou les points que les élus souhaitent aborder. L’employeur n’aura alors pas le choix et devra organiser la réunion avec un ordre du jour comportant le point que les élus souhaitent aborder.
Ajoutons également que le secrétaire du CSE peut être lui-même amené à reformuler, à regrouper les questions transmises en amont pas les autres élus. Il est de son rôle de prioriser les sujets qui seront traités en plénière et de veiller à la longueur de l’ordre du jour.
Les réunions extraordinaires du CSE |
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La majorité des membres du comité social et économique a la possibilité de demander la tenue d’une seconde réunion (art. L. 2315-28 du code du travail). Sur les sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail, on n’a même pas besoin d’une demande émanant de la majorité des membres élus du CSE, il suffit d’une demande motivée de 2 représentants du personnel (art. L. 2315-27). |
Source – Actuel CSE