Une instance unique qui s’impose dans toutes les entreprises : c’est le CSE, le comité social et économique. Une instance unique facultative, à négocier dans le cadre d’un accord à durée indéterminée signé par des syndicats représentant au moins 50% des suffrages exprimés : c’est le conseil d’entreprise (CE), également prévu par les ordonnances Macron (voir notre infographie).
Le conseil reprend le fonctionnement et les attributions du CSE. Mais il s’en différencie sur trois points :
- il s’agit d’une instance ayant aussi une mission de négociation. C’est la délégation du personnel du conseil qui négocie avec l’employeur, en lieu et place du délégué syndical, le rôle de celui-ci s’apparentant dès lors à celui d’un représentant de la section syndicale. S’il est mis en place, le conseil devient le seul habilité à négocier avec l’employeur, un accord étant approuvé s’il est validé par la majorité des membres titulaires ;
- chaque élu du conseil participant aux négociations dispose d’un bonus d’heures de délégation s’ajoutant à celles prévues pour le CSE : 12h par mois de plus jusqu’à 149 salariés, 18 heures par mois de 150 à 499 salariés, 24 heures à partir de 500 salariés. Il s’agit d’une disposition par défaut : l’accord de mise en place du conseil peut décider d’octroyer davantage (art. R.2321-1 du code du travail);
- les consultations peuvent faire l’objet d’un avis conforme de l’instance. A minima, le conseil d’entreprise doit délivrer un avis conforme lors de la consultation sur la formation professionnelle. Le texte (art. L. 2321-3 du code du travail) suggère de choisir pour second thème l’égalité professionnelle, mais ce n’est pas une obligation. L’avis conforme contraint l’employeur qui consulte le conseil à tenir compte de l’avis exprimé par les élus pour prendre sa décision. C’est une sorte de droit de veto, l’employeur ne pouvant passer outre l’avis des élus (*).
Sur la base publique Legifrance, nous avons dénombré huit accords mettant en place un conseil d’entreprise dont un incomplet (Cardem). Nous vous présentons une synthèse de leur contenu dans le tableau ci-dessous. Les préambules justifient parfois l’adoption du conseil d’entreprise par le souci de confier le dialogue social au personnel « qu’il soit syndiqué ou pas » (accord Les Grands Buffets) en sortant d’un tête à tête entre un seul délégué syndical et l’employeur (accord MMP France).
Il s’agit souvent d’établissements uniques, soit d’UES, passant soit directement au conseil d’entreprise, ou parfois le faisant à partir d’un CSE déjà installé. Ce sont plutôt des PME, un accord portant même la mention du cabinet d’avocat qui l’a rédigé, qui voient dans le conseil d’entreprise la possibilité d’un dialogue social plus efficace.
L’accord est souvent signé par une seule organisation syndicale (CFDT, CFTC, CGT, CFE-CGC) ou par les seuls élus. Les moyens paraissent limités, le bonus des heures de délégation pour la négociation n’alllant guère au-delà du minimum légal. Toutefois, un accord, celui du SNIE, porte de 11 à 16 le nombre d’élus titulaires à l’occasion du passage en conseil d’entreprise.
Quant aux thèmes faisant l’objet d’un avis conforme, certains accords s’en tiennent à la loi (formation professionnelle), d’autres y ajoutent l’égalité professionnelle (est-ce une volonté délibérée ou une mauvaise lecture de l’article L. 2321-3 du code du travail qui peut, il est vrai, prêter à confusion ?), certains y préférant la protection sociale complémentaire, plusieurs textes n’étant pas explicites sur le sujet (comme celui de Vacanceole), ce dernier paraissant fusionner consultation et négociation. Notons encore que plusieurs accords prévoient que le conseil d’entreprise désigne une délégation chargée de négocier avec l’employeur (« commission de négociation »), et que quelques-uns, comme celui de Vacanceole, incluent un calendrier précis de négociation. Soulignons une disposition originale : un accord prévoit une commission « de départage » afin de tenter de négocier un nouvel projet d’accord dans le cas où le précédent texte a été rejeté par le conseil. Quand elle est spécifiée, la validation de l’accord négocié reprend les dispositions légales : adoption par la majorité des membres titulaires ou par plusieurs titulaires ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés lors des dernières élections .
Comme le notait récemment Marcel Grignard du comité d’évaluation des ordonnances, un constat repris par la CFDT, l’élaboration d’un nouveau modèle d’IRP n’est donc pour l’instant pas très assurée, d’où la volonté actée dans plusieurs accords de faire un bilan de l’activité de négociation du conseil « et, si besoin, d’engager une négociation » comme le prévoit l’accord Yposkesi.
Notre premier tour d’horizon rejoint donc le constat fait par les cabinets Orseu et Amnyos : « La possibilité de mettre en place un conseil d’entreprise, fusionnant d’une certaine façon les instances de représentation et les instances de négociation, ouvrant la voie à un nouveau modèle par rapport à la tradition du « dualisme à la française » n’a pas trouvé de chambre d’écho. Au niveau national, seule une poignée d’entreprises a choisi de repenser leur fonctionnement de la sorte. Dans la majorité des cas de notre échantillon, le changement a été sécurisé ou amoindri en tentant de rester dans les rails du modèle précédent ».
C’est sans doute la pratique qui commandera les initiatives les plus originales et les évolutions ultérieures de cette nouvelle instance. A moins que le législateur décide un jour de supprimer le monopole syndical de présentation des candidats au premier tour des élections : dans ce cas, les entreprises désireuses de contracter sans les syndicats, voire de les contourner, seraient puissamment incitées à adopter une instance mêlant consultation et négociation.
(*) Se pose néanmoins la question de l’action d’un employeur consultant son conseil d’entreprise en matière de formation professionnelle. Si l’instance refuse de rendre un avis conforme, l’employeur n’est-il tout de même pas tenu de mettre en oeuvre son obligation de formation ?
Le contenu des accords de passage en conseil d’entreprise (CE) | ||
YPOSKESI Corbeil-Essones (moins de 300 salariés) ► voir l’accord du 1/8/2019, signé par la CFDT Motivation indiquée dans le préambule : « Il est apparu utile aux parties signataires d’envisager ensemble les moyens de continuer à faire évoluer ce dialogue en permettant directement aux élus d’être partie prenante à la négociation des accords d’entreprise, de façon à assurer une meilleure représentativité des salariés ». Remarque : l’accord instaure une CSSCT (commission santé, sécurité, conditions de travail) |
||
Périodicité des consultations |
Tous les ans pour la situation économique de l’entreprise Tous les 2 ans pour la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi Tous les 3 ans pour les orientations stratégiques
|
|
Thèmes nécessitant un avis conforme |
|
|
Dispositions sur la négociation et rôle des DS |
Toute la délégation du personnel bénéficie de ces attributions en matière de négociation collective Les 9 membres titulaires du Conseil d’entreprise d’Yposkesi seront convoqués pour négocier, conclure et réviser les accords d’entreprise La validation de l’accord négocié au sein de la commission de négociation devra être entérinée par le Conseil d’entreprise. La validation dudit accord est inscrite de plein droit à l’ordre du jour de la réunion du conseil d’entreprise qui fait suite à la dernière réunion de la commission de négociation Les DS assistent aux réunions mais uniquement avec voix consultative |
|
Nombre d’élus | 9 titulaires et 9 suppléants (n’assistent aux réunions qu’en l’absence des titulaires) | |
Crédit d’heures |
|
|
VACANCEOLE Porte de Savoie (moins de 300 salariés) ► voir l’accord du 23/7/2019 signé par la délégation du personnel Motivation indiquée dans le préambule : « La marque Vacanceple (..) est fondée sur des valeurs d’entreprise intégrant la qualité du dialogue social ». Après la mise en place du CSE et de l’UES, « la troisième étape consiste à proposer aux salariés de toutes les entités rattachées à l’UES Vacanceole d’associer les membres élus du conseil d’entreprise de l’UES Vacanceole en tant que co-rédacteurs de tous les accords d’entreprise ou dans la définition des pratiques et protocoles d’entreprise ». |
||
Périodicité des consultations |
Le CE est consulté a minima tous les 3 ans sur les orientations stratégiques, la situation économique, la politique sociale, la formation, la gestion du budget des ASC et du budget fonctionnement, la santé-sécurité et la prévention des risques professionnels |
|
Thèmes nécessitant un avis conforme |
Pas de précision explicite. Le CE « est associé aux projets de développement du groupe et consulté en amont », ainsi qu’aux projets ayant un impact sur la vie sociale et professionnelle du personnel, « et ce avant qu’ils ne rentrent dans une phase d’exécution » |
|
Dispositions sur la négociation et rôle des DS |
|
|
Nombre d’élus | ||
Crédit d’heures | 22h/mois + 1 bonus par tranche forfaitaire de 7h par réunion de négociation d’accords collectifs | |
UES DE SANGOSSE (De Sangosse, Liphatech, Borie Industries, Agronutrition), Agen ► voir l’accord du 16/7/2019 signé par la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC Motivation indiquée dans le préambule : « Afin de renforcer des liens déjà étroits, les partenaires sociaux ont décidé de mettre en place un Conseil d’Entreprise tel que prévu aux articles L2321-1 à L2321-10 du Code du travail. Cette nouvelle instance devient la seule compétente pour négocier, réviser et conclure des accords collectifs. Elle conserve par ailleurs les attributions dévolues au comité social et économique ». (remarque : il s’agit d’un CSE qui se transforme en conseil d’entreprise de l’UES) |
||
Périodicité des consultations | Périodicité non précisée | |
Thèmes nécessitant un avis conforme |
Formation professionnelle Protection sociale complémentaire des salariés (assurance santé et prévoyance) |
|
Dispositions sur la négociation et rôle des DS |
L’employeur et le conseil fixent le thème et le calendrier des négos. Il peut être créé une commission ad hoc pour préparer les négos. Les DS assistent aux réunions mais uniquement avec voix consultative
|
|
Nombre d’élus | ||
Crédit d’heures |
18h de bonus par mois pour les élus participant aux négociations |
|
LES GRANDS BUFFETS, Narbonne (moins de 300 salariés) ► voir l’accord du 25/6/2019 Motivation indiquée dans le préambule : « L’entreprise le Restaurant Les Grands Buffets dans le cadre de sa démarche d’innovation sociale n’hésite pas une fois encore à renouveler sa confiance à son personnel en plaçant le pouvoir de négociation entre les mains des partenaires sociaux dans l’entreprise qu’il soit syndiqué ou pas ». Remarque : le conseil d’entreprise se substitue à la DUP et au CHSCT
|
||
Périodicité des consultations |
Le CE est consulté a minima tous les 3 ans sur les orientations stratégiques, la situation économique, la politique sociale, la formation, la gestion du budget des ASC et du budget fonctionnement, la santé-sécurité et les risques professionnels |
|
Thèmes nécessitant un avis conforme | Non précisé | |
Dispositions sur la négociation et rôle des DS |
Le conseil est seul compétent pour négocier, sauf pour le protocole préélectoral et pour le PSE Une délégation est chargée des négociations comprenant les titulaires du conseil et les DS 6 négociations sont prévues en 2019 (salaires, intéressement et épargne, temps de travail, bien-être au travail-pénibilité-RSE-nouvelles technologies, égalité prof. F/H-droit d’expression-lutte contre discrimination, parcours professionnels-formation-insertion travailleurs handicapés et seniors). Par la suite, les négocations obligatoires comme celles sur la rémunération interviendront tous les 4 ans et celle sur la GPEC (gestion des parcours professionnels) tous les 5 ans |
|
Nombre d’élus | 5 titulaires (les suppléants ne font que pallier l’absence des titulaires) | |
Crédit d’heures |
16h/par mois + pour les membres de la délégation de négociation 12h/mois jusqu’à 149 salariés et 18h de 150 à 499 salariés |
|
SOVEN, Puteaux (moins de 150 salariés) ► voir Titre:
l’accord
du 19/6/2019 signé par la CFE-CGC Motivation indiquée dans le préambule : « Dans la perspective des négociations à mener dans l’entreprise sur de nombreuses thématiques et soucieuses d’instaurer un dialogue social collégial au sein de Soven ne reposant pas sur un seul représentant, les parties au présent accord se sont rapprochées et sont convenues de transformer le comité social et économique en place en conseil d’entreprise, tel que prévu aux articles L. 2321-1 à 2321-10 du code du travail. »
|
||
Périodicité des consultations | Périodicité non précisée | |
Thèmes nécessitant un avis conforme |
Formation professionnelle Définition donnée de l’avis conforme : « Tant que le conseil d’entreprise n’a pas émis d’avis conforme sur le projet qui lui est soumis, l’employeur ne peut prendre de décisions unilatérales de nature collective s’y rapportant, sauf si l’urgence le justifie ». |
|
Dispositions sur la négociation et rôle des DS |
|
|
Nombre d’élus | ||
Crédit d’heures | Bonus de 12h/mois pour les titulaires participant aux négociations | |
CARDEM, Bischheim ► voir l’accord du 5/2/2019 signé par la CFTC NB : L’accord, incomplet sur la base de Légifrance, prévoit la transformation des CSE d’établissements et du CSE central en conseils d’établissement et conseil d’entreprise Motivation indiquée dans le préambule : « Dans une recherche constante d’amélioration des échanges et du dialogue social dans l’entreprise, les partenaires sociaux ont décidé de transformer le comité économique et social, en conseil d’entreprise comme le prévoient les articles L. 2321-1 à 2321-10 du Code du travail. Compte tenu de la structure de l’entreprise, les comités sociaux et économiques d’établissement et le comité social et économique central seront transformés respectivement en conseils d’établissement et en conseil d’entreprise ».
|
||
Périodicité des consultations | ||
Thèmes nécessitant un avis conforme | ||
Dispositions sur la négociation et rôle des DS | Le conseil sera seul compétent pour négocier, conclure et réviser les conventions et accords d’entreprise ou d’établissement
L’accord prévoit un suivi annuel de sa mise en oeuvre assuré par 3 membres titulaires du conseil et 2 représentants de la direction |
|
Nombre d’élus | ||
Crédit d’heures | ||
MMP France Moneteau (entre 150 et 499 salariés) ► voir l’accord du 7/1/2019 signé par la CGT Motivation indiquée dans le préambule : « Les signataires ont souhaité expérimenter cette modalité de représentation du personnel qui ne fait plus reposer la responsabilité de la négociation et de la signature sur un seul représentant mais sur la collégialité des élus. Il leur est apparu que cette organisation plus participative correspondait mieux à la réalité actuelle des relations sociales de MMP France ».
|
||
Périodicité des consultations | Non précisé | |
Thèmes nécessitant un avis conforme | Formation professionnelle | |
Dispositions sur la négociation et rôle des DS |
Une délégation (composée de 3 membres titulaires « quel que soit le collège ») est chargée de négocier les accords d’entreprise avec l’employeur : c’est la commission de négociation, dont un bilan sera établi chaque année au cours du 1er trimestre Une clause de revoyure sur l’accord CE est prévue, avec un rendez-vous chaque année, l’accord évoquant aussi la possibilité de réviser son contenu |
|
Nombre d’élus | ||
Crédit d’heures | Bonus de 18h/mois pour les titulaires participant aux négociations | |
SOCIETE NOUVELLE INSTALLATIONS ELECTRIQUES (SNIE) Brie Comte Robert (440 salariés salariés) ► voir l’accord du 29/6/2018 signé par la CFTC ► Voir l’encadré de notre article du 29/2/2018 Motivation indiquée dans le préambule : « Convaincues de l’importance pour la société SNIE d’organiser la représentation du personnel afin de la rendre encore plus efficace et en lui accordant, outre sa fonction consultative, le pouvoir de négocier des accords collectifs, tout en conservant un rôle actif à l’organisation syndicale présente dans l’entreprise, la direction et l’organisation syndicale représentative CFTC ont souhaité mettre en place un conseil d’entreprise au sein de la société SNIE. En effet, les parties signataires partagent la conviction que la qualité du dialogue social nécessite une représentation élue du personnel proche des préoccupations et des priorités des salariés, mais aussi impliquée dans les projets et accords négociés et conclus avec la direction ».
|
||
Périodicité des consultations | Non précisé | |
Thèmes nécessitant un avis conforme | Formation professionnelle | |
Dispositions sur la négociation et rôle des DS |
|
|
Nombre d’élus | L’accord porte de 11 à 16 le nombre d’élus titulaires | |
Crédit d’heures | 18h/mois de bonus en cas de négociation |
► Au sujet du conseil d’entreprise, lire nos articles suivants :
- notre infographie (19/4/2018);
- Faut-il opter pour le conseil d’entreprise ? (16/3/2018);
Source – Actuel CE