La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) a été instaurée par l’article 1er de la loi 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales, pour répondre au mouvement dit des «gilets jaunes» contre la baisse du pouvoir d’achat. Elle a été pérennisée et rebaptisée « prime de partage de la valeur » (PPV) par la loi « pouvoir d’achat » 2022-1158 du 16 août 2022 et a fait son entrée dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) en octobre de la même année.
En l’espèce, une entreprise de travail temporaire avait mis en place, en décembre 2018, par décision unilatérale, une Pepa au profit de ses salariés permanents et temporaires. Des salariés temporaires avaient saisi le conseil de prud’hommes pour lui réclamer le paiement de la prime instituée par l’entreprise utilisatrice en janvier 2019 au profit de ses salariés titulaires d’un contrat de travail au 31 décembre 2018. Les juges ont considéré qu’ils n’étaient pas éligibles à la prime au motif que l’entreprise utilisatrice avait expressément exclu, dans sa décision unilatérale, les collaborateurs en contrat d’intérim de son bénéfice et qu’en outre ils avaient déjà perçu cette prime instituée dans l’ETT. Ils se sont pourvu en cassation, considérant qu’une telle exclusion, contraire au principe d’égalité de traitement entre salariés permanents et intérimaires, ne pouvait leur être opposée.
En application des articles L 1251-18, alinéa 1er et L 1251-43, 6° du Code du travail, la rémunération perçue par le salarié intérimaire ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l’entreprise utilisatrice, après période d’essai, un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail. Etant précisé que la rémunération s’entend du salaire de base ainsi que des avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier (C. trav. art. L 3221-3).
C’est en application de ces principes, qu’elle rappelle d’emblée, que la chambre sociale de la Cour de cassation donne gain de cause aux salariés intérimaires (pourvoi n° 22-21.845 et pourvoi n°21-24.161). Pour elle, en effet, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, qui constitue un accessoire payé par l’employeur, entre dans la rémunération du salarié. En outre, elle relève que l’article 1er de la loi du 24 décembre 2018, selon lequel Pepa bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure, ne déroge pas à l’article L 1251-18 du Code du travail. Aussi, le règlement de la Pepa en exécution de son engagement unilatéral ne dispensait pas l’entreprise de travail temporaire du paiement de celle instituée au sein de l’entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer.
Les salariés temporaires avaient donc droit à la prime versée par l’entreprise utilisatrice, même s’ils en avaient déjà perçue une de l’entreprise de travail temporaire.
A noter : Ce faisant, la Cour valide implicitement la doctrine administrative. L’instruction 2020-11 du 15 janvier 2020 prévoyait en effet que les intérimaires mis à disposition d’une entreprise utilisatrice (à la date de versement de la prime, du dépôt de l’accord ou de la signature de la décision unilatérale de l’employeur – DUE) attribuant la prime à ses salariés pouvaient prétendre à la Pepa et qu’ils devaient en bénéficier, le cas échéant, dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice. Dans ce cas, l’entreprise utilisatrice devait en informer sans délai l’ETT, qui en informait à son tour sans délai son CSE lorsqu’il existe, et c’est l’ETT qui la leur versait dans les conditions et selon les modalités fixées par l’accord ou la DUE (Inst. 1.9). Lorsqu’une prime était attribuée à un même salarié par une ou plusieurs entreprises utilisatrice et par l’ETT, chacune des entreprises ayant attribué la prime était considérée, pour l’appréciation du respect des conditions d’attribution de la PPV, comme un employeur distinct (Inst. 1.9).
Intégrant sur ce point la doctrine administrative ci-dessus relative à la Pepa, l’article 1er de la loi du 16 août 2022 précitée relative à la PPV prévoit expressément que l’entreprise utilisatrice qui attribue cette prime à ses salariés en informe sans délai l’ETT dont relève le salarié temporaire mis à sa disposition, laquelle en informe sans délai son CSE lorsqu’il existe et verse la prime au salarié temporaire, selon les conditions et les modalités fixées par l’accord ou la décision de l’entreprise utilisatrice.
Par conséquent, selon nous, la solution issue des arrêts du 25 octobre 2023 est transposable à la PPV. Dès lors, si l’entreprise utilisatrice verse une PPV à ses salariés, l’entreprise de travail temporaire mettant des intérimaires à sa disposition doit la leur verser, selon les conditions et les modalités prévues par l’accord conclu ou la décision unilatérale prise dans l’entreprise utilisatrice.