La protection des lanceurs d’alerte ne joue que si le salarié relate des faits qui constituent un délit ou un crime, souligne la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 novembre 2020. Le salarié qui enregistre, à son insu, son employeur dans l’objectif d’une publication sur YouTube n’est pas un lanceur d’alerte en l’absence de faits répréhensibles pénalement.

Dans un arrêt rendu le 4 novembre 2020, la Cour de cassation rappelle les règles relatives à la protection du lanceur d’alerte contre le licenciement.

Dans les faits qui lui étaient soumis, il s’agissait d’un consultant senior détaché par son entreprise pour une mission auprès de la société Renault. Durant cette mission, l’employeur est averti que son consultant a envoyé un courriel politique à certains salariés de Renault. Il le convoque à un entretien, durant lequel le salarié enregistre discrètement la conversation avec son téléphone. Il communique cet enregistrement à des tiers afin qu’ils le publient quelques jours plus tard sur YouTube. 

Dans l’enregistrement diffusé, l’employeur affirmait que Renault surveillait étroitement les messageries électroniques de ses salariés syndicalistes, et que le salarié, en tant qu’un intervenant extérieur chez le constructeur automobile, ne devait pas discuter avec les syndicats.

Licencié pour faute grave, le salarié fait valoir sa position de lanceur d’alerte pour voir son licenciement annulé. 

Atteinte à la liberté d’expression

En effet, selon le code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions (article L1132-3-3 du code du travail).

Sur la base de ce texte, le juge saisi en référé par le salarié prononce la nullité du licenciement pour atteinte à la liberté d’expression, et le condamne au paiement de diverses sommes au bénéfice du salarié.

La cour d’appel confirme cette décision. Selon elle, la révélation des faits d’atteinte à la liberté d’expression dans le cadre d’échanges avec un syndicat est intervenue alors que le salarié avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause son droit à sa libre communication avec les syndicats de la société Renault, au vu des propos enregistrés tenus par son employeur. 

La cour en déduit que le salarié est recevable à invoquer le statut de lanceur d’alerte, et conclut qu’en application de l’article L.1132-3-4 du code du travail, il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement.

Pas de délit ni de crime

L’employeur considère quant à lui qu’aucune faute pénale ne peut lui être reprochée, et que dès lors, le salarié ne peut pas être qualifié de lanceur d’alerte.

Une position validée par la Cour de cassation. Selon elle, en qualifiant le salarié de lanceur d’alerte pour voir annuler son licenciement, le juge n’a pas constaté que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime. Elle casse l’arrêt. 

Mais si la qualification de lanceur d’alerte est erronnée, le licenciement n’est pas justifié pour autant. La Cour de cassation a déjà décidé que le fait pour un salarié de divulguer des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux, qu’ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute (arrêt du 30 juin 2016). Seule la dénonciation de mauvaise foi, autrement dit lorsque le salarié avait connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce, peut être sanctionnée.