Dans cette affaire, un salarié protégé est licencié le 28 septembre 2017 pour faute grave, l’inspecteur du travail ayant autorisé le licenciement le 20 septembre 2017. Le salarié saisit la juridiction administrative d’un recours contre l’autorisation de licenciement, ainsi que le conseil de prud’hommes. Cette autorisation est annulée en 2019 et le salarié demande sa réintégration à son employeur par lettre du 8 avril, laquelle est refusée par la société le 18 avril.
Au même moment, le 18 avril 2019, un accord préélectoral est signé, prévoyant notamment la publication des listes électorales le 13 mai. Les élections se déroulent, par vote électronique, en juin 2019 et tous les sièges sont pourvus au premier tour.
Le salarié et un syndicat saisissent le tribunal d’instance aux fins d’obtenir l’annulation des élections dans le premier collège, au motif que ce salarié avait été privé de la possibilité d’être électeur et de se présenter comme candidat dans ce collège. Le tribunal fait droit à cette demande. L’employeur conteste cette annulation sur deux terrains :
- le salarié et le syndicat sont hors délai car il s’agit d’un contentieux relatif à la liste électorale, qui doit donc être introduit dans les 3 jours de sa publication sous peine de forclusion ;
- le refus de réintégration et le défaut d’inscription du salarié sur la liste électorale ne portent pas atteinte aux principes généraux du droit électoral, ils ne peuvent donc entraîner l’annulation des élections en l’absence d’incidence démontrée sur les résultats.
La Cour de cassation rejette ces deux arguments et valide l’annulation des élections dans le premier collège.
Le premier argument avancé par l’employeur est relatif à la recevabilité de l’action du salarié et du syndicat. Il avance que la contestation du refus d’inscription sur la liste électorale d’un salarié protégé ayant demandé sa réintégration à la suite de l’annulation de l’autorisation de son licenciement porte sur l’électorat dès lors que ce salarié n’a pas fait acte de candidature et doit donc, à peine de forclusion, être introduite dans les trois jours de la publication de la liste électorale.
Mais, la Cour de cassation, après avoir rappelé que toute personne intéressée est recevable à contester le résultat des élections, précise que suite à l’annulation d’une autorisation de licenciement d’un salarié protégé, ce dernier a le droit, s’il le demande dans le délai de 2 mois à compter de la notification de la décision, d’être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent, conformément à l’article L. 2422-1 du code du travail. Puis la Cour explique « qu’il en résulte que, dès lors que le salarié a demandé sa réintégration dans le délai précité, le contrat de travail se poursuit et le salarié est électeur et éligible aux élections professionnelles ».
► Remarque : cette solution est conforme à une jurisprudence établie de la Cour de cassation (Cass. soc., 13 juill. 1993, n° 92-60.034 ; Cass. soc., 12 déc. 1990, n° 88-60.724). A noter que la seule condition exigée est la demande de réintégration dans les délais impartis, peu important que le salarié
protégé ait été effectivement réintégré ou que la décision d’annulation soit devenue définitive. En outre, il en va de même en cas de retrait de l’autorisation de licenciement (Cass. soc., 30 avr. 2002,n° 01-60.765).
Après avoir constaté que « par lettre du 14 mai 2019, le salarié avait informé la société qu’il serait susceptible de contester les élections professionnelles, à défaut de faire droit à sa demande de réintégration et de le mettre en mesure de se porter candidat », la Cour en déduit que «l’action du salarié et du syndicat fondée sur l’impossibilité pour le salarié, faute de réintégration, d’être électeur et éligible, ne portait pas seulement sur l’électorat mais également sur la régularité des élections ».
Le refus illégal de réintégrer un salarié protégé justifie l’annulation des élections
L’employeur conteste ensuite l’annulation des élections. Pour lui, « le refus de réintégration opposé à un salarié protégé et son défaut d’inscription sur la liste des électeurs, à les supposer illicites, ne portent pas atteinte aux principes généraux du droit électoral de sorte qu’ils ne peuvent entraîner l’annulation des élections en l’absence d’incidence démontrée sur les résultats du scrutin, a fortiori lorsque le salarié ne s’est pas porté candidat ».
La Cour de cassation n’est pas d’accord et donne raison aux juges du fond. Elle explique que « le refus illégal d’un employeur, tenu de réintégrer un salarié protégé en application des dispositions de l’article L. 2242-1 du code du travail, de le réintégrer et, par voie de conséquence, de lui permettre d’être électeur et éligible aux élections professionnelles, constituait une irrégularité qui avait influencé le résultat du scrutin et justifiait à elle-seule l’annulation des élections ».