Le représentant du personnel qui positionne systématiquement et sans justification ses heures de délégation en dehors de son temps de travail habituel, et de façon à interrompre le repos quotidien de 11 heures, commet un abus de droit.

Sous peine d’avoir à en répondre devant la justice, l’exercice d’un droit, quel qu’il soit, ne doit pas dégénérer en abus. C’est quoi l’abus de droit ? Schématiquement, c’est le fait pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d’exercice d’un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui.

Comme nous le montre une récente jurisprudence de la Cour de cassation, le droit dont bénéficie le représentant du personnel de poser ses heures de délégation quand il le souhaite n’échappe pas à la règle ! Autrement dit, la liberté dont il dispose pour positionner ses heures de délégation ne doit pas dégénérer en abus de droit.

Pour en arriver là, ce qui est heureusement rarissime, il ne faut pas « y aller de main morte » !

20 heures de délégation par mois

Au centre de cette affaire : un délégué syndical de la RATP disposant de 20 heures de délégation par mois. L’employeur lui reproche « une utilisation abusive de ses heures de délégation par un fractionnement lui permettant d’être dispensé d’un nombre conséquent d’heures de service ».

A partir des éléments de fait fournis par l’employeur, les juges vont effectivement reconnaître « un abus de droit quant au positionnement par le salarié de ses heures de délégation » et « le condamner au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive de ses heures de délégation ».

Comme l’avaient constaté les juges, le salarié qui travaillait habituellement de 18h15 à 1h30 avait systématiquement positionné des heures de délégation fractionnées de 30 minutes sur certaines plages horaires entre 5h et 7h puis entre 14h et 16h, en dehors de son horaire habituel de travail.

Des heures placées pour empêcher une prise de service

Cette façon de procéder avait pour effet « d’interrompre par deux fois le temps de repos obligatoire de 11 heures consécutives et d’empêcher, en application des règles statutaires régissant le temps de travail des agents de la RATP, sa prise de service à 18h15 ».

Au point que l’employeur n’avait pas eu d’autre choix que de placer le salarié en autorisation d’absence rémunérée et différer sa prise de service. Ainsi, même si les heures de délégation du salarié avaient bien été prises en dehors de l’horaire normal de travail, pour autant, elles ne l’avaient pas été en plus du temps de travail effectif. Elles ne pouvaient donc pas être rémunérées en heures supplémentaires.

En plus, le salarié n’avait apporté aucune réponse à la demande de l’employeur en vue d’obtenir « une indication précise des activités exercées pendant ses heures de délégation ainsi que des nécessités du mandat justifiant leur pose systématique en dehors de l’horaire habituel de travail ».

L’employeur était donc recevable à agir sur le fondement d’un abus de droit.

Frédéric Aouate

Source – Actuel CSE