Dans le cadre du CHSCT, et du nouveau CSE, la loi autorise les élus confrontés à un risque grave pour les salariés de recourir à l’assistance d’un expert. La réalité de ce risque grave est régulièrement contestée en justice par les employeurs, qui supportent le coût de l’expertise. À ce titre, un arrêt de la Cour de cassation du 25 septembre met en relief des éléments que les élus peuvent apporter pour caractériser l’existence d’un risque grave.
Risque grave : l’employeur finance toujours à 100% l’expertise |
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Dans le cadre du CSE, le code du travail prévoit que « lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement, le CSE peut faire appel à un expert habilité qualité du travail et de l’emploi » (article L. 2315-94). Cette expertise CSE s’apparente à l’expertise pour risque grave du CHSCT, complétée d’éléments issus de la jurisprudence. Il est à noter que l’expertise décidée en raison d’un risque grave demeure intégralement financée par l’entreprise (article L. 2315-80 du code du travail). |
En juillet 2017, la société Elior a racheté une société exploitant une cuisine centrale à Mornant (Rhône). Confrontés à une situation détériorée sur l’ensemble des services de la direction régionale Est-Rhône-Alpes, les membres du CHSCT d’Elior décident en décembre 2017, à travers une délibération motivée sur deux pages, le recours à une expertise pour risque grave. Les élus pointent notamment au cours des six derniers mois :
- une grosse défaillance des fonctions support du siège (service réseau, informatique, service RH, paye, facturation) pour assurer l’intégration du site racheté, reportant ainsi cette intégration sur la seule direction régionale dépourvue des moyens humains nécessaires ;
- l’hospitalisation pour épuisement professionnel d’un premier directeur d’agence venu en renfort sur la cuisine centrale rachetée ;
- l’épuisement d’un deuxième directeur d’agence de l’établissement acheté. Ce dernier a dû quitter l’établissement en arrêt maladie après un mois seulement d’activité dans cette cuisine ;
- la découverte, dans le cadre d’une enquête du CHSCT, de deux salariées supplémentaires en souffrance (une assistante technique et une assistante facturation) en raison de tâches supplémentaires à accomplir pour l’intégration du site de Mornant ;
- l’existence d’une situation difficile depuis plus de deux ans au sein de l’établissement.
La direction conteste le bien-fondé de cette expertise, reprochant au CHSCT une délibération rédigée dans des termes trop larges lorsqu’il est demandé à l’expert « une analyse des risques psychosociaux » sur l’ensemble du périmètre de l’établissement, une identification des risques et « un regard ergonomique ». L’entreprise soutient également que le risque n’est pas actuel, comme l’exige la loi, « un plan d’action précis » étant en cours d’exécution.
Mais pour le tribunal de grande instance, approuvé par la Cour de cassation, tous les éléments apportés par les membres du CHSCT démontrent bien « l’existence d’un risque grave justifiant l’organisation d’une expertise concernant l’ensemble des salariés du périmètre Est-Rhône-Alpes ».
Cette décision de justice, rendue dans le cadre du CHSCT, devrait logiquement être applicable dans le cadre du nouveau comité social et économique (CSE). |