Dès lors qu’elle a un lien avec l’un des points inscrit à l’ordre du jour de la réunion, la délibération par laquelle le comité social et économique décide d’une expertise pour risque grave est valable.

Il existe une règle, issue de la jurisprudence, en vertu de laquelle un comité social et économique ne peut valablement délibérer que sur les questions régulièrement inscrites à l’ordre du jour ou ayant un lien avec l’un des points de l’ordre du jour. Il en était déjà ainsi pour le CE et le CHSCT.

Il s’agit de l’idée qu’une délibération du CSE n’est valable que si tous les participants à la réunion, y compris l’employeur, ont été mis en mesure d’en débattre en toute connaissance de cause. Or, si l’ordre du jour est totalement muet sur le point que les élus souhaitent aborder et si rien n’y laisse supposer que telle délibération est susceptible d’être adoptée en cours de réunion, il ne peut pas réellement y avoir de débat en toute connaissance de cause.

Le secrétaire du CSE, lorsqu’il établit l’ordre du jour avec le président de l’instance, a vraiment intérêt à veiller au respect de cette règle en cas de projet d’adoption d’une délibération susceptible d’être contestée par l’employeur. Comme nous le montre une nouvelle fois une récente jurisprudence de la Cour de cassation, c’est particulièrement le cas lorsque le CSE décide d’une expertise (lire notre article).

Un ordre du jour avec des points spécifiques en santé sécurité

Par délibération du 11 juin 2019, le comité social et économique d’un hôpital privé du sud de la France vote le recours à un expert en invoquant un risque grave. La direction de l’hôpital conteste et demande au tribunal de grande instance d’annuler la délibération en question.

N’ayant pu obtenir gain de cause en première instance, l’employeur porte l’affaire en cassation.

Il y fait valoir que « l’ordre du jour ne mentionnait pas l’éventuelle désignation d’un expert pour risque grave » et que le seul fait que l’ordre du jour traite de points spécifiques en matière de santé et de sécurité ne suffisait à considérer que la désignation d’un expert pour risque grave était en lien avec les questions à l’ordre du jour. Reprochant de ne pas avoir été mis au courant avant la réunion, l’employeur ajoute que l’adoption de la délibération n’avait été précédée d’aucun débat car « les représentants du personnel savaient pertinemment au préalable qu’ils solliciteraient la désignation d’un expert » et  » n’avaient pas prévenu l’employeur de leur volonté ». La décision d’enclencher une expertise et la désignation de l’expert avait été immédiatement votée, après lecture par la secrétaire du texte d’une résolution de presque 3 pages manifestement préparée à l’avance, « sans que la parole soit donnée à l’employeur ».

L’expertise en lien avec la question inscrite à l’ordre du jour

Dans son arrêt du 27 mai 2021, la Cour de cassation confirme la décision du tribunal de grande instance.

Il avait en effet été constaté que « l’ordre du jour prévoyait l’évocation des événements survenus pouvant révéler des situations de risques psychosociaux, l’évaluation du niveau de gravité de ces risques et l’obtention par la direction de l’exposé des actions qu’elle comptait mettre en œuvre ». En conséquence, contrairement à ce faisait valoir la direction de l’hôpital, la décision d’enclencher une expertise n’était pas tombée du ciel car elle était bien en lien avec la question inscrite à l’ordre du jour.

 

Il y avait bien un risque grave identifié et actuel

Pour contester l’existence d’un risque grave identifié et actuel, l’employeur prétendait que les faits invoqués par les élus du personnel pour justifier l’expertise étaient trop anciens pour pouvoir être pris en compte. Quant aux événements plus récents, d’après lui, ils avaient été traités.

Argumentation rejetée.

Surcharge de travail, entorse à la durée quotidienne de repos, dépassements d’heure pour assurer la continuité du service, difficultés relationnelles récurrentes, comportements déplacés, travail à effectif réduit, turn-over, absence de remplacement du personnel en congé ou en formation… Comme l’avaient constaté les juges, depuis plusieurs années, il y avait eu une multiplicité d’alertes, « sans qu’un travail d’ampleur pluridisciplinaire n’ait été mis en place pour permettre une amélioration ». Ils avaient également constaté la survenance de trois incidents graves dans l’établissement en cours d’année 2019, dont deux débattus lors de la séance au cours de laquelle l’expertise avait été décidée, et l’absence dans les programmes de prévention des risques professionnels 2017, 2018 et 2019 de dates de réalisation effective des moyens de prévention préconisés.

Ainsi, « ces éléments caractérisaient des conditions de travail de nature à compromettre la santé et la sécurité des salariés qui ne se limitaient pas à un simple ressenti des salariés ». D’où « l’existence d’un risque grave, identifié et actuel dans l’établissement, au sens de l’article L. 2315-94, 1o, du code du travail ».

Source : Actuel-CE