L’action intentée par un comité social et économique (CSE) en vue de contester en justice le transfert du contrat de travail des salariés dans le cadre d’un transfert partiel d’activité est irrecevable.
 
En tant que personne morale, le CSE a des droits, des prérogatives et il peut ester en justice lorsque ses propres intérêts sont en jeu. Ainsi, le comité peut agir pour faire respecter ses droits à information/consultation, à budgets, à réunion, à expertise, etc. Il le fait en son nom et pour son propre compte. En revanche, même s’il a bien pour objet d’assurer une expression collective des salariés (article L. 2312-8), il ne peut pas agir en justice à la place des salariés. Cette affaire l’illustre une nouvelle fois.
 
Une cession d’activité pour éviter un PSE, accuse le CCE
En avril 2016, la société IBM présente à son comité central d’entreprise (CCE) un projet, dénommé « Gallium », visant à céder l’intégralité de l’activité « Global Administration » à la société Manpower Group Solutions Enterprises et à transférer à compter du 1er octobre 2016 les contrats de travail de 102 assistantes dédiées à cette activité. Contestant les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, et soutenant que le transfert était une façon de contourner la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), les élus du CCE saisissent le tribunal de grande instance pour faire interdire à IBM France de transférer les contrats de travail visés par le projet. Rappelons que l’article L. 1224-1 du code du travail offre aux salariés touchés par un transfert d’entreprise la garantie de conserver leur emploi en passant automatiquement au service du nouvel employeur. L’obligation de maintenir les contrats de travail s’applique à tout transfert d’une entité économique conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.
L’action est déclarée irrecevable par le tribunal de grande instance et la la cour d’appel confirme l’irrecevabilité de l’action. La chambre sociale de la Cour de cassation entérine l’arrêt de la cour et rejette donc le pourvoi en cassation formé par le comité central d’entreprise.
 
La motivation de la Cour de cassation 
Comme le rappellent les juges, « l’action en contestation du transfert d’un contrat de travail est un droit exclusivement attaché à la personne du salarié ». Quant au CCE, il « ne tient d’aucune disposition légale le pouvoir d’exercer une action en justice au nom des salariés ou de se joindre à l’action de ces derniers, lorsque ses intérêts propres ne sont pas en cause ». En revanche, il « peut avoir un intérêt propre à faire valoir que la violation de l’article L. 1224-1 du code du travail porte atteinte à son fonctionnement et ses ressources, de sorte que son intervention au côté du salarié à l’occasion d’un litige portant sur l’applicabilité de ce texte serait recevable ».
Or, dans cette affaire, le CCE d’IBM France avait agi seul pour contester le transfert des contrats de travail de l’ensemble des salariées concernées par le projet Gallium, aucun de ces salariés n’était partie à l’instance. L’action devait donc être déclarée irrecevable. Cette solution est bien évidemment transposable au comité social et économique.:
 
► Un syndicat est lui aussi irrecevable à présenter seul une action en contestation du transfert de contrats de travail (Cass. soc. 9 mars 2016, n° 14-11.837). De la même manière, il ne peut pas agir seul en justice en vue du transfert de contrats de travail, l’action en revendication du transfert du contrat de travail étant un droit exclusivement attaché à la personne du salarié (Cass. soc., 12 juill. 2017, n° 16-10.460). En revanche, au nom de l’intérêt collectif de la profession qu’il représente, il peut intervenir aux côtés des salariés dans une instance relative à l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail.

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