Le CSE de la société avait nommé un expert en matière de santé et de sécurité, qui lui avait remis son rapport en vue de la consultation sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Le CSE avait refusé de rendre un avis sur le projet de PSE et la mission de l’expert avait été clôturée.
Mais le Dreets (directeur régional du travail) a fait usage de son pouvoir d’observation s’agissant des risques psychosociaux liés au projet, et l’employeur a rectifié son document unilatéral. Le CSE a donc de nouveau été informé et consulté. Un mois après le retrait du document unilatéral, l’employeur lui a en effet adressé une note complémentaire relative à l’analyse des risques liés à la réorganisation et aux mesures de prévention qu’il entendait prendre.
Deux réunions ont eu lieu quelques semaines plus tard, à l’issue desquelles les représentants du personnel ont à nouveau refusé de rendre un avis, au motif notamment qu’ils n’avaient pas pu bénéficier de l’assistance d’un expert pour examiner ces nouveaux documents.
Ayant saisi le juge administratif d’une demande d’annulation de l’homologation du PSE, le CSE avait obtenu gain de cause auprès de la cour administrative d’appel de Versailles, qui avait jugé que la procédure d’information-consultation était irrégulière (CAA de Versailles, 9 mars 2022, n° 21VE03335).
Les juges du fond avaient en effet rappelé que, selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, lorsque l’assistance d’un expert a été demandée, l’administration doit s’assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au CSE de formuler ses avis en toute connaissance de cause (Conseil d’Etat, 21 octobre 2015). Or, en l’espèce, compte tenu du bref délai séparant la communication par l’employeur du document rectifié et les réunions du CSE, ce dernier n’avait pas pu solliciter une nouvelle expertise. En outre, le précédent rapport d’expertise relatif aux risques psychosociaux ne lui avait pas permis de formuler un avis en toute connaissance de cause puisqu’il ne portait pas sur les nouvelles mesures intégrées par l’employeur.
L’argument, pourtant solide, est écarté par le Conseil d’Etat au nom du caractère global du contrôle que doit exercer le Dreets – et, en cas de contentieux, le juge administratif – sur la régularité de la procédure d’information-consultation du CSE. En effet, il s’agit de vérifier si le CSE a pu, malgré, le cas échéant, l’inobservation de certaines prescriptions légales, émettre un avis « dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation » (Conseil d’Etat, 22 mai 2019).
En l’espèce, la cour administrative d’appel aurait donc dû exercer un contrôle global de la procédure d’information-consultation et rechercher si l’impossibilité d’avoir recours à un expert avait effectivement empêché le CSE de rendre son avis en connaissance de cause : c’est pour cette raison que son arrêt est annulé.
► Ce contrôle global justifie, par exemple, que la procédure d’information-consultation du CSE puisse être jugée régulière, même si l’expert n’a pas eu accès à l’intégralité des documents dont il a demandé la communication (Conseil d’Etat, 21 juillet 2023).
Le Conseil d’Etat, qui se penche ensuite sur le fond de l’affaire, estime en tout état de cause que le CSE a effectivement disposé des informations utiles pour se prononcer sur l’opération projetée et rejette son recours. Il en veut pour preuve que les représentants du personnel n’ont formulé aucune demande d’injonction auprès du Dreets sur le fondement de l’article L.1233-57-5 du code du travail, et que l’employeur n’a pas fait obstacle à la mission de l’expert qui n’a pas entendu compléter son rapport.