Le droit du CCE d’être assisté par un expert-comptable pour l’examen annuel de la situation économique et financière de l’entreprise ne prive pas le comité d’établissement de ce droit, afin de lui permettre de connaître la situation économique, sociale et financière de l’établissement dans l’ensemble de l’entreprise et par rapport aux autres établissements.
La grande question du droit à expertise du comité d’établissement est enfin tranchée par la Cour de cassation. Il était de jurisprudence constante que les comités d’établissement avaient droit à leur propre expert-comptable en matière d’examen annuel des comptes, le recours par le CCE à l’assistance d’un expert-comptable dans ce cadre n’étant pas jugé exclusif du recours du comité d’établissement à l’assistance d’un expert-comptable en vue de l’examen des comptes de l’établissement considéré, peu important que la comptabilité soit établie au niveau de l’entreprise et que les comptes spécifiques à l’établissement n’y aient pas été différenciés (lire les arrêts du 18 novembre 2009, du 23 mars 2011 et du 8 octobre 2014).
Puis la loi Rebsamen du 17 août 2015 a redistribué les cartes en créant les grandes consultations annuelles, et en tâchant de simplifier la répartition des compétences entre CCE et comité d’établissement. A l’aune de ces nouvelles règles, à notre connaissance, seul un jugement de TGI avait tranché, cantonnant le droit au recours à l’expertise au seul CCE (TGI Montpellier, ch. civ., sect. 2, 3 oct. 2015, n° 16/03425).
Mais aujourd’hui, pour la première fois, la Cour de cassation confirme son ancienne jurisprudence sous l’égide de la loi Rebsamen. Et cette solution amène également à s’interroger sur le nouveau CSE, les règles ayant encore une fois été remaniées à cet égard.Désignation d’un expert-comptable par le comité d’établissement dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière
Dans cette affaire, le comité d’établissement du magasin Fnac de Lille désigne un cabinet d’expertise comptable pour l’assister en vue de « l’examen des comptes annuels de l’établissement de l’exercice 2016, le prévisionnel 2017 et les perspectives ». La société Relais Fnac saisit le TGI en annulation de cette délibération. Demande rejetée en référé ainsi que par la cour d’appel.
L’entreprise s’appuie sur les nouveaux textes issus de la loi Rebsamen pour expliquer que les comités d’établissement ne sont plus compétents pour « l’examen annuel des comptes » qui n’existe d’ailleurs plus en tant que tel, ni dans les domaines qui « excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissement », ce qui est le cas de la consultation annuelle sur la situation économique et financière en cause. En effet, d’une part, les comptes sont établis au niveau de l’entreprise, de même que les comptes spécifiques à l’établissement, et d’autre part, le directeur de l’établissement appliquait une politique économique, budgétaire et financière décidée par l’entreprise, avec un pouvoir d’engagement financier limité.Expertise au niveau de l’établissement validée par la Cour de cassation
Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord avec l’entreprise et rejette le pourvoi, dans une décision proche de son ancienne jurisprudence mais adaptée aux modifications apportées par la loi Rebsamen.
Ainsi, elle explique « qu’aux termes de l’article L. 2327-15 du code du travail, alors applicable, le comité d’établissement a les mêmes attributions que le comité d’entreprise dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement ; que la mise en place d’un tel comité suppose que cet établissement dispose d’une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l’activité économique de l’établissement ». Elle en déduit « qu’en application des articles L. 2323-12, L. 2325-35 et L. 2325-36 du code du travail, alors applicables, le droit du comité central d’entreprise d’être assisté pour l’examen annuel de la situation économique et financière de l’entreprise ne prive pas le comité d’établissement du droit d’être assisté par un expert-comptable afin de lui permettre de connaître la situation économique, sociale et financière de l’établissement dans l’ensemble de l’entreprise et par rapport aux autres établissements avec lesquels il doit pouvoir se comparer ».Application de cette décision au CSE incertaine
Cette solution tant attendue arrive alors que la législation a encore changé et que toutes les instances existantes doivent être remplacées par des CSE d’ici au 31 décembre 2019. Cette réforme est à son tour intervenue sur la répartition des compétences entre CSE d’établissement et CSE central d’entreprise, précisant encore le rôle premier du CSE central. En outre, de nombreux points peuvent désormais être négociés, notamment quant aux consultations récurrentes et ponctuelles et quant à l’expertise.
Ainsi, à défaut d’accord sur les consultations récurrentes, l’article L. 2312-22 précise notamment que la consultation sur la situation économique et financière est conduite au niveau de l’entreprise sauf si l’employeur en décide autrement. Or, en l’absence totale de consultation au niveau des établissements, il semble difficile de justifier une expertise. Cependant, contrairement aux consultations ponctuelles, il n’est pas prévu expressément par le code du travail que sur les sujets relevant du seul CSEC lorsque la désignation d’un expert est envisagée, elle est effectuée par le CSE central (article L. 2316-3).
En outre, le code du travail prévoit toujours que le comité social et économique d’établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d’entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement (article L. 2316-20). Enfin, en l’absence d’accord sur la détermination des établissements distincts comme c’est maintenant possible pour le CSE, les critères d’autonomie suffisante sont toujours nécessaires. Il est même possible d’opter pour ces critères dans le cadre d’un accord. Les arguments soulevés par la Cour de cassation pour autoriser l’expertise au niveau des établissements semblent donc toujours présents du moins dans une certaine mesure. On peut donc se demander si une solution similaire pourrait être adoptée.
La volonté du législateur ne semble toutefois pas aller dans ce sens et les arguments contre le droit à experise du CSE d’établissement sont également nombreux. Il semble dans tous les cas que l’existence ou non d’un accord, ainsi que son contenu, seront déterminant dans la solution adoptée, les CSE étant une instance à géométrie variable.
Source – Actuel CE