Nous continuons en 2019 de vous présenter régulièrement de manière synthétique les arrêts susceptibles d’être utiles à votre mandat de délégué du personnel. Pour plus de facilité de lecture nous les avons classés par thèmes : contrat de travail, inaptitude, rupture du contrat, statut collectif.
Rappelons en préalable que face au CE et aux délégués syndicaux, les délégués du personnel ont un rôle spécifique. D’après l’article L. 2313-1 du code du travail, ils ont pour mission :
1°) de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise ;
2°) de saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des prescriptions législatives et réglementaires dont elle est chargée d’assurer le contrôle.
Quel sort pour les missions des DP au sein du CSE? |
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D’ici la fin de cette année, les délégués du personnel devront avoir définitivement disparu au profit du comité social et économique (CSE). Mais les ordonnances travail préservent au bénéfice de la nouvelle instance unique, dès le seuil de 11 salariés, l’essentiel des prérogatives attribuées aujourd’hui aux DP. Chercher à apprécier, en tant qu’élu du personnel, une situation de travail au regard des règles de droit reste donc un impératif. |
Il n’est pas rare que les DP soient saisis de difficultés liées à l’application du contrat de travail. Il s’agit pour vous d’identifier si la réclamation du salarié apparaît justifiée et de rappeler à l’employeur ses obligations légales. |
► L’article 9 du contrat de travail d’une caissière opératrice, conclu en 1988, stipule que « l’âge de la retraite est fixé à 65 ans, le contrat de travail se trouve rompu du fait que le salarié atteint cet âge ». À l’automne 2010, la salariée notifie à son employeur que le 28 décembre suivant, date de son 65e anniversaire, le contrat de travail « sera ipso facto rompu ». Le mois suivant son départ, la salariée se plaint d’un licenciement sans cause réelle est sérieuse. À juste titre, confirme la Cour de cassation : « le départ à la retraite d’un salarié est un acte unilatéral par lequel il manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, rappelle-t-elle. (…) Est nulle toute stipulation contractuelle prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d’un salarié en raison de son âge ou du fait qu’il serait en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse ». L’employeur doit alors verser des indemnités à la nouvelle retraitée (lire l’arrêt).
► Un ingénieur électronicien d’Altran technologies, DP, élu CE, membre du CHSCT et délégué syndical CGT, fait l’objet en février 2009 d’un avertissement, puis d’un rappel à l’ordre. Il lui est reproché, suite à son refus de prendre une nouvelle mission, « un manque d’implication et l’absence de recherche d’information sur la mission ». La direction déplore également que le représentant du personnel « s’érige des barrières avant de connaître la nature même du projet » proposé. Après avoir constaté que le salarié avait motivé son refus d’être affecté au nouveau projet en raison de ses nombreux mandats et de contraintes personnelles, les juges décident d’annuler la sanction disciplinaire et de condamner l’entreprise à verser 2 000 euros au titre du préjudice subi en raison de ce rappel à l’ordre injustifié (lire l’arrêt).
Jusqu’ici les délégués du personnel ne devaient être consultés, dans le cadre d’une procédure de reclassement, que lorsque celle-ci faisait suite à un accident ou une maladie d’origine professionnelle. La loi Travail étend depuis le 1er janvier 2017 cette obligation aux cas d’inaptitude faisant suite à un accident ou une maladie d’origine non-professionnelle (articles L. 1226-2 et L. 1226-10). Plus généralement, les DP doivent veiller au respect des règles relatives à la santé et à la sécurité. |
► Victime d’un accident du travail en juin 2008, un délégué du personnel est déclaré inapte à son poste trois ans plus tard. L’élu est convoqué le 20 octobre 2011 à un entretien préalable à son licenciement. Il est ensuite convoqué, en sa qualité de délégué du personnel, à une réunion programmée le 26 octobre en vue de la consultation de l’instance sur les propositions de reclassement le concernant. Le 10 janvier 2012, après autorisation de l’inspection du travail, le licenciement est prononcé. Sauf que l’article L. 1226-10 du code du travail prévoit que « l’avis des délégués du comité social et économique (DP au moment des faits) doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d’un salarié inapte à son emploi en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne soit engagée », reprochent les juges. Le licenciement est donc annulé (lire l’arrêt).
Pourquoi, en tant que DP, s’intéresser au contentieux du licenciement disciplinaire ? Tout simplement parce qu’un salarié convoqué par l’employeur à un entretien préalable de licenciement ou qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire a le droit de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (articles L. 1232-4 et L. 1332-2 du code du travail). Or il est fréquent que le salarié menacé demande à un délégué du personnel de l’assister et des conseils. |
► Une garde-malade de l’Association des paralysés de France est convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 12 mai 2011. La salariée ne se présente pas à cet entretien. L’employeur décide alors d’organiser un nouvel entretien préalable le 26 mai suivant, en présence cette fois de la salariée. Le licenciement pour faute grave est prononcé le 14 juin 2011. La question se pose alors de savoir si l’employeur n’aurait pas violé les dispositions de l’article L. 1332-2 du code du travail, qui prévoit que le licenciement doit être notifié dans le mois suivant le jour fixé pour l’entretien préalable. En défense, l’employeur soutient qu’il a organisé ce second entretien préalable afin que la salariée menacée de licenciement puisse y assister et demande alors que l’on considère que la procédure de licenciement n’a véritablement commencé qu’au 26 mai, jour du second entretien préalable au licenciement (et non pas le 12 mai 2011). Réponse de la Cour de cassation : « Ayant constaté que la nouvelle convocation pour une entretien prévu pour le 26 mai 2011 résultait, non pas d’une demande de report de la salariée ou de l’impossibilité pour celle-ci de se présenter au premier entretien, mais de la seule initiative de l’employeur », il convient de retenir que le « point de départ de la notification de la sanction la date du 12 mai 2011 correspondant à l’entretien initial auquel la salariée ne s’était pas présentée ». Au 14 juin 2011, jour du licenciement, « le délai de notification calculé à compter de cette date, était expiré », concluent les juges. Autrement dit, l’employeur devait prononcer le licenciement au plus tard le 12 juin (lire l’arrêt).
► Un assistant chef de projet est embauché par une agence de communication, à compter du 24 octobre 2013, pour un CDD de deux mois. Peu après la rupture de la relation de travail, le salarié demande la requalification de son contrat en CDI, et une indemnisation pour licenciement abusif, au motif qu’il n’a pas signé le contrat précaire initialement proposé. Les juges donnent d’abord tort au chef de projet, au motif que ce dernier « ne conteste pas avoir commencé à exécuter sa prestation en connaissant sans ambiguïté qu’il s’agissait d’un contrat à durée déterminé à terme du 23 décembre 2013, pour le motif repris dans la promesse d’embauche ». Mais, rappelle la Cour de cassation, « la signature d’un CDD a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en CDI. Il n’en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse » (ce qui en l’espèce n’a pas été démontré par l’employeur). La requalification du contrat est donc prononcée (lire l’arrêt).
► En vue d’assurer la continuité de l’activité d’une salariée placée une semaine en arrêt maladie, la DRH décide de traiter et d’analyser les mails de la salariée. Dans le cadre de cette prise en main de la messagerie professionnelle, la direction découvre qua la salariée et quatre autres collègues échangent de nombreux mails jugés agressifs, injurieux et dénigrants à l’égard de l’entreprise, de la direction et des autres salariés. Les cinq salariés sont immédiatement licenciés pour faute grave. En justice, la salariée dont les messages ont été consultés se plaint d’une atteinte à la vie privée. L’occasion pour la Cour de cassation de rappeler, sans se prononcer sur le fond, sa ligne directrice en matière de consultation des mails professionnels : « il convient de rechercher si les courriels litigieux, qui proviennent de la messagerie électronique mise à disposition des salariés par l’entreprise, avaient un caractère professionnel et si leur contenu relevait ou non de la vie privée des salariés » licenciés. L’affaire est renvoyée devant une nouvelle cour d’appel (lire l’arrêt).
La loi donne vocation aux DP de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives « aux conventions et accords applicables dans l’entreprise » (article L. 2313-1 du code du travail).Il est donc important de savoir décrypter les règles collectives imposées aux salariés. |