La consultation du CE/CSE sur les accords collectifs et leurs conséquences pose question depuis la loi Rebsamen d’août 2015, qui a écarté expressément la consultation des élus sur les projets d’accords d’entreprise. S’il est certain qu’il n’est plus besoin de réunir le comité au stade du projet d’accord, la question se posait sur les mesures de mise en oeuvre de cet accord. Faut-il consulter au titre de la marche générale de l’entreprise? Ou seulement dans le cadre de la consultation annuelle (récurrente avec le CSE) sur la politique sociale de l’entreprise ? La Cour de cassation donne enfin sa réponse.
Dans cette affaire, c’est un accord de modulation du temps de travail qui est en cause. Dans ce cadre, le programme global indicatif de modulation (prévu par l’accord d’entreprise et mis en place par l’employeur), n’avait pas fait l’objet d’une consultation du CE. Une salariée fait valoir que ce défaut de consultation rend l’accord inopposable à l’ensemble des salariés de la société soumis à ce dispositif.
La Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle articule son raisonnement autour du défaut de consultation annuelle du CE sur la politique sociale :
- le défaut de consultation annuelle du comité d’entreprise sur les décisions de l’employeur portant sur l’aménagement du temps de travail ou la durée du travail, exigée au titre des missions de cet organe concernant la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, n’a pas pour effet d’entraîner l’inopposabilité de l’accord de modulation à l’ensemble des salariés de la société ;
- ce défaut de consultation peut être sanctionné selon les règles régissant le fonctionnement du comité d’entreprise.
Ainsi, la Cour induit dans sa solution que les « décisions de l’employeur » résultant de la mise en oeuvre de cet accord, dès lors qu’elles touchent les « missions » du CE relatives à la durée du travail doivent être intégrées à la consultation annuelle sur la politique sociale.
La question semble ainsi tranchée : ce sont les décisions de l’employeur, autrement dit les mesures de mise en oeuvre des accords, qui lorsqu’elles touchent aux missions du comité, font l’objet d’une consultation dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale, et non dans le cadre de la marche générale de l’entreprise. A noter toutefois que les « missions du comité » relevant des consultations annuelles sont larges : durée du travail, conditions de travail, formation, congés, etc. En outre, l’arrêt ne l’évoque pas, mais les données relatives à ces décisions, ces mesures de mise en oeuvre des accords, devraient se retrouver, au moins en partie, dans les différentes rubriques de la base de données économiques et sociales (BDES). |
A défaut, ce n’est pas l’inopposabilité de l’accord qui est encourue, mais « les règles régissant le fonctionnement du comité ». C’est donc au comité de se saisir de cette question et de demander des dommages et intérêts et/ou d’agir en délit d’entrave contre l’employeur.
Cette formulation est presque identique à celle adoptée par la jurisprudence antérieure à la loi Rebsamen. A l’époque, la consultation du CE avait lieu au stade du projet d’accord au titre de la marche générale de l’entreprise. Mais le défaut de consultation avait les mêmes conséquences : sanctionné par les « règles régissant le fonctionnement du comité », il ne rendait pas l’accord nul ou inopposable (lire les arrêts du 19 mars 2003 et du 10 mars 2010). |
Cette solution devrait s’appliquer au CSE. Les missions du CSE sont inchangées, et la consultation sur la politique sociale est conservée. Toutefois, cette consultation, ainsi que le contenu de la BDES peuvent être aménagés par accord. Ainsi, cette consultation n’est plus forcément annuelle, elle est « récurrente » (périodicité sur maximum 3 ans), son contenu peut être aménagé, de même que la liste et le contenu des informations nécessaires à cette consultation et aux autres consultations récurrentes. Le contenu de la BDES peut également être aménagé par accord. Il faudra donc en tenir compte, mais il nous semble que ces aménagements ne doivent pas aboutir à exclure complètement certains thèmes comme la durée du travail.
Source – Actuel CE