Pour présider le comité social et économique, l’employeur peut décider de se faire représenter en donnant une délégation à un salarié mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure.
Le rôle du président du CSE n’est bien sûr pas anodin. Tout d’abord sa présence est obligatoire : en son absence, le CSE ne peut pas valablement siéger. De plus le président détient des missions précises : il fixe l’ordre du jour des réunions plénières avec le secrétaire du CSE, il convoque les membres aux réunions ordinaires et extraordinaires, il organise les débats, veille au bon déroulement de la réunion de même qu’à la régularité des scrutins. Enfin, il s’assure que les droits à information et/ou à consultation du CSE sur les questions intéressant notamment la marche générale de l’entreprise sont respectés. Quant à la question de savoir qui préside le comité social et économique, le code du travail répond : l’employeur ou son représentant (article L. 2315-23). Il reste à savoir qui peut être ce représentant. Peut-on par exemple déléguer une présidence ? Une jurisprudence nouvelle vient éclairer ce sujet.
Qui peut représenter l’employeur au CSE ?
Jusqu’à présent, la jurisprudence n’avait jamais eu l’occasion de préciser si, en cas de délégation de pouvoirs pour présider le CSE, l’employeur devait obligatoirement rester dans le périmètre de l’entreprise ou s’il pouvait aller chercher son représentant en dehors de l’effectif de l’entreprise, notamment après d’une autre entreprise du groupe.
C’est désormais chose faite grâce à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 25 novembre 2020 rendu à propos de la présidence du comité d’entreprise. Certes, à ce jour, le CE n’existe plus. Peu importe car cette jurisprudence est applicable au CSE, c’est tout son intérêt. Ainsi, pour la première fois, il est décidé que le bénéficiaire de la délégation de pouvoirs pour présider le comité, à savoir le délégataire, peut être une personne mise à la disposition de l’employeur par une autre entreprise.
L’affaire se déroule au sein de l’association « Aide maintien accompagnement des personnes âgées » (AMAPA) de Metz. Par convention du 2 janvier 2017, M. X… est mis à la disposition de l’association par la société DG Help pour exercer les fonctions de chargé de mission du président pour la direction opérationnelle et stratégique de l’association, avec notamment pour mission la présidence du CE. Aux termes d’une autre convention, datée du 7 juillet 2017, M. Y… salarié de la société DocteGestio est lui aussi mis à la disposition de l’association pour assurer la gestion des ressources humaines au sein de l’association, et notamment pour représenter l’employeur au sein du CE.
Estimant que le fait d’avoir délégué la présidence du CE à des salariés mis à disposition par des entreprises extérieures constituait un trouble manifestement illicite, le comité d’entreprise de l’association décide de saisir en référé le président du tribunal de grande instance pour faire cesser cette situation et obtenir l’annulation des réunions présidées, selon lui, de manière irrégulière.
Demande rejetée tant en première instance que devant la cour d’appel. Saisie d’un pourvoi, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme.
Une délégation possible mais sous condition
Ainsi, il est jugé que l’employeur peut déléguer la présidence du CE « à la condition que la personne assurant la présidence par délégation de l’employeur ait la qualité et le pouvoir nécessaires à l’information et à la consultation de l’institution représentative du personnel, de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l’employeur par une autre entreprise ».
Mis à la disposition de l’association AMAPA pour exercer « respectivement les fonctions de chargé de mission du président pour la direction opérationnelle et stratégique et chargé de la gestion des ressources humaines » MM. X… et Y… « étaient investis au sein de l’association de toute l’autorité nécessaire pour l’exercice de leur mission » et « disposaient de la compétence et des moyens pour leur permettre d’apporter des réponses utiles et nécessaires à l’instance et d’engager l’association dans ses déclarations ou ses engagements ». Attention, il reste interdit à l’employeur de confier la présidence du comité social et économique à une personne totalement étrangère à l’entreprise, un avocat ou un consultant en ressources humaines.
Cette jurisprudence revêt une importance particulière pour les groupes de sociétés. Il n’est en effet pas rare d’y centraliser les fonctions support, dont les ressources humaines, au sein d’une holding et de confier la présidence des CSE des différentes entités du groupe à un salarié de la holding. Il n’est pas rare non plus pour un DRH groupe de partager son temps, dans le cadre de conventions de mise à disposition, entre les différentes filiales et de gérer parallèlement le CSE des différentes entités du groupe.
Enfin, il y a tout lieu de penser que cette jurisprudence peut être appliquée pour la présidence de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) et de la commission économique. Il y a quelques temps d’ailleurs, il a été jugé que CSSCT d’une filiale pouvait être présidée par un salarié de la société mère dès lors que celui-ci avait les compétences nécessaires pour être un interlocuteur utile des représentants du personnel (CA Versailles, ch. 14, 12 mars 2020, n° 19/02628).
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