Le salarié protégé licencié sans autorisation qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement n’a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.

L’indemnisation des salariés protégés abusivement licenciés fait l’objet d’une abondante et complexe jurisprudence. La question de la demande de réintégration abusivement tardive a déjà été posée, mais la Cour de cassation prend aujourd’hui une décision de principe fixant clairement le montant à retenir.

Licenciement et demande de réintégration tardifs

Un candidat aux élections de membre du CHSCT dont la protection prend fin le 4 octobre 2011, est convoqué le 15 septembre  à un entretien préalable à son licenciement. Il est licencié le 7 octobre 2011, sans autorisation. Rappelons qu’il faut se placer à la date de la convocation à l’entretien préalable pour déterminer si le salarié est protégé (voir l’arrêt du la Cour de cassation du 26 mars 2013), ce qui est le cas dans cette affaire. Une autorisation de licenciement aurait donc dû être demandée.Mais ce n’est que 4 ans plus tard, en 2015, que le salarié demande sa réintégration.

Une exception au caractère forfaitaire de l’indemnisation

La jurisprudence s’est déjà intéressée à ces licenciements prononcés à l’orée de la période de protection. Rappelons que le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur qui demande sa réintégration a droit au versement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration, sous réserve que la réintégration ait été demandée par le représentant du personnel avant l’expiration de la période de protection (voir l’arrêt du 24 septembre 2002 et l’arrêt du 10 décembre 1997).

Pour éviter les abus, la Cour de cassation a étendu la règle lorsque la demande de réintégration du salarié protégé est formulée après l’expiration de la période de protection pour des raisons qui ne lui sont pas imputables (voir l’arrêt du 11 déc. 2001 et l’arrêt du 30 novembre 1999). Ce qui est quasiment inévitable lorsque le licenciement a lieu à la fin de la période de protection.

Or il n’y a pas de délai pour demander sa réintégration (voir l’arrêt du 11 décembre 2001). Pour éviter d’autres abus, cette fois-ci du côté du salarié qui attendrait plusieurs mois, voire plusieurs années pour demander sa réintégration et ainsi étendre la période de calcul de l’indemnité, la Cour de cassation a prévu une exception au caractère forfaitaire de cette indemnisation. Ainsi, le salarié qui ne peut justifier de ce délai, commet un abus dans l’exercice de ce droit à indemnisation, et ce, même dans le cas où il a formulé sa demande de réintégration après l’expiration de la période de protection pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. La limitation de l’indemnité allouée au titre de la violation du statut protecteur est alors justifiée (voir l’arrêt du 26 mars 2013 dans lequel les juges du fond avaient limité l’indemnisation au paiement de la rémunération que le salarié protégé aurait perçu de la date de demande de réintégration à la réintégration effective. Même solution que dans l’arrêt aujourd’hui commenté, mais la Cour de cassation n’avait alors pas posé cette solution en règle générale).

Règle applicable en cas de demande de réintégration abusivement tardive

La Cour de cassation reprend cette solution et en profite pour poser clairement une règle générale : « Lorsque le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à sa réintégration ; que cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l’expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié ; que, toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n’a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective ».

► Remarque : dans cette affaire, le salarié avance avoir envoyé en octobre 2011 une lettre à son employeur soulevant la nullité de son licenciement et demandant sa réintégration. Mais il ne rapporte pas la preuve que ce courrier, expédié par lettre simple, a bien été porté à la connaissance de son employeur, et notamment il ne peut produire aucune réponse de ce dernier et n’a jamais fait valoir ce moyen devant le conseil de prud’hommes. En outre, il n’apporte pas d’autres raisons justifiant  avoir entendu 4 ans pour demander sa réintégration.

Source – Actuel CE