La contestation du déroulement d’un référendum de validation d’un accord collectif minoritaire formée dans les 15 jours suivant la consultation des salariés est recevable en dépit de la contestation du contenu de l’accord dans une autres instance et la mise en œuvre de certaines de ses clauses.

Dans un arrêt du 5 janvier 2022, la Cour de cassation se prononce sur les conditions de contestation d’un référendum de validation d’un accord collectif. Elle rappelle que doivent être consultés l’ensemble des salariés de l’établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l’entreprise.

Conditions de validité d’un accord collectif d’entreprise minoritaire : bref rappel

La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants. Toutefois, si les organisations syndicales signataires n’atteignent pas le seuil de 50 % mais ont recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives aux élections susvisées, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages peuvent demander une consultation des salariés visant à valider l’accord (article L.2232-12 du code du travail).

Les contestations relatives à la liste des salariés devant être consultés et à la régularité de la consultation, de la compétence du tribunal judiciaire statuant en dernier ressort, sont introduites, s’agissant d’une contestation portant sur la liste des salariés devant être consultés, dans un délai de 3 jours suivant la publication de la liste et, s’agissant d’une contestation portant sur la régularité de la consultation, dans un délai de 15 jours suivant la consultation (article 2232-5 du code du travail).

Rappel des faits

Dans cette affaire, une entreprise convoque, le 25 octobre 2019, les organisations syndicales représentatives de l’entreprise pour négocier un protocole préélectoral portant sur l’organisation d’un référendum aux fins de validation de deux accords collectifs minoritaires :

  • un accord relatif à la détermination de l’enveloppe consacrée à la reconnaissance des compétences individuelles, des expertises et des prises de responsabilité ;
  • un accord relatif au droit d’expression des salariés.

Un procès-verbal de désaccord ayant été établi le 15 novembre 2019, l’entreprise fixe unilatéralement les modalités d’organisation du référendum qui se déroule entre le 10 et le 12 décembre 2019.

Le 17 décembre (soit moins de 15 jours après la proclamation du scrutin), un syndicat non-signataire des accords soumis à référendum conteste sur le plan formel, les conditions de déroulement de cette consultation et réclame en justice son annulation ; et, sur le fond, l’exclusion illégale des salariés en CDD de la liste des électeurs.

Le tribunal (d’instance à l’époque des faits – remplacé aujourd’hui par le tribunal judiciaire) :

  • déclare sa demande d’annulation irrecevable au motif que le référendum a déjà eu lieu, que le contenu des accords était contesté dans le cadre d’une instance distincte et que certaines clauses des accords ont été déjà mises en œuvre ;
  • s’agissant de l’exclusion des salariés en CDD, juge les griefs du syndicat non fondés au motif que ces salariés n’étaient pas concernés par l’accord portant sur la détermination de l’enveloppe consacrée à la reconnaissance des compétences individuelles (il s’appliquait exclusivement aux salariés en CDI).

Le syndicat se pourvoit en Cassation et la chambre sociale lui donne raison.

Conditions de recevabilité d’une demande d’annulation

Pour la Cour de cassation, le syndicat a agi dans les délais légaux, à savoir dans les 15 jours suivant la consultation. La contestation était donc recevable. Peu importe à cet égard « que le contenu des accords soit par ailleurs contesté ou que certaines de ses clauses en aient déjà été mises en œuvre ». En déclarant cette demande irrecevable, le tribunal a violé les dispositions des articles R. 2232-13 et R. 2314-24 du code du travail.

► Problème : l’article R. 2232-13 concerne l’approbation des accords par les salariés pour les entreprises de moins de 11 salariés et dans les entreprises de 11 à 20 salariés dépourvues de représentant élu au CSE. La chambre sociale s’est vraisemblablement trompée d’article ; elle aurait dû viser l’article R. 2232-5 qui reprend les mêmes termes que ceux de l’article R. 2232-13 mais s’applique aux accords collectifs minoritaires. Cette confusion ne devrait pas porter à conséquence, les termes des deux articles étant les mêmes.

Salariés appelés à participer au référendum : rappel jurisprudentiel

L’article L. 2232-12 alinéa 5 du code du travail dispose que participent à la consultation les « salariés des établissements couverts » par l’accord tandis que l’article D.2232-2 alinéa 2 du même code prévoit que le protocole conclu entre l’employeur et les organisations syndicales pour fixer les modalités de la consultation détermine la liste des « salariés couverts » par l’accord au sens du 5e alinéa de l’article L.2232-2 et qui, à ce titre, doivent être consultés.

Quels sont précisément les salariés qui doivent participer à la consultation ? Tous les salariés de l’établissement couvert par l’accord ou bien seulement les salariés concernés (« couverts ») par l’accord ? Autrement dit, au 5e alinéa de l’article L.2232-12, l’adjectif « couverts » se rapporte-t-il aux « salariés » ou aux « établissements » ?

C’est à cette question que la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 9 octobre 2019. Pour elle, en présence d’un accord intercatégoriel, tous les salariés de l’entreprise ou de l’établissement doivent participer au référendum de validation de l’accord minoritaire, y compris ceux n’entrant pas dans son champ d’application et n’étant donc pas bénéficiaires des mesures qu’il prévoit. Le protocole spécifique destiné à organiser le référendum ne peut donc pas exclure ces salariés du scrutin, s’ils remplissent les conditions pour être électeurs.

L’arrêt rendu le 5 janvier 2022 rappelle le dispositif de cette jurisprudence. C’est donc à tort que le tribunal (d’instance) a jugé légitime l’exclusion des salariés de l’entreprise en CDD. Même non concernés par le contenu de l’accord, ils remplissaient les conditions pour être électeurs. Leur exclusion était donc illégale.

L’affaire sera rejugée par un autre tribunal judiciaire

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