Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives aux élections professionnelles, au CSE ou encore à la protection des représentants du personnel. Notre tableau.

La représentation du personnel est un sujet qui donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces solutions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes. Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts des mois de juin et juillet 2021 dans le domaine des élections, du CSE et du statut protecteur.

 

Thème
Contexte
Solution 
ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES

Principes généraux

du droit

électoral

L’élection doit respecter les
principes généraux du droit électoral, notamment la
liberté et la
sincérité du
scrutin.

Lorsque les membres du bureau n’ont pas signé la liste d’émargement, cela est de nature à affecter la sincérité du
scrutin. Cette irrégularité justifie à elle seule l’annulation des élections, s’agissant d’un principe général du droit électoral
(Cass. soc., 23 juin 2021, n° 20-60.204).
► Confirmation de jurisprudence.

 

COMITE SOCIAL ET ÉCONOMIQUE 

Budgets

du

CSE

L’employeur verse au CSE une subvention de fonctionnement. Ce
montant s’ajoute à la subvention
destinée aux activités sociales et
culturelles (C. trav., art. L. 2315-61).
Conformément au principe de dualité
des budgets, les ressources dont
dispose le CSE doivent impérativement être utilisées
conformément à leur destination.

 

En l’absence de différenciation entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses des activités sociales et culturelles prises en charge par l’employeur et l’impossibilité en résultant pour le comité de vérifier la dotation effectivement versée par l’employeur au titre de son obligation légale, le non-paiement par l’employeur au comité de la subvention de fonctionnement  constitue un trouble manifestement illicite.

(Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-15.946).

Expertise conditions de 

travail

Le CSE peut faire appel à un expert
habilité en cas de projet important
modifiant les conditions de santé
et de sécurité ou les conditions de
travail (C. trav., art. L. 2315-94), et
notamment en cas de déménagement.

 

 

Concernant des projets immobiliers, la Cour de cassation valide le moment du recours à l’expert par le comité dans les deux cas suivants : 

1. la construction d’un nouveau site regroupant cinq autres sites doit être qualifiée de projet important. Dans ce
cadre, la délibération du comité décidant du recours à un expert est justifiée dès lors que la réorganisation
proposée n’était plus au stade d’une étude préliminaire mais d’un projet avancé, que la réorganisation sur un
nouvel emplacement géographique allait avoir des répercussions sur les conditions de travail des salariés
et qu’attendre plus avant dans  l’évolution du projet priverait le comité d’une grande partie de ses
prérogatives car les choix faits en l’état d’avancement du projet allaient avoir des conséquences pour chaque salarié (Cass. soc., 9 juin 2006, n° 19-22.833);

2. la décision de recourir à un expert est justifiée dans le cadre d’un projet immobilier important, dès lors que le
projet architectural, la définition des espaces, leur destination, leurs fonctionnalités et leur agencement
général étaient susceptibles de déterminer la configuration finale et la distribution des postes de travail, et donc susceptible de modifier les conditions de santé, de sécurité et de réalisation du travail, que l’effet
utile de la consultation imposait qu’elle soit faite en amont, dès le macrozoning, faisant ainsi ressortir que le processus décisionnel relatif au projet immobilier était
acquis

(Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-21.724).

Dans ces deux affaires, la Cour de cassation rappelle que l’expertise reste toutefois enserrée dans les délais légaux et que l’expert ne peut être désigné pour une « mission
d’assistance permanente » pendant toute la durée de l’opération.

► Ces affaires concernent des CHSCT mais sont transposables au CSE.

 

Expertise

risque grave

Le CSE peut faire appel à un expert
habilité lorsqu’un risque grave,
identifié et actuel, révélé ou non par
un accident du travail, une maladie
professionnelle ou à caractère
professionnel est constaté dans l’établissement

(C.trav., art. L. 2315-
94
).

La qualification de risque grave a été écartée au motif que les réponses apportées par les salariés au  questionnaire qui leur a été adressé dans le cadre de l’enquête diligentée par le comité étaient succinctes, rédigées de manière générale, que pour l’essentiel les agents exprimaient une
insatisfaction sur leurs conditions de travail, que les éléments faisant référence à une altération de la santé
mentale ou physique de plusieurs d’entre eux n’étaient corroborés par aucun autre élément, tels que notamment, des éléments médicaux, une alerte du médecin du travail,
une hausse de l’absentéisme ou encore des accidents du travail, qu’à l’inverse les pièces produites par l’employeur
établissaient une stabilité, voire une baisse des arrêts de travail concernant les salariés, enfin que si deux mentions
avaient été portées sur le registre d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, l’une faisait état d’éléments
étrangers à la réorganisation, et l’autre ne visait aucun fait précis. La délibération décidant du recours à l’expertise est donc annulée.

(Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-50.068).

► Illustration.

 

Droit

d’alerte

économique

Lorsque le CSE a connaissance de
faits de nature à affecter de manière
préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander des
explications à l’employeur conformément à la procédure prévue
aux articles L.2312-63 et suivants.

 

Le comité exerce son droit d’alerte sans abus lorsque ses membres demandent la convocation d’une réunion extraordinaire selon un ordre du jour portant sur le lancement d’une alerte interne en raison de faits
préoccupants découverts à l’occasion du dépôt de rapports d’expertise sur la situation économique de l’entreprise, en précisant une liste des interrogations posées à la direction,
en particulier sur le déficit croissant depuis plusieurs années consécutives mis en exergue par ces rapports, et d’autre part révélé l’absence de réponse pertinente de la direction de nature à expliquer le déficit et les moyens envisagés pour y remédier

(Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-15.948).

► Illustration. 

.

Consultation

sur la marche

générale de

l’entreprise

Le CSE est informé et consulté sur les
questions intéressant l’organisation, la
gestion et la marche générale
de l’entreprise, notamment sur tout
aménagement important modifiant
les conditions de santé et de sécurité
ou les conditions de travail

(C. trav., art.L. 2312-8).

Le CSE doit être consulté au titre de la marche générale de l’entreprise en cas de changement de carburant (passage au gazole non routier) ayant pour conséquence que les véhicules considérés ne sont plus soumis à détention de permis de conduire, d’autre part, que ce carburant exige le
respect de précautions particulières, notamment dans ses conditions d’utilisation, cette mesure étant susceptible d’affecter les conditions de travail des salariés

(Cass. soc., 7
juill. 2021, n° 19-15.948
).

► Illustration.

PROTECTION DES REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL

Salariés titulaires

d’un

mandat

extérieur

à l’entreprise

Pour bénéficier du statut protecteur,
les salariés titulaires de mandats extérieurs à l’entreprise doivent
avoir informé l’employeur de leur
détention d’un tel mandat au plus tard
lors de leur entretien préalable au licenciement (jurisprudence
constante).

 

Si la lettre envoyée par courriel et n’ayant reçu aucune réponse de l’employeur a également été envoyée par télécopie réceptionnée le même jour, il en résulte que le salarié a porté l’existence de son mandat de défenseur syndical à la connaissance de son employeur dès cette date

(Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-26.032).

► Applicable aux salariés titulaires d’autres mandats extérieurs
à l’entreprise.

 

Cadre

du 

contrôle

de

la

réalité économique du licenciement

Si l’entreprise appartient à un groupe, la cause économique s’apprécie, sauf
fraude, au niveau du secteur d’activité
commun à cette entreprise et aux
entreprises du groupe auquel elle
appartient, établies sur le territoire
national

(C. trav., art. L. 1233-3, al. 12).

Le groupe s’entend, ainsi qu’il est dit au I de l’article L. 2331-1 du code du travail (c’est-à-dire au sens du comité de groupe), de l’ensemble constitué par les entreprises placées sous le contrôle d’une même entreprise dominante.

A cet égard, une personne physique doit, au même titre qu’une
personne morale, être considérée comme en contrôlant une
autre dès lors qu’elle remplit les conditions visées à l’article L. 233-3 du code de commerce (notion d’entreprise dominante). Toutes les entreprises implantées en France
ainsi placées sous le contrôle d’une même personne physique ou morale sont prises en compte

(CE, 14 juin 2021, n° 417940).

Compétence

du

juge

judiciaire

Le principe de séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire de
remettre en cause l’appréciation
par l’autorité administrative de
l’application de l’article L. 1224-1
du code du travail (transfert).
Cependant, la cessation brutale de fourniture de travail aux salariés protégés transférés sur autorisation, en dehors de toute procédure de licenciement constitue un trouble
manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. Dans ce cadre, le juge judiciaire apprécie les mesures qui s’imposent en mettant à la charge de l’entreprise repreneuse, à titre
provisionnel, des sommes dont elle fixe souverainement le montant (dans ce cas, indemnités de préavis et de congés payés, indemnité conventionnelle de licenciement et
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).
(Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 19-26.126).
Réintégration Le salarié qui demande sa réintégration dans le délai requis doit
retrouver son emploi dans l’entreprise, ou un emploi équivalent
(C. trav., art. L.2422-1).

La décision de justice ordonnant à l’employeur de proposer
au salarié protégé un poste de travail correspondant à ses
fonctions et à son statut, emporte pour le salarié le droit
d’être réaffecté dans un emploi permettant l’exercice de ses
mandats représentatifs

(Cass. soc., 7 juill. 2021, n° 20-10.832).



► Confirmation de jurisprudence.

Source