La délibération par laquelle un CHSCT décide d’une expertise à l’occasion de l’examen d’un point de l’ordre du jour consacré à l’information sur un projet d’ajustement de la durée du temps de travail est valable, décide la Cour de cassation. Cela vaut aussi pour le CSE.

Il existe une règle en vertu de laquelle un CSE ne peut valablement délibérer que sur les questions régulièrement inscrites à l’ordre du jour ou ayant un lien avec l’un des points de l’ordre du jour.

Cette règle est intéressante, notamment lorsque les élus décident de voter une expertise en cours de réunion. Contrairement à ce que leur affirme parfois le président du CSE, il n’est pas nécessaire que ce vote ait été préalablement inscrit noir sur blanc dans l’ordre du jour dès lors qu’on peut bien le rattacher à l’un des points de l’ordre du jour de la réunion. Autrement dit, pour que la décision de faire assister par un expert soit valable, il faut et il suffit qu’elle ait un lien avec un point inscrit à l’ordre du jour.

Un projet modifiant la durée du travail

Illustration concrète tirée d’un arrêt de la Cour de cassation du 20 mars 2024. L’affaire se déroule en 2022 au sein de La Poste.

A l’occasion de l’examen d’un point consacré à « l’information au CHSCT du projet d’ajustement de la durée du temps de travail », et après avoir décidé par un vote majoritaire qu’une consultation devait être organisée, les élus du personnel décident de se faire assister par un expert. A l’appui de leur décision, ils invoquent l’existence d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

La Poste porte l’affaire en justice.

L’employeur plaide l’absence de mention de l’expert à l’ordre du jour

Pour tenter d’obtenir du tribunal judiciaire l’annulation de la délibération du CHSCT, elle fait notamment valoir que les « dispositions de l’article L. 4614-8 du code du travail selon lesquelles l’ordre du jour des réunions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est établi par le président et le secrétaire sont impératives ». Sous-entendu, la délibération adoptée par le CHSCT n’avait pas été inscrite à l’ordre du jour dans les conditions légales. Elle devait donc être annulée.

La demande est rejetée.

Pour les juges, dès lors que l’ordre du jour portait notamment la mention « information au CHSCT du projet d’ajustement de la durée du temps de travail », « la désignation d’un expert sur la question du projet d’ajustement et ses conséquences pour les conditions de travail des salariés avait un lien implicite mais nécessaire avec la question inscrite à l’ordre du jour ». La délibération adoptée par le CHSCT était donc valable.

 

D’autres jurisprudence sur le même thème…

L’existence d’un lien entre l’ordre du jour et la délibération adoptée en réunion a été admise dans les affaires suivantes :

  • désignation d’un expert pour risque grave au cours d’une réunion dont l’ordre du jour prévoyait la mise en place d’une commission d’enquête à la suite de l’alerte émise par deux membres du comité concernant la situation d’une salariée s’estimant être victime de harcèlement moral : valable (Cass. soc., 19 nov. 2014, n° 13-21.523) ;
  • décision d’un comité de solliciter une expertise pour risque grave au cours d’une réunion dont l’ordre du jour comportait un point relatif à l’examen de courriers adressés à l’employeur dénonçant un risque grave et sollicitant une réunion extraordinaire en vue de la désignation d’un expert (Cass. soc., 12 sept. 2018, n° 17-15.414) ;
  • désignation d’un expert pour risque grave au cours d’une réunion dont l’ordre du jour prévoyait « l’évocation des événements survenus pouvant révéler des situations de risques psychosociaux, l’évaluation du niveau de gravité de ces risques et l’obtention par la direction de l’exposé des actions qu’elle comptait mettre en œuvre » (Cass. soc., 27 mai 2021, n° 19-24.344).

 

Frédéric Aouate

Source – Actuel CSE