Même si la majorité des membres du comité social et économique (CSE) a décidé de quitter la réunion après une suspension de séance, l’avis consultatif émis sur un projet de cession par les élus restés présents est valable.
Certains élus pensent que les délibérations du comité social et économique (CSE), et notamment ses avis consultatifs, ne peuvent être valablement adoptés qu’en présence d’un minimum de membres à la réunion. En partant de ce postulat, ils considèrent que l’absence des élus de la majorité syndicale empêchera le CSE d’émettre son avis, et l’employeur de terminer sa procédure d’information/consultation. Erreur, car le postulat de départ est totalement faux !
A l’époque du comité d’entreprise, il a été jugé « qu’aucun quorum n’étant fixé pour l’adoption d’une résolution, d’une décision ou d’un avis du comité d’entreprise, la délibération prise par un seul de ses membres du comité à la suite du départ des autres membres est régulière ». Dans cette affaire, les juges ont considéré que l’avis donné par un seul membre d’un comité central d’entreprise sur un projet de licenciement économique était valable, même si les autres élus avaient quitté la réunion (Cass. soc., 30 sept. 2009, n° 07-20.525).
Dans un jugement du 7 mai 2021 (lire en pièce jointe), le tribunal judiciaire de Nanterre adopte, sans surprise, la même règle pour le CSE.
Une partie des élus quittent la réunion du CSE avant le vote
Le 8 mars 2021, le comité social et économique de la société Prisma Média est réuni pour donner son avis consultatif sur un projet de cession des titres de la société au groupe Vivendi. Après restitution du rapport de l’expert mandaté par le comité et à la suite d’une suspension de séance, onze des dix-huit membres du CSE adoptent une résolution par laquelle ils font savoir qu’ils ne pourront pas émettre un avis éclairé concernant le projet. Ils quittent la séance, alors même que la présidente du comité avait annoncé qu’elle poursuivrait la réunion et ferait procéder au vote sur le projet malgré cette décision. La réunion continue et les sept élus demeurés présents émettent un avis favorable sur le projet de cession.
Pour le tribunal judiciaire de Nanterre, saisi en accéléré le 5 mars 2021 par le CSE pour faire condamner l’employeur à lui communiquer des informations complémentaires sur le projet de cession, « aucun quorum n’étant fixé pour l’adoption d’un avis du CSE, la délibération prise par les membres du comité restés présents est régulière ». En conséquence, l’avis émis par les sept élus restés présents était valable et mettait fin à la procédure d’information et de consultation. Les demandes du comité tendant à la transmission d’informations complémentaires et à la prolongation du délai de consultation étaient donc sans objet.
Les délais préfix ont changé la donne
Remarquons pour conclure qu’il est d’autant plus risqué de boycotter une réunion au cours de laquelle le CSE doit rendre un avis consultatif que le code du travail impose aux élus de rendre un avis à l’issue d’un délai préfix. Si aucun avis n’est exprimé à l’issue de ce délai, le comité est réputé avoir été consulté et avoir donné un avis négatif, ce qui permettra à l’employeur de passer à l’étape suivante en mettant en œuvre son projet (article L. 2312-16 du code du travail).
Même si aucun élu n’est présent au moment du vote, l’expiration du délai de consultation fait automatiquement présumer un avis négatif du comité social et économique. Il est également illusoire de penser qu’il est possible d’arrêter le temps en intentant une action en justice. Comme le rappelle le tribunal judiciaire de Nanterre, le fait de saisir le juge d’une demande de communication des informations manquantes n’a pas eu pour effet, conformément aux dispositions de l’article L 2312-15 du code du travail, de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis.
Source : Actuel-CE