Question n° 1
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« L’employeur peut-il nous imposer de récupérer les heures de délégation effectuées en dehors du temps de travail au lieu de nous les payer ? » |
► Notre réponse
Oui, mais dans certaines conditions. Rappelons que les heures de délégation permettent aux représentants du personnel qui en bénéficient de s’absenter de leur poste de travail pour exercer leur mandat. Il arrive que les nécessités du mandat les obligent à prendre ces heures de délégation en dehors de leur temps de travail. Dans les deux cas, il existe une « présomption de bonne utilisation » de ces heures, laquelle implique que l’employeur est obligé de les payer à l’échéance, en heures supplémentaires pour les heures prises hors temps de travail.
Concernant ces heures, doivent-elles obligatoirement être payées en heures supplémentaires ou l’employeur peut-il imposer leur récupération ? La jurisprudence a précisé que l’employeur peut imposer aux représentants du personnel de prendre un repos compensateur obligatoire en contrepartie des heures de délégation prises hors temps de travail, au lieu d’être rémunéré en heures supplémentaires. Cependant, cette alternative ne peut être mise en œuvre que s’il existe une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut de branche, appliqué à l’ensemble des salariés (Cass. soc., 9 oct. 2012, n° 11-23.167).
A savoir également : lorsqu’une convention collective prévoit que, contrairement aux salariés « de droit commun », les représentants du personnel ont le choix entre repos compensateur obligatoire et rémunération des heures supplémentaires, l’employeur ne peut pas leur imposer la formule du repos compensateur. A défaut, s’il s’agit d’une convention collective étendue, il est susceptible d’être poursuivi pour délit d’entrave (Cass. crim., 26 janv. 2016, n° 13-85.770).
Enfin, lorsqu’un élu utilise des heures de délégation pendant ce repos compensateur, ces heures ne doivent pas faire l’objet d’une rémunération supplémentaire, mais simplement d’un report (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-25.250).
Question n°2
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« Comment demander une réunion extraordinaire du CSE ? »
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► Notre réponse
C’est l’employeur qui fixe les réunions du CSE, c’est lui qui envoie convocation et ordre du jour (lequel est élaboré conjointement avec le secrétaire). Ce calendrier est parfois discuté avec les élus. Cependant, un besoin peut apparaître entre 2 réunions, et les élus doivent savoir qu’ils peuvent facilement demander une « réunion extraordinaire ».
Il y a 2 situations à distinguer :
- Réunion extraordinaire « classique » : le CSE peut tenir une seconde réunion à la demande de la majorité de ses membres (C. trav., art. L. 2315-28, al. 3). Cette possibilité est ouverte par la loi quelle que soit la périodicité minimale des réunions applicable dans l’entreprise. Cette majorité des membres du comité s’entend de la majorité des membres élus ayant voix délibérative (Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 17-27.889).
Le code du travail ne prévoit aucun formalisme particulier pour cette demande. En pratique, la demande de convocation d’une réunion extraordinaire du comité peut résulter soit d’une lettre signée par la majorité des membres titulaires du comité que le secrétaire du comité ou l’un de ses membres adresse à l’employeur, soit d’un simple vote de la majorité des membres titulaires du comité au cours d’une réunion ordinaire.
La demande doit obligatoirement comporter les questions qui seront abordées au cours de la réunion. L’employeur ne peut pas se faire juge de l’opportunité ou de l’utilité d’une réunion extraordinaire régulièrement demandée par la majorité des membres du CE. Sous peine de commettre un délit d’entrave, il ne peut donc refuser de l’organiser. Cependant, le code du travail ne prévoit pas de délai entre la date de la demande et celle de la réunion. En pratique cette réunion doit avoir lieu le plus vite possible ;
- Réunion extraordinaire dans le domaine de la santé, sécurité et conditions de travail : le CSE est réuni à la demande motivée de 2 de ses membres représentants du personnel, sur les sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-27, al. 2).
Ces dispositions sont d’ordre public, il est donc impossible d’y déroger dans un accord traitant des réunions du CSE, et l’employeur se doit nécessairement d’organiser la tenue de cette réunion.
A savoir également : l’employeur peut lui-aussi être à l’origine d’une réunion extraordinaire lorsqu’il l’estime nécessaire ou lorsque des circonstances particulières liées à l’urgence d’une situation l’exigent. Il pourrait par exemple en être ainsi en cas de consultation du CSE sur le licenciement d’un salarié protégé. Il est important de souligner que les réunions extraordinaires organisées à l’initiative de l’employeur sont soumises à l’ensemble des règles applicables aux réunions ordinaires du CSE. Dans ce cas, l’employeur ne peut pas établir l’ordre du jour tout seul, il doit convier le secrétaire. Il ne peut pas non plus ne convoquer que certains membres du CSE et pas d’autres.
Question n°3
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« Le refus de l’employeur de laisser l’expert auditionner les salariés peut-il justifier un report des délais de consultation du CSE ?mment demander une réunion extraordinaire du CSE ? »
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► Notre réponse
Cette question fait suite au commentaire que nous faisions d’un arrêt récent. En juin dernier, la Cour de cassation a décidé qu’un expert, intervenant dans le cadre de la politique sociale, ne pouvait procéder à l’audition des salariés de l’entreprise, auditionq qu’il estimait utileq pour sa mission, qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés (Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-10.293, voir notre article).
Rappelons tout d’abord, comme le souligne d’ailleurs cette décision, que l’expert a libre accès à l’entreprise et que l’employeur doit lui fournir les informations nécessaires à sa mission (C. trav., art. L. 2315-82 et L. 2315-83). D’autre part, c’est seulement lorsque le comité estime ne pas disposer d’éléments suffisants, qu’il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Attention, cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai de consultation. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires, le juge peut décider la prolongation du délai (C. trav., art. L. 2312-15, al. 4 et 5).
Donc, non, il n’y a aucun automatisme de report du délai de consultation lorsque l’employeur refuse à l’expert le droit d’auditionner les salariés.
Cependant, si ces auditions s’avèrent nécessaires à l’information de l’expert dans sa mission, laquelle a pour but d’éclairer le CSE pour rendre son avis, la procédure de demande d’informations supplémentaires, avec demande de prolongation du délai de consultation semble envisageable. Mais il faudra agir en justice et prouver la nécessité de ces auditions à l’information de l’expert.
Question n°4
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« Un accord collectif sur le temps de travail a été dénoncé. Combien de temps continue-t-il de produire ses effets après sa dénonciation ? Quelles dispositions s’appliquent-elles si les partenaires sociaux ne signent pas de nouvel accord ? »
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► Notre réponse
En cas de dénonciation d’un accord collectif à durée indéterminé (la dénonciation d’un accord à durée déterminée étant impossible), le code du travail prévoit que la convention ou l’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis de 3 mois, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure (C. trav., art. L. 2261-10, al. 1er). C’est ce que l’on appelle le « délai de survie de l’accord ».
L’ouverture de négociations d’un accord dit « de substitution » est obligatoire à la demande d’une partie intéressée dans les 3 mois de la dénonciation.
En cas d’échec des négociations dans le délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord dénoncé(e) et du contrat de travail, lors des 12 derniers mois (12 mois précédant la date à laquelle la convention ou l’accord cesse de produire ses effets).
Rappelons qu’avant l’entrée en vigueur de la loi Travail du 8 août 2016, les salariés conservaient leurs « avantages individuels acquis » en application de la convention ou de l’accord dénoncé. La jurisprudence avait défini l’avantage individuel acquis comme une rémunération ou un droit dont le salarié bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel (par exemple, outre la rémunération : des jours de congés ou des temps de pause). Désormais, les salariés ne peuvent plus prétendre au maintien des avantages non salariaux. Les nouvelles dispositions s’appliquent aux conventions ou accords dénoncés ayant cessé de produire leurs effets à compter du 9 août 2016.
Ainsi, en dehors de cette garantie de rémunération, en l’absence d’accord de substitution, c’est le code du travail qui redevient applicable. Il convient de vérifier également si des dispositions d’un accord de branche ou de la convention collective sont applicables dans le domaine concerné.
► La rédaction d’actuEL-CSE et du Guide CSE des Editions Législatives / Lefebvre Dalloz vous propose deux nouvelles dates pour cette conférence sur le droit et l’actualité des représentants du personnel (« Salariés et CSE : les dernières évolutions du droit à connaître ») dans le cadre des salons Eluceo :
Si vous vous trouvez à ces dates dans les régions lilloise et parisienne, vous êtes cordialement invités à venir échanger avec nous lors de ces conférences ou sur nos stands (stand A18 à Lille, loge 2-B08 à Paris) . |