En cas de projet important, pour avoir recours à un expert habilité, le CSE d’établissement doit démontrer de façon précise et concrète l’existence d’incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail des salariés. Illustration.

Le CSE peut faire appel à un expert habilité en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-94, 2°). Et dans ce cadre, le CSE d’établissement (CSEE) n’est consulté, et ne peut donc avoir recours à un expert, que sur les mesures d’adaptation des décisions arrêtées au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement (C. trav., art. L. 2316-20 et L. 2316-21).

Comment le CSEE peut-il justifier de telles mesures d’adaptation au niveau de son établissement ? C’est cette question qu’illustre cet arrêt du 14 décembre 2022.

Désignation par un CSEE d’un expert habilité au titre d’un projet important

Dans cette société de la grande distribution, la direction a pour projet de passer plusieurs magasins en location-gérance. Cette société est dotée d’un CSE central et de 8 CSEE. Précisons que 7 de ces CSEE comprennent une direction opérationnelle et des magasins, le 8e CSEE regroupe les salariés du siège.

La direction réunit le CSEE de la direction opérationnelle d’Île-de-France, aux fins d’information-consultation sur ce passage en location-gérance de 9 magasins relevant de ce CSEE. A ce titre, le CSEE adopte une délibération décidant du recours à un expert habilité au titre d’un projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail en application de l’article L. 2315-94, 2° du code du travail.

L’employeur conteste cette désignation et obtient gain de cause devant le tribunal judiciaire.

Obligation du CSEE de démontrer l’existence d’un projet important et de mesures d’adaptations spécifiques à l’établissement

La Cour de cassation donne raison au tribunal judiciaire. Elle rappelle les conditions de recours d’un CSEE à un expert habilité dans le cadre d’un projet important. Puis elle rappelle qu’il n’y a pas un droit général à l’expertise, et que le CSEE ne peut faire appel à un expert que lorsqu’il établit l’existence de mesures d’adaptations spécifiques à l’établissement.

Enfin, l’arrêt relève que le « jugement retient que le comité n’identifie pas de façon précise et concrète les modifications importantes qui découleraient du passage en location-gérance de chacun des neuf magasins, ni en quoi concrètement la location-gérance entraînerait des variations d’effectifs, des augmentations ou diminutions de temps de travail ou une redéfinition des postes et des tâches, le transfert des contrats de travail étant encadré par la loi et des garanties sociales spécifiques ayant été négociées et conclues avec les organisations syndicales ».

Le président du tribunal judiciaire a donc pu en déduire que le CSEE ne démontrait pas l’existence d’un projet important de nature à entraîner des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail des salariés des magasins concernés. En d’autres termes, il faut prouver qu’il y a projet important, en ce que celui-ci peut avoir des conséquences en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail dans l’établissement en question. Et ces conséquences doivent être identifiées de façon « précise et concrète ».

 Remarque en cas de contestation de la délibération, qu’il s’agisse d’un CSE ou d’un CSEE, le juge vérifie toujours que le projet est important, et qu’il a des conséquences en matière de santé, de sécurité ou sur les conditions de travail. Un projet d’aménagement important s’entend, en effet, d’un projet qui introduit un changement dans l’organisation et agit sur les conditions de travail des salariés. Ce qui détermine l’importance d’un projet, c’est essentiellement l’importance de ses incidences sur les conditions de santé, de sécurité ou de travail. En outre, concernant le CSEE, il est nécessaire que le projet implique des mesures d’adaptation au niveau de l’établissement, relevant de la compétence du chef d’établissement. Ce sont ces mesures qui doivent avoir des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail. Cet arrêt s’inscrit dans le cadre de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622), et il n’est donc pas nouveau, mais il offre un rappel de ces règles, ainsi qu’une illustration intéressante. 

Séverine Baudouin

Source – Article issu du site Actuel CSE