L’exécutif poursuit sa réforme du droit social en proposant un nouveau projet de loi. Destiné en premier lieu à ratifier trois ordonnances issues de la loi Avenir professionnel, le texte ne s’arrête pas là. Il introduit des mesures hétéroclites visant le droit du travail, dont une partie porte sur la négociation collective de branche et le dialogue social dans l’entreprise.

La rénovation du modèle social engagée depuis deux ans par le gouvernement se poursuivra à travers un nouveau texte. Un projet de loi a été présenté le 13 novembre en conseil des ministres. Il a pour objectif premier la ratification de trois ordonnances prévues par la loi Avenir professionnel :  l’ordonnance « coquilles », celle transposant la directive sur les travailleurs détachés et celle adaptant à l’outre-mer des règles applicables en matière de formation professionnelle. Mais ce texte ne s’arrête pas là.

L’étude d’impact du projet de loi datée du 12 novembre 2019 indique que « malgré la vitesse d’exécution et la profondeur des réformes engagées, il demeure encore des réponses et des précisions à apporter afin de parfaire les réformes entamées depuis plusieurs mois ». Le gouvernement profite donc de ce texte pour ajouter de nouvelles mesures d’ordre social ayant trait à la formation, à la représentativité syndicale ou encore à la restructuration des branches professionnelles. Le Conseil d’Etat a d’ores et déjà considéré que ce texte ne présentait aucun obstacle juridique, dans son avis rendu le 13 novembre.

Comité social et économique

CSE et dépassement du seuil de 300 salariés. Afin de limiter les effets de seuil liés à la mise en place du CSE, le projet de loi propose de n’appliquer les obligations découlant du franchissement du seuil de 300 salariés qu’aux entreprises ayant dépassé ce seuil de manière durable. L’employeur disposerait d’un délai de douze mois à compter du franchissement des 300 salariés pour se conformer complètement aux obligations qui en découlent. 

Fin de l’envoi des PV de carence. Le projet de loi supprimerait l’obligation d’envoi du procès-verbal de carence par l’employeur à l’inspecteur du travail. L’employeur ne devrait plus envoyer ce procès-verbal qu’au centre de traitement des élections professionnelles du ministère du travail. L’objectif est double : simplifier les obligations des employeurs et décharger l’inspection du travail (qui doit aujourd’hui communiquer les procès-verbaux aux organisations syndicales du département).

Procédure d’information-consultation des représentants du personnel. Le projet de loi ajoute au code du travail une précision quant à la nécessité de consulter le CSE lors d’un grand licenciement économique. Il indique que la présence d’un accord majoritaire n’a aucun impact sur la nécessité de consulter le CSE sur les conséquences en matière de santé, sécurité et conditions de travail, le texte actuel pouvant porter à confusion. Dans son avis du 13 novembre, le Conseil d’Etat préconise que cette obligation de consultation du CSE ne s’applique qu’aux procédures de licenciements collectifs engagées après la publication de la loi.

Durée des accords d’intéressement. Afin d’encourager la diffusion de l’intéressement dans les entreprises (en particulier les plus petites), le projet de loi prévoit que la durée d’un accord d’intéressement ne serait plus obligatoirement fixée à trois ans. Les partenaires sociaux pourraient déterminer par accord cette durée, fixée entre un minimum de un an et le maximum actuel de trois ans. Dans son avis rendu sur le projet de loi, le Conseil d’Etat préconise de limiter cette nouvelle possibilité aux accords conclus après le 30 juin 2020.

Dialogue social

Des règles simplifiées de représentativité syndicale groupe. La « complexité particulière » des règles d’appréciation de la représentativité syndicale au niveau du groupe « nuit à son appropriation par les entreprises et in fine à la sécurité juridique » des accords collectifs de groupe, explique l’étude d’impact. Le projet de loi propose que, quel que soit le cas, la représentativité soit appréciée à partir des résultats obtenus lors des dernières élections des entreprises comprises dans le périmètre de l’accord. Il supprimerait donc le deuxième alinéa de l’article L. 2122-4 du code du travail. Dans tous les cas, il faudrait désormais apprécier la représentativité des organisations syndicales par addition de l’ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections organisées dans les entreprises ou établissements compris dans le périmètre de l’accord. 

Des négociations interbranche sécurisées. Répondant à une « demande des partenaires sociaux », le projet de loi introduirait la possibilité d’arrêter la représentativité des organisations sur un périmètre composé de plusieurs branches, dénommé « périmètre assimilable à une branche », dans des secteurs ou coexistent plusieurs conventions collectives. Autrement dit, créer un nouveau niveau de négociation, tout en laissant la possibilité à chaque convention collective de négocier de son côté. Pour le cycle 2017-2020, 45 arrêtés sont concernés, selon l’étude d’impact. Il s’agirait d’inscrire dans le code du travail une pratique déjà existante. De la même façon, le projet de loi intègre dans la loi une mesure – déjà largement admise par la doctrine – permettant aux branches professionnelles de négocier en toute sécurité des accords interbranches.

Sept ans de délai avant fusion des branches. Le projet de loi permettrait aux branches qui ont fait l’objet d’un accord de regroupement d’obtenir un délai de sept ans avant que leur soient appliquées les dispositions conventionnelles communes. Aujourd’hui, ce délai est de seulement cinq ans. Un délai trop court pour que les branches s’organisent face aux regroupements de grande ampleur qui seront mis en oeuvre dans les prochaines années, selon l’étude d’impact du projet de texte.

Formation professionnelle

Une formation à la sécurité. Dans le but de réduire le nombre et la durée des arrêts de travail liés aux accidents du travail et maladies professionnelles, le projet de loi enrichit le contenu de la formation pratique à la santé et sécurité. Cette formation est aujourd’hui prévue dans un certain nombre de cas, notamment pour les travailleurs lors de l’embauche, lors d’un changement de poste de travail ou de technique, pour les salariés temporaires et à la demande du médecin du travail. Le contenu de cette formation étant encadré par une loi datant de 1976, il est temps de la rénover, constate l’étude d’impact. Le projet de loi précise d’une part que cette formation devra s’adapter aux risques et à leurs évolutions et favoriser la maîtrise par les travailleurs d’un « geste professionnel sûr », tout en tenant compte de leur parcours professionnel antérieur. D’autre part, le texte introduit l’obligation, pour l’employeur, de former les encadrants aux risques et mesures de prévention propres à leurs fonctions. L’étude d’impact indique que cette mesure ne ferait pas augmenter le coût des formations pour l’employeur, mais améliorerait leur efficacité.

Un taux de cotisation formation fixé par la loi dans le BTP. Une année de transition qui se solde par un échec. Dans le but de développer la négociation collective dans le secteur du bâtiment, la loi Avenir professionnel comptait sur les partenaires sociaux au niveau national pour adapter eux-mêmes le taux de cotisation formation (article L. 6331-38). Elle leur laissait alors une année de transition en 2019 pour s’accorder sur cette question. Toutefois, ces derniers ne sont à ce jour parvenus à aucun accord en ce sens. C’est pourquoi le projet de loi précise qu’à défaut d’accord, le taux de cotisation sera fixé par la loi. 

Contrat de travail

Autoriser le travail de nuit pour les commerces de détail alimentaire. Le projet de loi autorise le gouvernement à adopter une nouvelle ordonnance. Celle-ci intégrerait les commerces de détail alimentaire situés hors zones touristiques internationales à la liste des établissements autorisés à mettre en place le travail de nuit. Une telle ordonnance permettrait à ces commerces d’ouvrir entre 21 heures et minuit. L’ordonnance serait prise dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi, après une phase de concertation avec les acteurs du secteur concerné. 

Prolongation de l’expérimentation de CDD successifs. « Le lancement de l’expérimentation prévu par la loi du 5 septembre 2018 a pris du retard », indique l’étude d’impact, en référence à la possibilité ouverte, à titre expérimental, de conclure un seul CDD ou un seul contrat de travail temporaire pour remplacer plusieurs salariés. C’est pourquoi le projet de loi propose d’allonger la durée prévue de cette expérimentation. Au lieu de s’achever le 31 décembre 2020, elle est prolongée jusqu’au 1er juin 2021.

Indemnisation de certains licenciements nuls. Suite à l’intégration dans la loi des mesures issues des ordonnances Travail, une règle de protection des salariés parents a été supprimée par erreur. Le projet de loi réintroduirait dans le code du travail la disposition qui prévoyait l’indemnisation au titre des salaires non perçus pendant la période de nullité conséquente à un licenciement nul au titre de la protection de la maternité, de la paternité, de l’adoption et de l’éducation des enfants (deuxième alinéa de l’article L. 1225-71 du code du travail dans sa version précédant l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017).

Source – Actuel CE