Les demandes d’autorisation de rupture ou de transfert du contrat des salariés protégés, ainsi que leurs recours hiérarchiques sont impactés par la crise sanitaire du Covid-19 : confinement, services postaux dégradés ou encore arrêts maladie, troublent voire empêchent la procédure. Une première instruction en date du 17 mars 2020 avait déjà prévu des mesures d’organisation en matière de respect du contradictoire pour l’instruction des demandes d’autorisation et des recours hiérarchiques, favorisant notamment le recours à une procédure d’enquête écrite.
D’autre part, l’ordonnance n° 2020-306 du 26 mars 2020 prévoit la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et organise l’adaptation des procédures administratives dans ce cadre.
L’instruction de la direction générale du travail (DGT) du 7 avril détaille l’application de ces mesures d’urgence en matière d’autorisation administrative de licenciement des salariés protégés, l’ordonnance étant de portée générale et trouvant donc à s’appliquer dans ce cas.
A noter que les suspensions ou reports de délais prévus ne constituent pas une interdiction d’agir dès lors que l’administration a les éléments pour prendre une décision en toute connaissance de cause.
A ce stade, la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire est le 24 mai 2020, elle est cependant susceptible d’être modifiée si l’état d’urgence était prolongé. A ce jour, la période concernée s’étend donc du 12 mars au 24 juin 2020.
Cela permet d’éviter que les particuliers comme les entreprises se retrouvent « piégés » par l’expiration de délais qui rendraient leur action tardive.
L’article 2 de l’ordonnance prévoit notamment que tout recours « sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois« .
Ces dispositions sont applicables tant au respect par l’employeur des règles relatives au délai de saisine de l’inspecteur du travail, qu’à la recevabilité des recours hiérarchique.
L’instruction n’en dit pas plus sur la saisine de l’inspecteur du travail. A noter que les délais de saisine de l’inspecteur du travail dépendent essentiellement de la nature du mandat détenu par le représentant du personnel, en fonction duquel l’employeur a ou non l’obligation de consulter le CSE, et de l’éventuel prononcé d’une mise à pied conservatoire à l’encontre de l’intéressé.
Dans le cas du licenciement d’un membre du CSE sans mise à pied conservatoire, l’employeur doit normalement saisir l’inspecteur du travail dans les 15 jours qui suivent la consultation du CSE (48 heures en cas de mise à pied conservatoire), et la loi ne prévoit pas de délai lorsque le CSE n’est pas consulté (licenciement d’un délégué syndical sans autre mandat par exemple).
Dans tous les cas, il apparaît que la saisine de l’inspecteur du travail qui aurait dû être formée pendant la période se déroulant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence (24 juin à ce jour) sera réputée recevable si elle a été formé dans la limite de deux mois (24 août). L’instruction vise expressément la saisine de l’inspecteur du travail mais n’entre dans aucun détail quant à la prise en compte des délais spécifiques de sa saisine.
Le recours hiérarchique qui aurait dû être formé pendant la période se déroulant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (24 juin à ce jour) sera réputé recevable s’il a été formé dans le délai de 2 mois suivant cette période. Cette possibilité concerne les recours hiérarchiques formés contre les décisions des inspecteurs du travail notifiés à partir du 11 janvier 2020 (2 mois avant le 12 mars).
► Exemple : une décision a été notifiée le 26 février 2020. Le recours aurait dû être formé au plus tard le 27 avril 2020. Il sera réputé recevable s’il est formé dans le délai de 2 mois suivant l’expiration du délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (24 août à ce jour).
Le recours peut toutefois être introduit dans les délais habituels. Il s’agit d’un « filet de sécurité », non d’une obligation. Remarque : pour les recours hiérarchiques présentés avant le 12 mars 2020, l’instruction préconise autant que possible de poursuivre l’instruction lorsque l’enquête est close et le rapport en cours de rédaction, ainsi que lorsque l’enquête est en cours et que les parties sont en mesure de communiquer les éléments nécessaires à l’analyse du dossier. A noter également, que pour les recours hiérarchiques présentés postérieurement au 12 mars 2020, un accusé de réception sera assuré : le contre-enquêteur se doit de communiquer le recours à la partie non requérante par mail (ou logiciel de transfert des pièces, à défaut de lettre recommandée avec accusé de réception), et, dans la mesure du possible, d’organiser la contre-enquête selon les modalités prévues par l’instruction du 17 mars 2020 et notamment privilégier les observations écrites.
L’article 7 de l’ordonnance prévoit que les délais à l’issue desquels une décision administrative peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée à l’article 1, c’est-à-dire un mois après la fin de l’état d’urgence (le 24 juin à ce jour). En outre, il est précisé que le point de départ de ces mêmes délais qui auraient dû commencer à courir pendant cette période (du 12 mars au 24 juin à ce jour) est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
Ces dispositions sont notamment applicables au délai à l’issue duquel naît une décision implicite de rejet d’une demande d’autorisation de licenciement ou de transfert du contrat de travail d’un salarié protégé.
Il s’agit des demandes d’autorisation de rupture ou de transfert des contrats de travail des salariés protégés dont le délai d’instruction de deux mois à compter de la date de réception de la demande (C. trav., art. R. 2421-1 et R. 2421-11) aurait dû expirer (suspension) ou aurait dû commencer à courir (report) entre le 12 mars et l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire (le 24 juin à ce jour).
Ne sont pas concernées par la suspension ou le report les délais expirés avant le 12 mars 2020.
Le délai de 2 mois laissé à l’inspecteur du travail pour prendre sa décision est « suspendu ». Ce délai n’est pas « interrompu », ce qui veut dire qu’il convient de décompter le délai déjà écoulé et le délai restant ne recommencera à courir qu’un mois après la fin de l’état d’urgence.
► Exemple : une demande est reçue le 20 février 2020 et n’a pas fait l’objet d’une décision expresse avant le 12 mars. 21 jours se sont écoulés depuis le 12 mars. Si la demande ne fait l’objet d’aucune décision expresse, elle sera implicitement rejetée du fait du silence gardé sur cette demande pendant le délai couvrant la période comprise entre l’instauration de l’état d’urgence jusqu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence, à laquelle il faut ajouter le délai restant à courir, soit 38 jours (l’instruction parle de 48 jours, une erreur selon nous : en effet 2 mois – 21 jours = 1 mois + 1 semaine = 38 jours). La décision implicite de rejet ne naîtra qu’à l’issue de ce délai : dans cet exemple, à ce jour, le 1er août (24 juin + 38 jours).
Le point de départ du délai de 2 mois est reporté jusqu’à l’achèvement de la période se déroulant entre le 12 mars et l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence.
► Exemple : une demande est reçue le 23 mars 2020. Le délai à l’issue duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite de rejet est immédiatement suspendu. En cas de silence de l’administration, la décision implicite de rejet ne naîtra que 2 mois après l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence. A ce jour, le 24 août (24 juin + 2 mois) pour l’ensemble des demandes n’ayant pas reçu de réponse explicite, reçues après le 12 mars et jusqu’au 24 juin (1 mois après la fin de l’état d’urgence).
- si l’accusé de réception (AR) n’a pas encore été adressé aux parties : il convient d’en adresser un mentionnant qu’en application de l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, le point du départ du délai de naissance de la décision implicite est reporté (3 mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire donc), tout en précisant les voies et délais de recours ;
- si l’AR a déjà été adressé aux parties : il convient d’informer les parties du report du point de départ du délai de naissance de la décision implicite de rejet.
La suspension ou le report des délais n’est pas une interdiction d’agir dès lors que l’administration a les éléments pour prendre une décision en toute connaissance de cause.
L’inspecteur du travail se doit même de statuer sur la demande sans attendre :
- dès lors qu’une demande ne nécessite pas une enquête approfondie (rupture conventionnelle individuelle) ;
- lorsque l’organisation interne permet de réaliser l’enquête et qu’il est en mesure de recueillir l’ensemble des éléments de fait nécessaires à sa décision.
Les modalités de l’enquête sont adaptées conformément à l’instruction du 17 mars 2020 portant sur le contradictoire en matière de licenciement des salariés protégés et privilégiant les observations écrites et échanges par courriel. De même, les éléments manquants identifiés nécessaires à l’instruction de la demande devront être sollicités par écrit auprès des parties.
Remarque : l’instruction attire une attention particulière sur les situations pour lesquelles la suspension des délais pourrait porter une atteinte excessive aux intérêts des parties (mise à pied conservatoire, salarié ayant retrouvé un autre emploi ou lorsque la survie même de l’entreprise est en cause en raison d’une interruption prolongée de toute activité en raison de la crise sanitaire).
La DGT préconise ensuite de finaliser l’instruction et de n’utiliser la faculté de report offerte par la suspension des délais uniquement quand l’enquête n’est pas possible. Il est précisé qu’en tout état de cause, il convient d’informer les parties de la date de la naissance de la décision implicite de rejet (c’est-à-dire le délai restant à courir soit XXX jours). Cette information peut être faite par courriel.
Source – Actuel CSE