Dans le cadre d’une consultation, lorsque le tribunal de grande instance établit une liste d’informations à communiquer aux élus du personnel, l’employeur doit exécuter à la lettre la décision de justice. La direction ne peut pas faire le tri dans les documents qui seront transmis.

Lorsqu’il est consulté, le CE ou le comité social et économique (CSE) rend son avis après avoir disposé « d’un délai d’examen suffisant et d’informations précises et écrites » (article L. 2323-3 pour le CEL. 2312-15 pour le CSE). Depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, ce délai d’examen est négocié, ou à défaut d’accord collectif, fixé par décret (article R. 2323-1-1 pour le CER. 2312-6 pour le CSE). À l’expiration de ce délai, l’instance est réputée avoir rendu un avis négatif.

Tout le dispositif légal vise à faire obstacle à une éventuelle stratégie dilatoire des élus du personnel. Ainsi, si ces derniers estiment qu’ils ne sont pas en mesure d’émettre un avis motivé, l’instance ne doit pas tarder et saisir le président du tribunal de grande instance (TGI) sous la forme des référés pour qu’il ordonne à l’employeur de communiquer les éléments manquants. Et cette action en justice n’a en principe pas pour effet de suspendre la procédure du consultation. Mais si l’employeur ne joue pas le jeu du dialogue social, le juge peut aussi se montrer intransigeant…Un projet de regroupement de sites, mais pas d’information sur le coût des déménagementsEn mai 2016, la direction des services partagés (DSP) d’EDF engage une procédure d’information/consultation de deux comités d’établissement sur un « projet de schéma directeur des implantations des entités (DSP) », ayant pour objet un regroupement des sites en Ile-de-France. Saisi d’une demande d’informations complémentaires par les deux instances représentatives locales, le TGI établit une liste de documents que EDF doit produire et proroge le délai de consultation pour une durée de trois mois à compter de la réception complète des informations qui leur sont destinées. La direction délivre alors :

  • les chiffrages individualisés par site des coûts de fonctionnement actuel des sites et les loyers en cours ;
  • les chiffrages individualisés par site des coûts de fonctionnement des implantations envisagées, coûts de regroupement, modification des lieux concernés ;
  • les études inter-comparatives (benchmarks) ;
  • les modalités de résiliation des baux, implications juridiques et financières ;
  • la présentation précise des effectifs cibles et des réductions ou suppressions d’emploi, modalités de reconversion, charge de travail compte tenu des organisations projetées pour établir la carte d’implantation des sites ;
  • la présentation précise des critères retenus pour le choix des implantations et les éléments objectifs.

Les comités d’établissement font alors remarquer que l’information sur les coûts de déménagement par site, pourtant exigée par le TGI, n’est pas fournie. En défense, la direction rétorque qu’elle a « recentré » son projet et que, compte tenu de cette modification, les informations communiquées aux élus sont suffisamment précises pour leur permettre d’émettre un avis éclairé.Tant que le document manqué n’est pas communiqué, le projet de déménagement est bloquéLa Cour de cassation explique alors assez clairement que ce n’est pas à l’employeur de se faire juge, parmi la liste établie par le TGI des informations à fournir aux CE, de ce qu’il faut effectivement transmettre aux élus. « Quand bien même la société a, en exécution de l’ordonnance (du TGI), remis aux comités d’établissement certains des éléments d’information relatifs au projet de schéma directeur des implantations de la DSP IT (établissement 1) et de la DSP tertiaire (établissement 2) recentré sur la période 2016-2020, ces comités n’ont pas été rendus destinataires du document portant sur les coûts de déménagement par sites, pourtant visés par l’ordonnance du 18 juillet 2016 » du tribunal de grande instance. Dès lors, le délai imparti aux comités d’établissement pour donner leur avis ne commencera à courir qu’à compter de la remise de ce document par la société EDF, est-il décidé.

Les modalités de contestation du déroulement de la consultation demeurent inchangées dans le cadre du CSE pour les entreprises de 50 salariés et plus (article L. 2312-15 alinéas 4 et 5 du code du travail). L’exigence des juges, manifestée dans cet arrêt du 30 janvier, devrait en toute logique être transposable à la nouvelle instance unique de représentation du personnel.

Source – Actuel CE