Le CSE est une personne morale, et à ce titre il doit être valablement représenté par délégation expresse dans ses relations avec les tiers. Mais doit-il nécessairement être représenté par un membre du comité ? Oui, tranche la Cour de cassation, dans un arrêt relatif à la constitution de partie civile d’un comité lésé par son trésorier indélicat.
Dans cette affaire, le trésorier d’un comité d’entreprise est poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d’abus de confiance au préjudice du CE. Il lui est reproché d’avoir détourné des fonds en procédant à des achats personnels, ainsi que des retraits d’espèce. Il est condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et à 30 000 euros d’amende. Mais ce n’est pas cela qui nous intéresse dans la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation. En effet, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du comité d’entreprise, la personne physique munie d’un mandat de représentation du CE n’en étant plus membre au moment de l’audience !
La cour d’appel fait droit à la demande du comité et lui octroie plus de 105 000 euros au titre de son préjudice financier, ainsi que 5 000 euros au titre de son préjudice moral et 5 000 euros au titre de l’indemnité procédurale. Pour les juges d’appel, le mandat de représentation du comité étant valable au stade de l’instruction, les effets de cette constitution de partie civile perdurent devant le tribunal correctionnel, d’autant que le comité a été cité par le ministère public et qu’il était représenté par un avocat.
A l’appui de cette décision, l’abrogation de l’article R. 432-1 du code du travail par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 dans le cadre de la recodification du code du travail. Cet article précisait que » le comité est valablement représenté par un de ses membres délégué à cet effet ». Ayant disparu du code du travail, les juges en ont déduit qu’il n’était pas obligatoire d’être membre du CE pour être habilité à agir en justice en son nom.
Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle explique qu’il se déduit des articles 2 et 3 du code de procédure pénale et L. 2325-1 du code du travail que « l’action civile en réparation du dommage directement causé au comité d’entrepise par un crime, un délit ou une contravention doit être exercée par l’un de ses membres régulièrement mandaté à cet effet ». Pour la chambre criminelle, l’abrogation de l’article R. 432-1 étant intervenue lors de la recodification du code du travail ne saurait être interprétée comme permettant que l’action civile du comité d’entreprise soit exercée par une personne qui n’en est pas membre, dès lors que, sauf dispositions expresses contraires, la recodification du code du travail est intervenue à droit constant (Cass. soc., 27 févr. 2010, n° 08-44.376).
En effet, l’article R. 432-1 renvoyait à l’article L. 431-6 qui a été repris à l’article L. 2325-1 du code du travail. Cet article prévoit que « le comité d’entreprise est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine ». Quant aux articles 2 et 3 du code de procédure pénale visés par la chambre criminelle, ils définissent l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention et précisent que celle-ci « appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ». Or comment représenter une personne morale ayant directement souffert d’un dommage sans en faire partie ?
Pour la chambre criminelle, la circonstance que le comité d’entreprise se soit constitué partie civile pendant l’information judiciaire est indifférente quant à la nécessité pour la personne morale d’être représentée devant la juridiction de jugement, tout comme le fait que la partie civile puisse se faire représenter par un avocat, le mandat ad litem délivré à ce conseil étant distinct du mandat devant être délivré à la personne désignée par le comité d’entreprise pour le représenter.
Il faut donc être très prudent et désigner un nouveau mandataire du comité si le membre précédemment désigné a quitté le CSE entre l’instruction et l’audience. Dans tous les cas, il est même recommandé de vérifier le pouvoir aux différentes étapes de la procédure, et d’inscrire ce point à l’ordre du jour si une nouvelle délibération est nécessaire.
D’après nous, cette solution s’applique pleinement au CSE, l’article L. 2315-23 reprenant le contenu de l’article L. 2315-1 prévoyant que le CSE est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
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