Contexte de l’affaire

Un salarié est engagé en qualité de conducteur moniteur à compter du 26 avril 1993, puis promu responsable atelier, statut cadre, à compter du 1er avril 2009.

Il est licencié pour faute grave par une lettre du 28 octobre 2010.

Par acte du 8 avril 2011, il saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir la condamnation de son entreprise à lui payer diverses sommes, notamment au titre d’astreintes.

Il indiquait que dans le cadre de son activité au sein de l’entreprise :

  • Il avait l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise
  • Qu’il établissait la réalité d’appels téléphoniques à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, lesquels faisaient l’objet d’un rapport à l’employeur et justifiaient ponctuellement son déplacement à l’atelier ;
  • Constituant de ce fait des astreintes déclenchant des compensations qui n’avaient pas été honorées.

Extrait de l’arrêt :

constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise ; qu’en tirant de ce que le salarié établissait la réalité d’appels téléphoniques à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, lesquels faisaient l’objet d’un rapport à l’employeur et justifiaient ponctuellement son déplacement à l’atelier,

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris donne raison au salarié, dans son arrêt du 26 mai 2016.

Elle reconnaissait l’existence d’astreintes, donnant lieu au versement de rappels de salaires.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour condamner l’employeur à payer au salarié un rappel de salaire au titre de l’astreinte du 1er juillet 2008 au 28 octobre 2010, outre les congés payés afférents, l’arrêt énonce que M. Y… établit, par la production de notes de service et de relevés téléphoniques, la réalité d’appels à n’importe quelle heure du jour et de la nuit qui ont fait l’objet de rapports à son employeur pour des durées allant de quelques secondes à plus de 30 minutes et justifiant ponctuellement son déplacement à l’atelier ainsi que cela résulte de l’attestation versée aux débats et non discutée, que l’employeur qui s’est abstenu d’établir un décompte mensuel sur la base des rapports de M. Y…, dont il était destinataire, sans lui indiquer qu’il n’était pas prévu que ce dispositif repose sur lui seul, et sans l’en dédommager, même en retenant que l’astreinte a effectivement été mise en place au titre des objectifs fixés au salarié au titre de l’année 2009, il y a lieu de retenir un volume quotidien de 17 heures d’astreinte, en plus de l’horaire de travail du 1er juillet 2008 au 28 octobre 2010 ;

Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, et retient les arguments de l’employeur selon lequel il n’existait aucune obligation contractuelle contraignant le salarié à demeurer à son domicile (ou à proximité) « en vue de répondre à un appel de son employeur pour effectuer un travail au service de l’entreprise ».

En d’autres termes, l’astreinte ne pouvait s’effectuer qu’à la demande de l’employeur…

Extrait de l’arrêt :

Qu’en se déterminant ainsi, sans caractériser que le salarié était obligé de demeurer constamment à son domicile ou à proximité en vue de répondre à un appel de son employeur pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu qu’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera la cassation du chef de l’arrêt critiqué par les deuxième, troisième et cinquième moyens ainsi que par la dixième branche du quatrième moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société (…)  à payer à M. Y… 195 533,12 euros à titre de rappel de salaire au titre de l’astreinte du 1er juillet 2008 au 28 octobre 2010, 19 553,31 euros à titre de congés payés afférents,(…)

Cour de cassation du , pourvoi n°16-21182

Source – LégiSocial